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ENPLEINEEXPANSION
Source : lenouvelobs.com en ligne
le 21 janvier 2012
Le climat politique encourage
les ultra-orthodoxes
Par
Céline Lussato
Trois semaines après des événements opposants ultra-orthodoxes et laïcs en Israël, le politologue Ilan Greilsammer revient sur l'accroissement démographique de la population religieuse dans le pays, sur son désir d'influer davantage sur la société, sur les craintes des laïcs et la responsabilité de la classe politique dans cette évolution.
La communauté juive ultra-orthodoxe a-t-elle une influence de plus en plus grande en Israël ?
- Ils ont une démographie beaucoup plus forte que le reste de la population israélienne qui a un modèle démographique qui suit le modèle occidental, faible, avec deux ou trois enfants. La population ultra-religieuse, elle, a gardé un modèle extrêmement dynamique : on se marie tôt, on fait des enfants tôt et on a des familles extrêmement nombreuses avec huit, dix ou douze enfants. Donc, logiquement, quand une partie de la population a un modèle faible et vieillissant et une autre partie un modèle dynamique, et la première est dans un état de croissance par rapport au reste de la population israélienne. On le constate lorsqu'on regarde le nombre très important de jeunes, jeunes qui sont parmi les plus touchés par le problème du logement.
On le voit aussi à Jérusalem, où il y a une grande population ultra-religieuse, et où on ferme les rues des quartiers ultra-orthodoxes le chabat parce qu'ils ne veulent pas que les gens y circulent : les quartiers concernés s'étendent à mesure de leur influence qui s'étend de rue en rue, de chabat en chabat...
Démographiquement la réponse est très claire. Quant à l'influence qu'ils ont sur la politique israélienne, elle reste assez inchangée. Deux partis, le Shass et Union de la Torah, restent indispensables à toute coalition gouvernementale.
Leur influence dans la société israélienne a-t-elle elle aussi augmentée ?
- Les relations entre religieux et non religieux sont gérées par le "statu quo" que Ben Gourion, lui-même laïc, avait accepté.
Or les ultra-religieux cherchent à grignoter ce statu quo en leur faveur. Ils essayent de faire passer des règles de société qui leur soient plus favorables. A mon sens, leur influence n'a pas radicalement changée mais, à la limite, ils arrivent à marquer des points.
Le cas de Beit Shemesh illustre à quel point c'est qu'aux confins de ces zones habitées à la fois par les ultra-religieux, les laïcs et les religieux modérés, où les ultras cherchent à imposer leur façon de voir, que les point de crispations existent. Maintenant, ils se sentent assez forts pour demander aux commerçants de faire des affiches publicitaires qui soient plus prudes et les commerçants acceptent parce qu'ils ne veulent pas perdre cette clientèle. Idem pour les autobus : les compagnies laïques en passent également par là pour ne pas perdre un marché.
Alors, dire que la société israélienne change, je ne crois pas. Mais il y a un grignotage de la société laïque israélienne.
Les laïcs sont inquiets. Ont-ils raison ?
- Les laïcs et les religieux modérés se plaignent mais ils ne font rien. A Jérusalem, au lieu de combattre, de s'opposer à l'influence des ultra-religieux, ils abandonnent le terrain et parlent de partir à Tel Aviv. Ce n'est pas comme ça qu'on contrebalance l'influence des extrémistes.
Je ne comprends pas pourquoi les publicitaires cèdent, pourquoi les compagnies de bus acceptent la séparation hommes/femmes sur certaines lignes... La question, ce n'est pas est-ce que les laïcs se plaignent, ce qui compte c'est font-ils quelque chose ? Il y a eu là une manifestation à Beit Shemesh. Mais tant que le Shass et Union de la Torah ont autant de sièges à la Knesset ils garderont leur influence.
Ne seraient-ce pas aux élus justement de prendre des initiatives ?
- Benjamin Netanyahou a lui aussi condamné les récents événements de Beit Shemesh, mais il ne fera rien contre les ultras car il a besoin des religieux dans sa coalition...
Par ailleurs, le grand problème d'Israël aujourd'hui, c'est l'ambiance antidémocratique qui s'installe en Israël : il y a des lois proposées à la Knesset par nos députés qui sont assez éloignées de la démocratie, en particulier à l'initiative du parti de Lieberman Israël Beteinou et de la droite du Likoud : celles qui visent à interférer dans la liberté de la presse, dans l'organisation de la Cour suprême… et je crois que dans les franges anti-démocrates du pays il y a un sentiment qu'on peut se permettre des choses qu'on ne pouvait pas se permettre auparavant. Il y a une tentation de la politique de force.
Ces groupes qui exigent que les hommes s'assoient à l'avant des bus et les femmes à l'arrière, n'auraient jamais osé demander des choses de ce genre dans les années 1950 ou 1970. Mais dans un contexte où on tape du poing, ou on interfère dans les fondements de notre Etat de façon antidémocratique, alors ces groupuscules sont encouragés.
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