"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma  Ed Universlam


CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

samedi, janvier 02, 2010

QUERELLES
DECLOCHER

Source : la newsletter de marianne2.fr
diffusée le 1er janvier



L’Europe et les minarets,
une histoire ancienne



Abdelwahab Meddeb

Ecrivain et enseignant à Paris-X





Le vieux contentieux entre chrétiens et musulmans est fondé sur des fantasmes. Commençons donc par y réfléchir.


L'islam modéré ne demande qu'à se faire entendre
Pour Sarkozy, il est temps que 2009 se finissse
Les mariannautes regardent au-delà des minarets Le vote suisse contre les minarets, avec ses répercussions européennes et françaises, reflète l’état de l’opinion face à l’islam : autrement dit, l’islamophobie traditionnelle qui structure la conscience européenne. Car l’Europe, après s’être confrontée à l’islam, l’avait combattu puis rejeté.

Le raid arabe de Poitiers en 732 est ainsi considéré comme un événement mineur dans la chronique musulmane. Elle le signale en quelques lignes où il est surtout question de Bulât ash-shuhadâ, les « dalles des martyrs », ces cavaliers arabes venus d’Espagne et morts au combat.
Pour un œil occidental, en revanche, Poitiers a constitué un symbole majeur, d’abord en France, où la bataille a été instrumentalisée pour construire la conscience de l’Etat nation, et d’une façon plus large dans la vision européenne.
Poitiers a en effet stoppé l’avancée septentrionale de l’islam. La bataille annonce les futurs combats que livrera l’Europe chrétienne au XIe siècle. Le musulman sera alors nommément désigné comme l’ennemi, en compagnie du juif et de l’hérétique. A ceci près que l’islam est considéré comme infiniment plus dangereux : car il dispose, lui, du sabre au service des puissances musulmanes.

C’est aux alentours de 1080 que va se cristalliser l’idée de la croisade et de la Reconquista, adaptation mimétique par la chrétienté du concept islamique de jihad, de guerre sainte. La seconde séquence défensive de l’Europe contre l’islam perçu comme menace existentielle se déroulera quatre siècles plus tard en freinant la vague ottomane, irrésistible de la prise de Constantinople en 1452 au siège de Vienne en 1529. D’ouest en est, des Arabes aux Turcs, du XIIe au XVIe siècle, ce sont ces deux moments qui firent de l’islam l’ennemi fondateur de la conscience chrétienne européenne.

L’Europe a donc vécu par deux fois la menace islamique. Par deux fois elle a réagi en résistant et en jetant dehors l’islam. Ce sont ces fantômes et ces fantasmes qui nourrissent aujourd’hui la phobie de cette religion.

Or ce retour de la référence théologico-politique dans un monde européen sécularisé est pour le moins surprenant. Il faut donc admettre que la rémanence chrétienne est toujours vivace, bien que le primat religieux ait été expulsé du politique. Mais il faut aussi rappeler que les archaïsmes de l’islam, son refus d’évoluer, ne peuvent que conforter la phobie. Plusieurs questions lui sont en effet posées : l’islam peut-il s’accepter comme religion minoritaire ? Peut-il s’adapter à la démocratie sécularisée ? Peut-il se contenter d’un accès au divin cantonné à l’espace privé et non plus d’une apparition ostentatoire, dominante, dans l’espace public ?

Mais plusieurs questions se posent également aux démocraties européennes : interdire les minarets, n’est-ce pas déshonorer l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme votée le 13 décembre 1948 à l’ONU ? Il recommande précisément le respect de la liberté de conscience, de croyance et de culte.

