LESANTILLES
ENCOLERE
Source : rue89.com en ligne le 17 février
L'edito
Guadeloupe :
Paris doit éviter tout recours à la force
Par Pierre Haski
La crise de la Guadeloupe est à un moment périlleux. Un mois d'indifférence, de pourrissement, de manoeuvres et de maladresses risque de déboucher sur la violence, ce qui serait le pire des scénarios pour ce département français dont tout le monde, y compris au gouvernement, reconnaît qu'il a de bonnes raisons de se révolter.
Il y a quelque paradoxe à lire le constat très lucide que fait Yves Jégo, le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, des raisons de la révolte des Guadeloupéens, et d'entendre ensuite dans la foulée les appels au rétablissement de l'ordre par la force, alors que la "triple" crise dont parle le ministre appelle une réponse d'abord politique. Yves Jégo écrivait ainsi lundi dans le Figaro:
"La vérité, c'est qu'il ne s'agit pas d'un mouvement de protestation sporadique, mais bien d'une triple crise. Une crise économique qui frappe toute la planète et atteint plus vite les économies fragiles, une crise structurelle liée aux dérives ultimes mais encore observables de l'héritage d'une économie 'de comptoir' et enfin, et peut-être surtout, une crise existentielle, en tout cas une crise sociétale."
Pourtant, on entend aujourd'hui les mots de "sédition", l'épouvantail des "Trotskystes" faisant de l'entrisme dans le mouvement syndical guadeloupéen, et même, comble de l'horreur, l'ombre des indépendantistes!
La vérité exige qu'on évoque aussi cette "économie de comptoir" que dénonce à juste titre Yves Jégo, les abus insensés trop longtemps tolérés de la part de quelques grosses fortunes et grosses entreprises, comme les distributeurs de carburant épinglés dans un rapport commandé par le gouvernement et qui commence à circuler, ou encore la dépendance pernicieuse vis-à-vis des subsides de la métropole qui a généré clientélisme et assistanat dans une partie des populations des DOM.
Et comment qualifier la manière dont le pouvoir a géré cette crise? L'absence de référence à la Guadeloupe lors de l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy le 6 février apparait aujourd'hui comme une faute majeure de la part d'un Président pourtant prompt à gérer personnellement la crise la plus mineure. Et la communication élyséenne nous vend aujourd'hui l'idée que le président de la République "reprend le dossier en mains", en recevant jeudi les élus d'Outre-mer!
Paris doit tout faire pour éviter que le sang ne coule à la Guadeloupe. Le durcissement du mouvement social guadeloupéen, sous la forme de barrages et de pressions sur les commerces, est une réponse au blocage des discussions avec le gouvernement et les employeurs de l'île. Ce serait une erreur grave d'y répondre par la force de la part d'un Etat coupable d'une indifférence complice pendant trop longtemps.
D'autant que derrière le conflit de la Guadeloupe, c'est tout l'outre-mer qui se réveille, et pose les mêmes questions de vie chère, de justice sociale et économique, de dignité. Le "manifeste des neuf intellectuels" antillais rendu public lundi permet, à ce propos, de replacer la révolte de la Guadeloupe dans un cadre plus large, bien au-delà de la simple revendication sur la vie chère qui a déclenché le mouvement.
Paris doit apporter une réponse globale à ce dossier que la crise a fait remonter au tout premier rang des priorités. Dans le changement d'époque que provoque la crise économique mondiale, avec tous ses risques de conflit, de tentations du repli identitaire, et de démagogie, la crise guadeloupéenne a valeur de test de la capacité de la France à sortir par le haut d'un tel défi.
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