V.F.
H'IZB AL TAH'RIR
OU "LE CALIFAT MAINTENANT !",
PAR LE JIHAD SANS ARMES
Article de Ehoud Ya'ari, journaliste Israélien
Paru dans The Jerusalem Report du 1er Octobre 2007.
Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com,
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Titre original "A name worth to remember: Hizb al Tahrir"- le titre en français est proposé par le traducteur.
La branche palestinienne et discrète du "parti de la libération" (Hizb al Tahrir) de l'islamisme global est sortie de sa tanière. Elle y était cachée depuis sa fondation en 1953, à Jérusalem-Est, sous contrôle jordanien. Aujourd'hui, elle a décidé de devenir un mouvement de masse pour les Palestiniens de Cisjordanie.
Ce n'est pas un sujet futile. Un élément important de l'arène politique palestinienne, qui a préféré jusqu'ici demeurer dans l'ombre, vient tout d'un coup de se mettre en avant. Tout le monde les appelle les "Nabhani" (1) et ceux-ci ont senti que c'était le moment d'intervenir du fait que le Hamas et le Fatah se sont affaiblis, en s'entretuant. Il y a ainsi un vide politique qu'ils vont chercher à remplir. L'influence croissante de ce parti à Hébron et la main mise progressive de ses adhérents sur les offices de la mosquée d'Al Aqsa à Jérusalem ont été relatés à maintes reprises dans cette chronique en 2006. Mais cet été a vu la mutation. Pendant des décennies, ce mouvement s'est limité à une activité clandestine d'enseignement, se manifestant rarement à l'extérieur par des slogans ou des bannières. Mais là, il vient de montrer sa force véritable, aux yeux de tous. Il a lancé un mouvement de jeunesse appelé "les lionceaux du Califat" (ashbal al khilafa) pour concurrencer ceux du Hamas et du Fatah. Les 10/11 août, il a tenu des rallyes de masse à Ramallah, Toulqarm et même à Gaza. Des arabes Israéliens y ont assisté et à chaque rallye, on a diffusé les discours du chef spirituel mondial du mouvement, Ata Abou al Rishta, dit l'Emir. Cet homme de 64 ans appartient à une famille de réfugiés de 1948, venant d'un village près de Hébron. Il a grandi dans un camp de réfugiés jordanien et a obtenu un diplôme d'ingénieur en Egypte. Après un séjour dans une prison de Jordanie, il est devenu l'organisateur du parti. On ne sait pas où il réside aujourd'hui. Il a pris la tête de ce parti en 2003, après la mort de son prédécesseur Abdel Qarim Zaloum.
Le message d'Abou Rishta est clair. Le Califat de l'Islam sunnite a disparu après l'effondrement de l'empire ottoman, il y a 85 ans. Il faut donc le rétablir. "Ce n'est pas un rêve et ce n'est pas impossible" dit-il. Il explique: "Le Califat est le seul produit que nous ayons à vendre dans notre parti". Contrairement à Osama ben Laden, qui compte lui aussi les années, depuis la chute des Ottomans, le parti Hizb al Tahrir n'a pas d'autre objectif que le rétablissement du Califat et ne s'adonne pas au terrorisme. Sauf que dans un passé lointain, ses fondateurs, menés par le sheikh Taqel Dine al Nabhani, ne répugnaient pas au meurtre politique, à l'occasion, y compris l'assassinat sur le mont du Temple du roi Abdallah de Jordanie en 1951(2).
Abou Rishta ne veut pas du jihad d'al Qaeda, ni celui du Hamas et consorts. Selon lui, lorsque le Calife sera rétabli, c'est lui et personne d'autre qui en finira avec l'état juif et qui ramènera la Palestine dans le giron de l'Islam. Il n'a pas de réponse claire sur la façon de ramener le Califat et comment atteindre cet objectif. Il affirme que ce ne seront pas les anges d'Allah qui le ramèneront. L'idéologie du parti dit que les masses doivent être éduquées pour croire dans le Califat et, à ce moment là, elles feront tout leur possible pour y parvenir, dans un rapide mouvement révolutionnaire, et pas à travers un long et épuisant conflit.
Pendant des années Hizb al Tahrir a été une force centrale dans les mouvements islamistes d'Ouzbeqistan, d'Indonésie, du Bangladesh et de certaines parties du Caucase, ainsi que dans les communautés musulmanes d'Europe occidentale, d'Amérique et même d'Australie. C'est un mouvement mondial dans le vrai sens du mot qui concurrence consciencieusement celui des Frères Musulmans et celui des cercles salafistes d'al Qaeda.
Les activistes palestiniens de Hizb al Tahrir en Jordanie et en Cisjordanie ne sont pas intervenus dans le conflit armé contre Israël. Ils sont restés cachés, bien que certains d'entre eux à Jérusalem-est et en Israël se soient dévoilés. Depuis que le conflit entre le Fatah et le Hamas s'est aggravé, les chefs de Hizb al Tahrir semblent avoir décidé que le moment était mûr pour tirer avantage de l'affaiblissement des 2 parties dans l'opinion publique et de se présenter comme alternative. Et en effet, ils ont un succès grandissant. Ils recrutent des membres et leurs idées semblent se répandre dans la masse.
Hizb al Tahrir ne préconise pas l'établissement d'un état palestinien, même pas un état à orientation islamique. Car ce parti dévierait alors de son objectif de renaissance du Califat. C'est la raison pour laquelle de nombreux Palestiniens, qui ont renoncé depuis longtemps à l'idée d'un Etat indépendant dans les frontières de 1967, sont attirés par les idées d'Abou Rishta et de ses émissaires. Il y a de plus en plus de signes que le discret parti Hizb al Tahrir s'est transformé avec succès en une force populaire ayant des dizaines de milliers de membres ayant abandonné l'idée d'une Palestine indépendante.
D'origine palestinienne, ce mouvement ne montre aucun nationalisme; il a pris ses distances par rapport au terrorisme, recommandant plutôt l'attente patiente du moment opportun pour une révolution. Il entretient l'hostilité à l'encontre d'Israël, en niant son droit à l'existence, mais il interdit à ses membres de mener toute action en dehors du prêche et de l'enseignement idéologique.
Aussi longtemps que le déclin du Fatah et du Hamas se poursuivra, nous verrons le développement de Hizb al Tahrir comme l'alternative qui peut se montrer à visage découvert, n'ayant pas attiré la curiosité de la Sécurité Israélienne, ni de celle du Hamas ou du Fatah. Ce mouvement alternatif investit dans les idées et dans la mobilisation spirituelle plutôt que dans la fourniture d'un bénéfice matériel (3). En bref, Hizb al Tahrir est un défi totalement nouveau, différent de ceux qu'on a connus jusqu'ici (4).
Notes de la traduction
(1) du nom de la tribu à laquelle appartient l'un des fondateurs
(2) grand père du roi actuel qui porte le même nom
(3) contrairement au Hamas et au Fatah
(4) ce parti s'est surtout développé en Asie mineure et Centrale et en Extrême Orient où il a apprit qu'on obtient plus par la voie des idées que par celle des armes. Mais le traducteur demande à voir ce qu'il en adviendra de ce parti dans le contexte du Moyen Orient.
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