LAFRANCE
DESARTISTES
PERDLAPLUS
GRANDECOMEDIENNE
DETOUSLESTEMPS
Source : lexpress.fr en ligne le 28 février
Annie Girardot,
passionnément
DESARTISTES
PERDLAPLUS
GRANDECOMEDIENNE
DETOUSLESTEMPS
Source : lexpress.fr en ligne le 28 février
Annie Girardot,
passionnément
Par
Olivier Rajchman
Annie Girardot avait reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Miserables de Claude Lelouch, en 1996
Il faut aller au-delà des dernières années, terribles, pour se souvenir du talent et du charme incomparables de la plus populaire des actrices françaises des années 1970, décédée le 28 février 2011. Aussi drôle qu'émouvante, Annie Girardot, demeure, malgré les aléas, intense et familière.
Nous l'avons tant aimée. Cheveux courts, oeil qui frise, sourire enjoué. Effervescente ou simplement touchante. Dans une poignée de bons films et d'autres plus mauvais qu'elle parvenait, par sa seule présence, à sauver. Nous l'avons aussi perdu de vue, avant qu'elle ne se perde. Par passion, manque de discernement et, finalement, rongée par une maladie qui lui aura retiré une mémoire dont elle avait su se faire une précieuse alliée.
Annie Girardot s'était d'abord illustrée sur les planches avant de s'imposer au cinéma. Pourtant, elle vivait plus qu'elle ne composait ses rôles. Mais sa volonté faisait loi. Même si celle-ci, bien souvent, était guidée par l'amour. Le premier, indéfectible et le plus fort, malgré les hommes dont elle s'éprit, eu le visage de sa mère. Lorsqu'elle donne le jour à Annie, le 25 octobre 1931, à l'hôpital Saint-Louis de Paris, Raymonde Girardot n'a pas de père à offrir à son enfant. Déjà maman d'un petit Jean, âgé de 5 ans, cette sage-femme a suffisamment de force de caractère pour ne pas subir le déshonneur d'ordinaire attaché aux filles-mères. Quittant la capitale, Raymonde s'installe en Normandie, à Caen, mais, par manque d'argent, se voit forcée de se séparer d'Annie. Laquelle ne la retrouve qu'à 7 ans.
L'école ne lui convenant guère, Annie décide, à 16 ans, de préparer une école d'infirmière. A la même époque, se souvenant du plaisir éprouvé à se déguiser enfant et aux opérettes vues avec sa mère à Caen, l'adolescente s'inscrit aux cours de comédie d'Henri Bosc. Ce dernier se montre impressionné par le talent naturel d'Annie. Prise au jeu, la jeune fille pousse la porte du Centre d'Art Dramatique de la rue Blanche. Trois ans plus tard, elle passe, avec succès, le concours d'entrée du Conservatoire.
Afin de payer ses études, elle chante à la Rose Rouge, récite des poèmes au Lapin Agile, avant de rejoindre la troupe des «Branquignols» et de faire ses premières figurations au cinéma. Le double premier prix de comédie, classique et moderne, reçut à sa sortie du Conservatoire, en 1954, renforce son appétit. Girardot veut tout jouer, tout expérimenter. Engagée à la Comédie-Française, elle écume le répertoire et, en compagnie de camarades comme Jean-Paul Belmondo.
Figure tutélaire des arts, Jean Cocteau l'aide à s'émanciper. L'ayant remarquée, il voit en elle «une nouvelle Réjane», l'engage pour créer sur scène La Machine à écrire et lui fait, au passage, couper ses cheveux, donnant à la comédienne un look, piquant et androgyne, qu'elle allait conserver.
Au même moment, l'artiste explose sur grand écran. Dans l'Homme aux clés d'or, elle incarne une redoutable manipulatrice. Un emploi qu'elle reprend face à Jean Gabin dans le Rouge est mis et Maigret tend un piège. (...) Mais sommée de choisir entre la Comédie-Française et sa liberté, elle claque la porte de la maison de Molière et rencontre, pour son bonheur, Luchino Visconti.
