NETANYAHOU
OBAMA
LEBRASDEFER
Source : lefigaro.fr en ligne le 18 mai
Obama veut imposer à Israël
un Etat palestinien
à Washington,
Renaud Girard
Benyamin Nétanyahou est un allié bien incommode pour Barack Obama, qui le recevra lundi à la Maison-Blanche.
Les experts en relations internationales du Parti démocrate gardent un très mauvais souvenir du sommet Clinton-Nétanyahou de 1996, juste après que ce dernier fut arrivé au pouvoir en Israël pour la première fois. Nétanyahou, qui s'était prononcé trois ans plus tôt contre les accords d'Oslo, signés par Arafat et Rabin, et qui s'était félicité publiquement du soutien dont il bénéficiait au sein de la droite religieuse américaine, s'était permis de sermonner longuement le président américain sur la nature «réelle» des relations israélo-arabes. Une fois son visiteur parti, Bill Clinton, parrain des accords d'Oslo, avait laissé exploser sa colère devant ses conseillers.
Mais, cette fois, ce ne sera pas un Nétanyahou conquérant qui entrera dans le Bureau ovale. Car le premier ministre israélien sait que les beaux jours de l'Administration Bush, où l'Amérique passait tout à Israël, sont bel et bien terminés. Pour George W. Bush, le conflit israélo-palestinien n'était qu'une affaire périphérique dans le contexte d'un «Grand Moyen-Orient» qu'il convenait de démocratiser en commençant par l'Irak. Faire la paix en Palestine n'était donc pas une priorité pour Washington.
Avec Obama, le contentieux israélo-palestinien est redevenu le sujet majeur de la politique moyen-orientale de l'Amérique. Pour le régler, le président a des idées qui ne sont pas celles du leader du Likoud. Obama soutient l'idée de deux États, l'un juif, l'autre arabe, vivant côte à côte sur le territoire de la Palestine mandataire. Nétanyahou se dit prêt à accroître les droits économiques des Palestiniens de Cisjordanie, mais il se refuse toujours à l'idée d'une souveraineté étatique palestinienne. Obama souhaite geler toutes les implantations de colonies israéliennes en Cisjordanie, pas Nétanyahou. Le nouveau gouvernement de Jérusalem souhaiterait qu'on règle d'abord le problème du nucléaire iranien et seulement ensuite le conflit israélo-palestinien. Obama préconise la séquence inverse.
Politique de petits pas
Il y a deux semaines, le directeur de la CIA, Leon Panetta, a fait le voyage de Jérusalem pour s'assurer auprès du nouveau premier ministre qu'Israël ne lancerait pas inopinément, sans consultations préalables avec Washington, un raid de bombardements aériens des installations nucléaires de l'Iran. L'Amérique, qui a déjà beaucoup de peine à terminer sa guerre en Irak et à mener une contre-insurrection victorieuse en Afghanistan, n'a aucune envie de se voir entraînée dans une guerre contre l'Iran. Après avoir rassuré son interlocuteur, Nétanyahou a même exprimé sa compréhension pour la politique d'ouverture du président américain à l'égard de l'Iran. Mais le premier ministre israélien a réclamé la mise sur pied d'un agenda précis permettant de constater d'éventuelles concessions du régime de Téhéran. Israël, qui voit dans le programme nucléaire iranien une menace existentielle, ne compte pas laisser plus d'une année au régime des mollahs pour changer de politique.
Pour nourrir le processus de paix israélo-palestinien en même temps qu'elle tente de rouvrir des canaux diplomatiques avec l'Iran, l'Administration Obama s'est engagée dans une politique de petits pas. À la différence de l'Administration Bush, elle accorde beaucoup d'importance au plan de paix saoudien, qui propose une reconnaissance d'Israël par tous les États membres de la Ligue arabe, en échange d'un retour de l'État hébreu sur ses frontières de 1967.
Au cours des trois visites qu'il a effectuées depuis le mois de janvier dans la région, George Mitchell, l'envoyé spécial du président Obama, a préconisé une ouverture de sections d'intérêt en Israël par les États modérés du golfe Persique. Parallèlement, il a réclamé du gouvernement israélien un gel des colonies en Cisjordanie.
Sur la question du Hamas, le mouvement palestinien islamiste qui tient aujourd'hui Gaza, l'Administration Obama a infléchi la politique qui était celle de Bush. Bien que le Congrès considère toujours le Hamas comme un mouvement terroriste, l'exécutif a fait savoir qu'il continuerait à envoyer de l'aide à un gouvernement palestinien d'unité nationale qui comprendrait des ministres issus des rangs du Hamas.
Le retour des accords de Taba
Autre signe d'infléchissement de la politique américaine, le département d'État a recommencé, pour la forme, à prôner une ratification par Israël du traité de non-prolifération nucléaire. Cela obligerait les Israéliens à démanteler leurs vecteurs et leurs installations nucléaires, ce qui est inimaginable dans les circonstances présentes.
Toute la question reste de savoir si, devant Nétanyahou, Obama s'en tiendra aux grands principes évoqués ci-dessus ou s'il voudra aller plus loin, en remettant sur la table les avancées concrètes du processus de paix des années 1993-2001. Le président voudra-t-il par exemple reprendre à son compte le protocole de Taba (négociation israélo-palestinienne de décembre 2000-janvier 2001), qui avait dressé toutes les cartes des deux États israélien et palestinien et qui n'avait laissé en suspens que le partage de l'esplanade des Mosquées (ou mont du Temple pour les Juifs) de Jérusalem ? Ce serait une révolution par rapport à l'époque Bush, mais aussi une surprise assez dure à avaler pour le likoudnik Nétanyahou.
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