"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

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de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

mardi, septembre 27, 2011

"LES HOMMES LIBRES"
FILM COUP DE COEUR
DE DIASPORABLOG



« Les Hommes libres »,
l'histoire oubliée des Algériens occupés


Par Aurélie Champagne

Rue89 27/09/2011


Le cinéaste Ismaël Ferroukhi, aidé de l'historien Benjamin Stora, raconte ces « invisibles » de Paris sous l'Occupation.

Nous sommes en 1942, à Paris. Younes (Tahar Rahim, « Un Prophète ») pousse la porte d'une bâtisse en ruines. Dans la cour, l'attend une bande de vieillards algériens creusés par la faim. Ils troquent leurs dernières richesses contre quelques cigarettes, une casserole, une boîte de sardines. « Prends, c'est tout ce qu'il me reste », dit un vieil homme, tendant son instrument, un « oud », au jeune homme.

Ferroukhi : « C'est un sujet historique tellement nouveau »
En découvrant le quotidien de la communauté algérienne à Paris pendant l'Occupation, Ismaël Ferroukhi avoue s'être « pris une claque ».

Après « Le Grand Voyage », le réalisateur marocain se lance dans une fiction historique exigeante avec « Les Hommes libres » – malgré un budget qui impose la sobriété à la reconstitution :

« L'idée était avant tout de recréer un univers qui avait existé et que personne ne connaissait. »


Pour montrer comment 100 000 Algériens de Paris ont traversé la Seconde Guerre mondiale, Ferroukhi joue la mesure :

« J'ai essayé de ne pas aller trop loin dans la fiction. C'est un sujet historique tellement nouveau qu'on allait me dire : “ Mais qu'est-ce que tu racontes ! ” »

De fausses attestations de foi musulmane délivrées aux juifs

Les temps sont durs. Younes, le héros, vit du marché noir et nourrit sa famille, restée en Algérie. Quand il se fait arrêter, il est contraint de passer un marché avec la police vichyssoise : il doit espionner la communauté maghrébine qui fréquente la mosquée de Paris et son recteur, Si Kaddour Benghabrit (Michael Lonsdale).

Le jeune homme découvre rapidement que le recteur protège des syndicalistes et délivre de fausses attestations de foi musulmanes à des familles juives. Il rencontre aussi Salim Halali, étoile des cabarets arabes, qui animent la vie festive de l'époque.


Stora, complice historique de Ferroukhi
Dans le cinéma parisien où a lieu la projection en avant-première des
« Hommes libres », il y a du beau monde :

•un conseiller du roi du Maroc,
•le cinéaste Claude Lanzmann,
•l'ambassadeur d'Israël en France,
•des représentants du Conseil français du culte musulman,
•l'imam de la mosquée de Marne-la-Vallée…
Ferroukhi a la tremblote :

« Ce sera un des premiers retours sur le film. »


A ses côtés, Benjamin Stora, spécialiste de l'Algérie coloniale et de l'histoire du Maghreb contemporain, attend d'un air débonnaire. Dans la vie, les deux hommes sont complices. Très complices. Ils ont travaillé main dans la main sur le scénario pour raconter « la complexité d'une époque inconnue et jamais traitée au cinéma ».

Les Algériens sous l'Occupation, « des invisibles »
« Les 100 000 Algériens qui vivaient à Paris sous l'Occupation font partie d'une immigration ouvrière extrêmement pauvre, écrasée socialement », raconte Stora :

« Ils ne sont ni des Algériens – puisque l'Algérie, c'était la France – ni des Français. Ils n'ont pas le statut de citoyens français. A la relégation juridique s'ajoute l'écrasement social, qu'on voit très bien dans la scène d'ouverture du film. »


« Ce sont des hommes invisibles », résume Stora :

« Ils sont arrivés en France bien avant le début de la guerre. En 1926, quand la mosquée de Paris est inaugurée, il y a déjà une forte présence d'Algériens à Paris. Ces hommes connaissent Maurice Chevalier, le mouvement ouvrier, les grèves du Front populaire… »


Beaucoup sont syndiqués et suivent « Messali Hadj, grand leader syndical algérien, qui a refusé la Collaboration avec l'Allemagne ». Avec l'exode, les membres de la communauté se retrouvent « abandonnés, perdus dans le Paris déserté du début des années 40. »

« Quand les gens ressortent du film, ils se demandent : “ Mais est-ce que c'était vrai tout ça ? ” Bah oui, c'était vrai… Moi, c'est leur étonnement qui m'étonne. »


La mosquée de Paris, un enjeu pour les Nazis et Vichy

Ferroukhi et Stora mettent en lumière le rôle méconnu de la mosquée de Paris pendant l'Occupation. « On a d'ailleurs tourné toutes les scènes dans un palais à Rabat », explique le premier.

« A la mosquée de Paris, ça aurait été compliqué. Notamment avec les gens qui viennent prier. Là, on a eu toute la liberté qu'on voulait. On a donné au palais la couleur de Paris. »


Lorsque les Allemands entrent dans Paris en 1940, la mosquée est un enjeu politico-stratégique pour le régime de Vichy, comme pour les Nazis. A l'époque, c'est un endroit symbolique pour la gestion de l'islam de France.

En parlant du recteur Si Kaddour Benghabrit, Stora s'illumine :

« Ah ! Que dire de ce personnage… Il est très proche de la cour du sultan du Maroc. Il est recteur, c'est un homme de foi, mais c'est surtout un homme politique. Il est agréé par l'Etat français pour gérer la mosquée. Il doit naviguer entre sollicitations et pressions venant du pouvoir politique vichyssois et des Allemands qui veulent l'instrumentaliser. »


Des « Hommes libres » en zone grise

Dans « Les Hommes libres », Benghabrit ne protège pas seulement les membres de sa communauté – alors que « tout le monde de gauche et l'univers syndical n'existent plus, que plus rien n'existe ». Sur ce point, « il n'y a pas eu de décision centralisée de la mosquée », précise l'historien.

« La mosquée de Paris devient un territoire mixte, bizarre. Entre pression et acceptation légitime de collaboration d'Etat. Toutes les institutions officielles sont obligées d'accepter la collaboration, à l'époque.

A part le préfet Jean Moulin qui a refusé d'obéir, tous les préfets et toutes les institutions ont accepté de collaborer. Tous les fonctionnaires de l'appareil d'Etat ont continué leur travail. Les choses ont commencé à se décanter seulement à partir de l'année 1943. »


C'est cette zone grise qu'explore le film de Ferroukhi. Et c'est le débarquement anglo-américain de 1942 au Maroc, qui change la donne et constitue l'un des rebondissements de la fiction.

« Le recteur Benghabrit, un homme qui ajuste ses pratiques »
« En Europe, on accorde beaucoup d'importance – à juste titre – à la bataille de Stalingrad, en 1943 », conclut Stora.

« Mais pour le Maghreb, le tournant de la guerre, c'est le débarquement américain en novembre 1942. Si Kaddour Benghabrit est proche du sultan du Maroc. Il ne peut pas rester insensible à ça. Il sent que le vent tourne.

L'intelligence du film est aussi de montrer un homme qui ajuste ses pratiques et son langage. »


Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi - avec Tahar Rahim et Michael Lonsdale - 1h39 - sortie le 28 septembre 2011.

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