UNCIMETIEREJUIFOUBLIE
DEBAYONNE
ENPLEINERENOVATION
Source : jpb.com en ligne le 8 juillet 2011
Le cimetière juif
du quartier Saint-Etienne
s’offre une cure de jouvence
Cécile VIGNAU
Situé sur les hauteurs du quartier Saint-Etienne de Bayonne, à l’abri des murs, se trouve le cimetière juif de Bayonne. Méconnu des Bayonnais eux-mêmes, le voilà qui se découvre au grand jour à l’occasion de sa restauration. Co-organisé par l’Association cultuelle israélite et la ville de Bayonne, ce chantier européen se déroule du 1er au 15 juillet, sous la direction scientifique de Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique, et d’Olivier Hottois, archéologue au musée du même nom.
La restauration s’inscrit dans le programme 2011 ville d’art et d’histoire de la ville de Bayonne, qui met l’accent sur la découverte et la valorisation du patrimoine par le jeune public. Sous l’égide de l’association allemande ASF (action, signe de réconciliation, services pour la paix), les travaux sont menés par 13 jeunes venus d’Allemagne, d’Azerbaïdjan, ou encore de Russie. Après les cimetières de Vantoux et Boulay en 2008 et Créhange en 2009, l’ASF s’attaque cette année à la réhabilitation du cimetière juif de Bayonne.
Chantier pratique et théorique
Au programme des travaux pour les 13 bénévoles, 2 500 tombes anciennes à traiter, dégagement des pierres tombales (déblai des terres qui les recouvrent, partiellement ou totalement), relevé vertical des pierres, fixation des gravures, relevés épigraphiques, afin d’en réaliser un inventaire exhaustif, et leur mise en gravier. Un travail qui s’avère minutieux et méticuleux de par le caractère rare de ces pierres tombales.
“Très peu de pierres sont uniquement en hébreu, elles sont généralement couplées de français hispanisé”, nous explique Marine, accompagnatrice pour l’association ASF, “ce qui traduit bien la volonté d’intégration des juifs dans la société”.
Pour les jeunes volontaires, l’enseignement théorique trouve également sa place, par le biais du déchiffrage des épitaphes, la découverte de la symbolique de la communauté juive. Le séjour tourne autour d’un travail thématique et culturel, des activités leur sont proposées, à l’instar de la visite du quartier Saint-Esprit, ancien quartier juif de la ville.
Une visite qui se fait en anglais, dans la mesure où les jeunes, tous venus d’horizons différents, communiquent dans cette langue entre eux. Un plus pour ce chantier de restauration, qui, en plus de revêtir un caractère scientifique et historique, se veut avant tout une expérience humaine.
Le site bayonnais, de plus de deux hectares, présente un caractère bien singulier et une histoire forte pour le patrimoine bayonnais.
Un site datant du XVIIe siècle
Les juifs, alors appelés “nouveaux chrétiens”, s’établirent au XVIe siècle au bourg de Saint-Esprit. C’est afin d’éviter les inhumations d’israélites dans le cimetière de l’église collégiale que le curé acheta, en 1654, un terrain jouxtant la chapelle Saint-Simon appelé “campot de Saint-Simon pour servir de cimetière israélite”. Après un procès avec un ayant droit, la parcelle fut remise en 1671 aux juifs dits alors “Portugais”. En 1689, le terrain étant concerné par un projet de fortification du bourg de Saint-Esprit, le cimetière fut déplacé et définitivement implanté à proximité de l’église Saint-Etienne et de son cimetière, sur un plateau dominant la ville.
Le cimetière juif appartient aujourd’hui à l’association cultuelle israélite de Bayonne, qui demande sa protection et son inscription sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques des murs de clôture, du sol et des façades, et des toitures du dépositoire.
En outre, comme l’explique Claire Bentolila, vice-présidente de l’association cultuelle israélite de Bayonne, “ce cimetière juif revêt un caractère bien spécifique dans la mesure où les tombes les plus anciennes datent de 1680, et comportent des inscriptions tout à fait lisibles. Les épitaphes en hébreu, en français ou encore en espagnol attirent les spécialistes dans le domaine”.
Un travail amorcé en 2010
Philippe Pierret, spécialiste de l’histoire sociale et religieuse du judaïsme de Belgique et de France du XVIe au XIXe siècles, avait déjà initié un premier travail méticuleux de relevé épigraphique des tombes à Bayonne. Il a ensuite proposé à la communauté juive de Bayonne et à la ville d’organiser un chantier européen avec l’association ASF à l’été 2011. Avec le soutien financier de la DRAC Aquitaine, du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et de la ville de Bayonne, la mise en place du chantier a pu être effective.
L’initiative du chantier vient également de l’association ASF, dans une démarche collective pour la paix et l’expiation. Fondée en 1958 par des résistants à la dictature du national-socialisme, elle propose des volontariats nommés “services pour la paix”. Les chantiers d’été font appel à des volontariats de courte durée, et la réhabilitation du patrimoine funéraire juif est l’un des projets phares de l’association, qui vise à la réparation symbolique des crimes nazis.
Pour ceux que cette histoire intéresse, il est conseillé la lecture d’Histoire des juifs de Bayonne de Henry Léon, préface d’Edouard Ducéré (1893. Réédité par JP Ségot en 1987).
Florian, 26 ans, volontaire allemand
Pour la cinquième année consécutive, Florian, jeune étudiant en histoire, part sur un chantier de restauration avec l’ASF.
“En 2004, j’ai refusé de faire mon service civique militaire. L’alternative proposée était de partir un an à l’étranger, et j’ai choisi d’apporter mon aide et ma motivation au Musée juif de Belgique, où j’ai rencontré Philippe Pierret. L’histoire du judaïsme m’a d’emblée passionné, et c’est comme ça que je me suis engagé avec l’ASF et que j’ai commencé les chantiers”. Florian a participé à différents chantiers de cimetières dans l’Hexagone, au Luxembourg, et se veut à nouveau très motivé pour cette nouvelle restauration, tant sur le plan de l’expérience humaine que sur un plan plus technique et scientifique. “L’équipe se rend à 8 heures sur le chantier, nous attaquons tôt à cause de la possible chaleur le midi qui nous oblige à faire des pauses assez longues. Par équipe de trois ou quatre, nous nous attardons soit au détourage des pierres tombales au sol, soit au déchiffrage des tombes. L’ambiance de l’équipe est très stimulante, du fait que nous avons tous fait la démarche de nous inscrire à ce programme. Accordant un grand intérêt au patrimoine juif, à sa culture et son histoire, l’apport théorique que nous transmettent les accompagnateurs du Musée juif de Belgique sur les épitaphes me passionne”.
Florian compte bien poursuivre la collaboration avec l’ASF dans l’avenir, et compte tenu de l’étendue du cimetière de Bayonne, “pourquoi pas revenir avec de nouveaux bénévoles poursuivre la restauration du site !”
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