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Source : le site de guysen international
News en ligne le 1er mai
Marek Edelman :
le combat du protecteur des Juifs
par Julien Bahloul
Marek Edelman, héro de la révolte du ghetto de Varsovie en 1943 est décédé à l’âge de 90 ans. Partout à travers le monde on a salué la mémoire d’un grand engagé par la suite contre la dictature communiste en Pologne. En Israël en revanche, beaucoup ne lui ont jamais pardonné de ne pas avoir adhéré au sionisme. Cible des critiques, certaines d’entre elles sont parfois plus qu’honteuses. En regardant de plus près son parcours, en tentant d’analyser sa psychologie on comprend en réalité que l’homme a vécu et est mort en combattant. En combattant juif. Avant, pendant et après la guerre. Retour sur son histoire et sur une polémique vide de sens.
Marek Edelman a grandi à Varsovie, ville d'Europe qui compte alors le plus de Juifs (400.000 personnes, soit un tiers de la population locale). C'est également un centre politique juif et le carrefour culturel du judaïsme ashkénaze en Europe de l'Est.
Mais le « Yiddishland» va disparaitre. Les nazis occupent la Pologne à partir de septembre 1939. Dès Octobre, les premiers ghettos sont créés. Celui de Varsovie rassemble 380 000 juifs. Après une première vague de déportation, il n’en reste plus que 70 000.
Marek Edelman est à cette époque membre depuis plusieurs années du Bund, ce parti socialiste juif qui, loin de prôner l’assimilation, revendiquait un droit égal pour les citoyens juifs polonais et une autonomie culturelle. En revanche, il se démarquait des autres mouvements de gauche juifs (notamment l’Hachomer Hatzair) en refusant la solution du sionisme (donc de l’immigration en terre d’Israël).
Dans l’esprit d’Edelman, il faut se battre pour survivre. Se battre quoi qu’il arrive. Se battre et non fuir, quand bien même se serait pour aller en terre promise. S’engager pour donner un sens à la vie comme le dira plus tard Jean-Paul Sartre.
Mais contrairement au philosophe, le Juif polonais met en pratique les théories. « Nous avions été marqués par les Juifs de Chelmno, qui s’étaient laissés déporter sans résister. Il n’était pas question que ça se reproduise à Varsovie », explique Edelman dans ses Mémoires du ghetto de Varsovie. De là, nait la fusion de plusieurs mouvements de jeunesse (à l’exception notoire du Betar marqué à droite) pour former l’Organisation juive de combat en 1942. Marek Eldeman prend le commandement des renseignements secrets tandis que son camarade Mordehaï Anilewicz dirige la structure.
Un an après, le 19 avril 1943, lorsque les nazis entrent dans le ghetto pour le liquider, deux cents juifs armés prennent les armes et opposent aux SS leur première défaite. Il faut le rappeler : la première victoire contre l’Allemagne nazie a eu lieu en Pologne. Et c’est à l’organisation juive clandestine qu’en revient le mérite.
Au sortir de la Seconde guerre mondiale, la plupart de ses amis partent s’installer en Israël. Lui refuse. Il reste fidèle à ses idées et reste en Pologne pour sauvegarder ce qu’il reste de juif dans ce pays. « Il faut bien que quelqu’un garde les sépultures », répétera t-il souvent.
Certains estimeront qu’il se voile la face en essayant de vivre dans une Varsovie qui n’est plus. L’histoire ne leur donnera pas forcément tort : très vite de nouveaux pogroms sont organisés d’abord en 1946 puis en 1968, lorsque le gouvernement communiste met en place une politique ouvertement antisémite. Comme beaucoup de ses frères, il perd son emploi de cardiologue (de renom). Sa femme veut partir, loin, pour mettre leurs enfants à l’abri.
Mais Marek Edelman a eu une âme de combattant, son esprit ne peut pas accepter l’idée d’une fuite. Il a encore en lui ce sentiment de leader qui a des responsabilités envers ceux qui croient en lui. « Parce que les Juifs sont tous partis et qu'il faut bien que je reste. Parce que ce monde-là est fini. Les Juifs, c'est fini. S'il doit en rester un seul, ce sera moi », dira t-il.
Même quand sa femme décide de partir en France en 1971 avec leurs enfants (où de brillantes carrières les attendent), il reste en Pologne. A la même époque il s’engage dans l’opposition au régime communiste et est élu député après la chute du pouvoir de 1989 à 1993.
Dans la psychologie d’Edelman, le capitaine part en dernier, coule avec le bateau s’il le faut. Pour cette raison, il n’a jamais pu accepter le suicide de Mordehai Anilewicz, chef de l’Organisation juive de combat. Assiégée rue Mila, une partie des derniers combattants s'est donnée la mort plutôt que de se livrer aux nazis. Une tragédie qui rappelle celle de Massada.
Pas pour Edelman. « Un chef n’a pas le droit de se suicider. Il doit se battre jusqu’au bout. D’autant qu’il était possible de fuir le ghetto, malgré les barrages. La preuve, c’est que nous sommes quinze à être parvenus à prendre la fuite. L’idée du suicide collectif n’est pas venue d’Anielewicz, mais de Jurek Wilner. Peu de temps auparavant, Jurek était revenu d’une mission dans un camp de concentration. Jurek était diminué physiquement et moralement. Lorsqu'est arrivé le moment le plus difficile, il n’a pas vu d’autre issue que la mort. Ça relève de l’hystérie collective».