Que symbolise le minaret ? L’islam, au moment de sa formation, devait inventer sa différence dans la proximité et la descendance judéo-chrétienne. Les chrétiens signalaient la prière par le tocsin, les juifs en soufflant dans une corne de bélier : les musulmans ont alors inventé le chant qui appelait les croyants à l’adoration. Et la voix serait portée au loin, du haut des tours.
Pour édifier ces tours, ils se sont inspirés de l’architecture antérieure, créant des merveilles de la civilisation. C’est ainsi qu’au IXe siècle le minaret de Kairouan a imité l’antique phare d’Alexandrie en emboîtant des formes pyramidales. Le minaret de Samarra (IXe s.), au nord de Bagdad, s’est adapté, lui, aux ziggourats des tours de Babel mésopotamiennes avec leurs volutes sinusoïdales. Dans la rocaille des montagnes afghanes, le magnifique minaret de Jam (XIIe s.) imagine deux escaliers qui ne se rencontrent jamais et calligraphie sur ses façades, en bandeau, l’intégralité de la longue sourate de Marie : il devient ainsi stèle monumentale, obélisque paré de hiéroglyphes. En Andalousie et au Maghreb, à la fin du XIIe siècle, les Almohades bâtirent les trois tours sœurs que sont la Giralda à Séville, la tour Hassan à Rabat et la Koutoubia à Marrakech.

Tous ces minarets, particulièrement ceux des Almohades, symbolisent l’ascension du prophète, le Mi’râj, et son élévation à travers les sept cieux jusqu’à l’empyrée. Des éléments architecturaux scandent cette montée et constituent par leur variété un répertoire de coupoles aux multiples formes.
Mais ces minarets affichent aussi, par leur hauteur, la célébration de la puissance de l’islam et de ses Etats, ainsi que leur ambition de conquête universelle. De manière inconsciente, cette célébration a recours au symbole de la domination phallique, de tout ce qui se projette comme force génésique pour enfanter l’hégémonie politique et la suprématie religieuse. C’est peut-être cet aspect que refusent les Européens. Une pareille présence érectile ravive le fantasme de la conquête islamique, vécue comme la menace d’un viol.

A ce fantasme s’ajoute la perversion des minarets contemporains qui enlaidissent les villes d’islam et les rendent désagréables. Ne sont-elles pas doublement repoussantes ? D’abord parce que les tours d’aujourd’hui perpétuent maladroitement et sans art les proportions des formes de naguère : elles ont cessé d’enchanter le regard, avec leurs masses en béton armé. Elles sont même d’une laideur agressive tant on perçoit à l’œil nu l’incohérence entre la forme ancienne et la moderne trivialité de leur technique. Ensuite, l’effet repoussoir des villes d’islam est aggravé par la voix en déroute qui convie à la prière : une voix très mal relayée, voire brouillée et parasitée par des amplificateurs électriques. Du coup, l’appel devient agressif, véhément, méchant, polémique, vindicatif, inesthétique. Combien de fois les voix des muezzins dérivent-elles loin, très loin de l’art de la mélodie ! Combien de fois nous sommes-nous trouvés contraints d’écouter des ânes qui braient, des béliers qui bêlent, des boeufs qui beuglent, au lieu de la voix suave et persuasive du chanteur ! Autant d’agressions sonores qui dégoûtent les Suisses et les Européens.
Je propose donc qu’on réfléchisse à toutes ces questions à tête reposée. Il faut trouver une solution au contentieux historique que l’attitude actuelle des musulmans, en leur négligence et désorientation, attise au lieu d’apaiser. Ce serait là l’occasion de bâtir la plate-forme d’un vivre-ensemble : solder le passif permettrait enfin de lever le refoulé.

Pour réaliser ce vœu, peut-être faudrait-il dès à présent proposer des minarets acceptables pour tous. Leurs formes s’adapteraient aux techniques. Elles reprendraient la symbolique de l’ascension, du Mi’râj, mais abandonneraient la forme phallique qui dit la domination politique et religieuse.
Pourquoi ne pas inventer des minarets virtuels qui, par les rayons laser, signifieraient d’une manière plus éloquente le voyage céleste ? Pourquoi ne pas opter pour des tours brisées, qui casseraient la prétention au phallique, comme le fit dans une de ses premières œuvres (1974) Christian de Portzamparc en bâtissant le château d’eau de Marne-la-Vallée ? Ce serait aussi l’occasion de lancer l’appel à la prière en restaurant la voix nue : elle ferait de son chant un oratorio spirituel, diffusé au nom du beau, dans le respect courtois du voisinage, loin de toute agression sonore et visuelle.


Dernier livre paru :

Pari de civilisation,
Editions du Seuil

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