Le patricien milanais lui fait jouer, sur scène, «Deux sur la balançoire», au côté de Jean Marais, puis il l'engage pour incarner Nadia, la prostituée sacrifiée, à la fois mythomane et sincère, de Rocco et ses frères. (...) L'observant, en coulisses, un débutant américain du nom de Robert de Niro lâche à un copain: «C'est la plus belle femelle mec que je connaisse». Il faut pourtant attendre la fin de la décennie pour que Girardot s'impose, définitivement.
Entre émotion et comédie, Girardot traverse les années 1970 en état de grâce. Face aux critiques lui reprochant de délaisser le cinéma d'auteurs, elle affirme marcher aux coups de coeur. Comme dans son métier, Annie a besoin de vibrer et d'affirmer ses convictions. Ainsi bouleverse-t-elle les spectateurs en Vieille fille, puis en professeur victime de son amour pour un jeune élève dans Mourir d'aimer, avant d'incarner une femme de son temps conjuguant métier, sentiments et lutte contre la maladie, avec Docteur Françoise Gailland. Un film qui lui vaut un César.
Pour autant, la comédienne, jamais aussi juste que dans le registre doux-amer, aime à renouer avec la légèreté, de l'épatant Tendre poulet, au côté de son cher Noiret, à la moins savoureuse Zizanie, où elle tisse, néanmoins, une belle relation avec De Funès.
Une autre raison explique sa boulimie de cinéma et, parfois, ses mauvais choix. Plus cigale que fourmi, l'actrice, fréquemment endettée, dépense sans compter. Pour ses amis. Et les hommes de sa vie. Il fut ainsi reproché à Bob Decout, son compagnon des années 1980, de l'avoir entraînée dans de ruineuses productions et discréditée, par la même, aux yeux de la profession. D'autres dépendances, notamment à l'alcool et à la drogue, pourraient expliquer l'injustifiable; sa disparition, passée la cinquantaine, du grand écran. Désespérée de ne plus être l'objet du désir des scénaristes et des cinéastes, se repliant au théâtre sur son personnage magnifique de «Madame Marguerite», Annie Girardot doit attendre le milieu des années 1990 pour ressusciter symboliquement grâce au petit rôle réservé par son complice Lelouch dans les Misérables.
Depuis, sans être régulièrement sollicitée, l'actrice aura illustré son déclin de la Pianiste à Christian, répétant ses ultimes dialogues par l'intermédiaire d'une oreillette. Attristant ceux qui l'avaient connue si pleine de vie. Comme si l'Alzheimer pouvait effacer le souvenir d'Annie...
Olivier Rajchman
Annie Girardot avait reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Miserables de Claude Lelouch, en 1996
Il faut aller au-delà des dernières années, terribles, pour se souvenir du talent et du charme incomparables de la plus populaire des actrices françaises des années 1970, décédée le 28 février 2011. Aussi drôle qu'émouvante, Annie Girardot, demeure, malgré les aléas, intense et familière.
Nous l'avons tant aimée. Cheveux courts, oeil qui frise, sourire enjoué. Effervescente ou simplement touchante. Dans une poignée de bons films et d'autres plus mauvais qu'elle parvenait, par sa seule présence, à sauver. Nous l'avons aussi perdu de vue, avant qu'elle ne se perde. Par passion, manque de discernement et, finalement, rongée par une maladie qui lui aura retiré une mémoire dont elle avait su se faire une précieuse alliée.
Annie Girardot s'était d'abord illustrée sur les planches avant de s'imposer au cinéma. Pourtant, elle vivait plus qu'elle ne composait ses rôles. Mais sa volonté faisait loi. Même si celle-ci, bien souvent, était guidée par l'amour. Le premier, indéfectible et le plus fort, malgré les hommes dont elle s'éprit, eu le visage de sa mère. Lorsqu'elle donne le jour à Annie, le 25 octobre 1931, à l'hôpital Saint-Louis de Paris, Raymonde Girardot n'a pas de père à offrir à son enfant. Déjà maman d'un petit Jean, âgé de 5 ans, cette sage-femme a suffisamment de force de caractère pour ne pas subir le déshonneur d'ordinaire attaché aux filles-mères. Quittant la capitale, Raymonde s'installe en Normandie, à Caen, mais, par manque d'argent, se voit forcée de se séparer d'Annie. Laquelle ne la retrouve qu'à 7 ans.
