ISRAËLFACE
AUNUCLEAIRE
IRANIEN
LEDILEMNE
Source : lemonde.fr en ligne
le 16 novembre 2011
L'Iran et la bombe nucléaire d'Israël
par Laurent Zecchini
Correspondant à Jérusalem
Israël a remporté une victoire d'étape : le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le programme nucléaire militaire de l'Iran a été rendu public dans un climat international sensibilisé par la question d'éventuelles frappes militaires israéliennes contre les installations iraniennes. Cette stratégie de la tension a été déclinée en quelques semaines par un savant mélange d'indiscrétions.
S'il s'agissait de provoquer un durcissement des sanctions contre l'Iran, on aurait tort d'en conclure que la détermination israélienne, qui s'inscrit dans la logique de la "doctrine Begin", est feinte. En ordonnant à l'aviation israélienne de détruire, le 7 juin 1981, le réacteur nucléaire irakien d'Osirak, l'ex-premier ministre Menahem Begin avait énoncé un principe stratégique : Israël fera tout pour empêcher les pays de la région d'acquérir des armes nucléaires. C'est cette prescription qui a été appliquée, le 6 septembre 2007, lorsque les avions israéliens ont bombardé le site nucléaire syrien de Dair Alzour.
Alors que la tentation du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, de l'appliquer à l'encontre de l'Iran se heurte aux fortes réticences de l'establishment militaire israélien, deux rappels s'imposent : M. Begin, lui non plus, n'avait pas le soutien des chefs des services de renseignement ; Osirak avait été détruit, mais ce fut une victoire à la Pyrrhus, puisque cette action a incité Saddam Hussein à relancer massivement son programme nucléaire, dont la première guerre du Golfe a eu raison.
Le débat sur la nécessité de parer le danger d'un armement nucléaire de l'Iran serait d'autant plus légitime s'il n'occultait pas la singularité nucléaire d'Israël. Car la "bombe" iranienne est une poupée russe de l'arsenal nucléaire israélien, pour au moins deux raisons. C'est la volonté de l'Etat juif d'éliminer toute concurrence nucléaire qui l'incite à envisager une incertaine aventure militaire en Iran.
Comme rien ne permet d'exclure que Téhéran parvienne in fine au "seuil" nucléaire, la question d'un Iran de facto doté de l'arme atomique, qui devra coexister avec ce parangon de l'"ambiguïté nucléaire" qu'est Israël, se pose. En attendant, ses dirigeants récitent, chaque fois que nécessaire, leur mantra selon lequel "Israël ne sera pas le premier Etat à introduire des armes nucléaires au Proche-Orient".
La meilleure façon de respecter cette promesse, c'est la politique d'"ambiguïté nucléaire", fruit d'un accord israélo-américain remontant à septembre 1969. Aussi longtemps qu'Israël ne reconnaîtra pas qu'il possède l'arme nucléaire et ne la testera pas, les Etats-Unis ne feront rien pour remettre en cause l'opacité nucléaire sur laquelle on ferme les yeux. Au fond, les gouvernements américains successifs - et leurs partenaires européens - ont toujours accepté les certitudes de Ben Gourion, qui voyait dans l'arme nucléaire de l'Etat juif une "police d'assurance" visant à empêcher un nouvel Holocauste.
C'est la même justification que brandit M. Nétanyahou en associant le président Mahmoud Ahmadinejad à Hitler. Cette logique va plus loin : tant qu'Israël sera entouré de voisins menaçant sa sécurité, Washington n'exercera aucune pression pour l'amener à signer le traité de non-prolifération nucléaire. Israël possède entre 75 et 200 têtes nucléaires, selon l'organisation américaine Arms Control Association.
Cet arsenal pourrait être employé par l'intermédiaire de plusieurs vecteurs : chasseurs bombardiers F-16 et F-15 ; missiles balistiques Jéricho ; missiles de croisière embarqués sur les sous-marins de la classe Dolphin. Pour autant qu'on le sache, la doctrine nucléaire israélienne se borne à la dissuasion, même si, comme le rappelle l'expert américain Avner Cohen, Moshe Dayan, ex-ministre israélien de la défense, a été tenté de se livrer à une "démonstration nucléaire" lors de la guerre du Kippour, en 1973.
Tout le programme nucléaire israélien est couvert par une loi du silence respectée par le monde politique et par la presse, au nom de la défense collective d'un enjeu existentiel, et au détriment de la transparence démocratique. Dans quelles circonstances l'usage de l'arme nucléaire pourrait-il être envisagé ? Quelle est la chaîne de commandement aboutissant au "bouton" de l'apocalypse ? Où sont retraités les déchets radioactifs du réacteur de Dimona ?
Quelles précautions sont en place face aux risques environnementaux, sachant que ce site du Néguev est proche de la faille sismique syro-africaine ? Mystère... Après cinq décennies, le bilan de la politique d'"ambiguïté nucléaire" est contrasté : faut-il mettre sur le compte de la dissuasion non explicite d'Israël le fait que des puissances régionales comme l'Egypte, la Turquie et l'Arabie saoudite ne se sont pas lancées dans la course aux armements nucléaires ?
A contrario, si l'Irak, la Libye et la Syrie y ont un temps succombé, et si l'Iran est engagé dans une fuite en avant nucléaire, est-ce la preuve de l'inanité de cette politique ? Les Israéliens récusent le scénario d'un équilibre nucléaire avec l'Iran, à l'instar de celui qui a tenu pendant la guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS, et de celui qui perdure entre l'Inde, le Pakistan et la Chine. Si Israël renonce à une opération militaire et que les sanctions internationales sont inopérantes, force sera d'accepter la perspective d'un Iran parvenu au "seuil" nucléaire. Il s'installerait au Proche-Orient, entre l'Iran et Israël, une double ambiguïté nucléaire qui accroîtrait dramatiquement la dangerosité de la région.
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