Voilà qui nous éclaire sur la façon de penser de l’homme et qui aide à comprendre ses rapports avec Israël. L’histoire a un peu vite oublié la responsabilité de David Ben Gourion dans le contentieux entre le résistant et l’Etat hébreu. En effet, en 1942, les dirigeants sionistes de Palestine savent ce qu’il se passe en Europe mais n’agissent pas.
Le 8 décembre 1942, Ben Gourion ira jusqu’affirmer devant les membres de son parti : « le désastre qu’affronte le Judaïsme européen n’est pas mon affaire ». A sa décharge, il faut rappeler que le mouvement sioniste de l’époque cherchait à modeler une image nouvelle du Juif. Une image d’homme fort et bâtisseur, loin de celle du Juif persécuté à l’échine courbée. Or on ne peut pas dire que ce qu’il se passait en Europe aidait à construire cette réputation d’où la volonté des dirigeants politiques de ne pas en parler. De ce refus d’affronter la réalité naît une rancœur qui ne s’éteindra jamais dans le cœur d’Edelman.
« L’Organisation juive de combat avait informé Ignacy Szwarcbart [dirigeant sioniste et député polonais en exil] et le gouvernement polonais de Londres. Le Mossad savait aussi ce qui se passait ici. Ses agents se sont pourtant contentés d’évacuer les gens disposant d’argent, et encore, jamais pendant la guerre et uniquement vers la Palestine.Il n’aurait évidemment pas pu sauver des millions d’entre nous, mais certainement des milliers. Il n’a pas bougé. Ici, personne n’aimait Ben Gourion, pas même les plus fervents sionistes », rappelle-t-il pour se justifier.
Les choses ne s’arrangent pas dans les années qui suivent avec les choix culturels de l’Etat juif. « Le fondement de l’idéologie de Ben Gourion et des siens, c’était la rupture avec la diaspora. Il en était arrivé à refuser de s’exprimer dans sa langue maternelle, le yiddish, la langue des 11 millions de Juifs d’Europe et d’Amérique. Aujourd’hui, Israël est un Etat culturellement arabe. Israël s’est coupé de Yitzkhok Leybush Peretz, de Chagall, du yiddish. Israël s’est créé sur la destruction de cette immense culture juive multiséculaire qui s’était épanouie entre la Vistule et le Don. La culture israélienne, ce n’est pas la culture juive. Quand on a voulu vivre au milieu de millions d’Arabes, on doit se mêler à eux et laisser l’assimilation, le métissage, faire son œuvre », dit-il en 2006.
Des mots sévères sortis de la bouche d’un homme attaché à la culture ashkénaze et qui n’a peut-être jamais supporté de voir la culture de son enfance détruite en Europe et intégrée dans une mosaïque israélienne composée de Juifs séfarades, éthiopiens, arabes, yéménites ou encore asiatiques.
En Israël, beaucoup lui en veulent pour sa lettre ouverte aux Palestiniens publiée en 2002 dans plusieurs quotidiens. Par les termes employés, certains y ont vu une scandaleuse mise à égalité du combat des résistants juifs avec les actions terroristes du Hamas.
Mais lorsque la lettre est relue avec attention, il n’en n’est rien. Après s’être présenté, il affirme : « nous nous battions avec une détermination désespérée, mais nos armes n’étaient jamais dirigées contre des populations civiles sans défense, nous n’avons jamais tué des femmes et des enfants. Dans un monde dépouillé de principes et de valeurs, malgré le danger constant de la mort, nous sommes justement restés fidèles à ces principes et valeurs ».
« Nulle part au monde, un groupe de partisans ne peut remporter une victoire définitive, nulle part une guérilla ne peut être défaite par des armées, aussi bien équipées soient-elles. Votre guerre ne peut non plus apporter une solution. Le sang sera versé pour rien, et des vies seront perdues des deux côtés. Nous n’avons jamais manqué d’égards pour la vie. Nul n’a le droit de l’ôter à la légère. Il est grand temps pour tout le monde de comprendre précisément cela ».
« A la fois vous et l’Etat d’Israël devez changer radicalement d’attitude. Vous devez vouloir la paix que vous aimez, pour vos enfants».
Comment dire qu’Edelman fait l’apologie du terrorisme palestinien quand il met justement la sauvegarde de la vie au centre de son argumentaire ? Comment affirmer qu’il compare les actes du Hamas à de la résistance quand justement il condamne le recours aux attentats suicide, précisément l’année où le mouvement islamiste l’a le plus utilisé ?
Aujourd’hui, Marek Edelman est mort. Au-delà de l’émotion suscitée par la disparation du héro de guerre, c’est un débat qui est ravivé : vaut-il mieux lutter contre l’antisémitisme pour défendre son existence? Est-il préférable d’immigrer en Israël pour sauver sa peau et celle du peuple juif ?
Cet homme de 90 ans qui n’a eu de cesse que la défense du peuple juif et qui n’a jamais rendu les armes, aura à lui seul incarné ce dilemme. Reste qu’Edelman n’a pas vu un autre phénomène sur ses coreligionnaires d’Europe de l’Ouest : l’assimilation. Logiquement, elle ne peut-être que moins importante en Israël.
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