L'école ne lui convenant guère, Annie décide, à 16 ans, de préparer une école d'infirmière. A la même époque, se souvenant du plaisir éprouvé à se déguiser enfant et aux opérettes vues avec sa mère à Caen, l'adolescente s'inscrit aux cours de comédie d'Henri Bosc. Ce dernier se montre impressionné par le talent naturel d'Annie. Prise au jeu, la jeune fille pousse la porte du Centre d'Art Dramatique de la rue Blanche. Trois ans plus tard, elle passe, avec succès, le concours d'entrée du Conservatoire.
Afin de payer ses études, elle chante à la Rose Rouge, récite des poèmes au Lapin Agile, avant de rejoindre la troupe des «Branquignols» et de faire ses premières figurations au cinéma. Le double premier prix de comédie, classique et moderne, reçut à sa sortie du Conservatoire, en 1954, renforce son appétit. Girardot veut tout jouer, tout expérimenter. Engagée à la Comédie-Française, elle écume le répertoire et, en compagnie de camarades comme Jean-Paul Belmondo.
Figure tutélaire des arts, Jean Cocteau l'aide à s'émanciper. L'ayant remarquée, il voit en elle «une nouvelle Réjane», l'engage pour créer sur scène La Machine à écrire et lui fait, au passage, couper ses cheveux, donnant à la comédienne un look, piquant et androgyne, qu'elle allait conserver.
Au même moment, l'artiste explose sur grand écran. Dans l'Homme aux clés d'or, elle incarne une redoutable manipulatrice. Un emploi qu'elle reprend face à Jean Gabin dans le Rouge est mis et Maigret tend un piège. (...) Mais sommée de choisir entre la Comédie-Française et sa liberté, elle claque la porte de la maison de Molière et rencontre, pour son bonheur, Luchino Visconti.
Le patricien milanais lui fait jouer, sur scène, «Deux sur la balançoire», au côté de Jean Marais, puis il l'engage pour incarner Nadia, la prostituée sacrifiée, à la fois mythomane et sincère, de Rocco et ses frères. (...) L'observant, en coulisses, un débutant américain du nom de Robert de Niro lâche à un copain: «C'est la plus belle femelle mec que je connaisse». Il faut pourtant attendre la fin de la décennie pour que Girardot s'impose, définitivement.
Entre émotion et comédie, Girardot traverse les années 1970 en état de grâce. Face aux critiques lui reprochant de délaisser le cinéma d'auteurs, elle affirme marcher aux coups de coeur. Comme dans son métier, Annie a besoin de vibrer et d'affirmer ses convictions. Ainsi bouleverse-t-elle les spectateurs en Vieille fille, puis en professeur victime de son amour pour un jeune élève dans Mourir d'aimer, avant d'incarner une femme de son temps conjuguant métier, sentiments et lutte contre la maladie, avec Docteur Françoise Gailland. Un film qui lui vaut un César.
Pour autant, la comédienne, jamais aussi juste que dans le registre doux-amer, aime à renouer avec la légèreté, de l'épatant Tendre poulet, au côté de son cher Noiret, à la moins savoureuse Zizanie, où elle tisse, néanmoins, une belle relation avec De Funès.
Une autre raison explique sa boulimie de cinéma et, parfois, ses mauvais choix. Plus cigale que fourmi, l'actrice, fréquemment endettée, dépense sans compter. Pour ses amis. Et les hommes de sa vie. Il fut ainsi reproché à Bob Decout, son compagnon des années 1980, de l'avoir entraînée dans de ruineuses productions et discréditée, par la même, aux yeux de la profession. D'autres dépendances, notamment à l'alcool et à la drogue, pourraient expliquer l'injustifiable; sa disparition, passée la cinquantaine, du grand écran. Désespérée de ne plus être l'objet du désir des scénaristes et des cinéastes, se repliant au théâtre sur son personnage magnifique de «Madame Marguerite», Annie Girardot doit attendre le milieu des années 1990 pour ressusciter symboliquement grâce au petit rôle réservé par son complice Lelouch dans les Misérables.
Depuis, sans être régulièrement sollicitée, l'actrice aura illustré son déclin de la Pianiste à Christian, répétant ses ultimes dialogues par l'intermédiaire d'une oreillette. Attristant ceux qui l'avaient connue si pleine de vie. Comme si l'Alzheimer pouvait effacer le souvenir d'Annie...
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