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ENFRANCE
TEXTE INEDIT
Lorsque Jean-Moïse Braitberg publie jeudi dernier dans les pages DEBATS du quotidien LE MONDE, sa violente et provocante colère contre l'offensive israélienne à Gaza demandant que l'on efface le nom de son grand-père au Mémorial de Yad Vashem au nom de l'injustice faite au peuple palestinien, il avait sans doute oublié que sa famille avait encore un droit de regard sur son passé.
Alice, sa soeur, sociologue, a voulu réagir en voulant apporté des précisions sur l'histoire de la famille Braitberg et mettre les pendules à l'heure. Famille emportée par l'ouragan nazi, une partie rescapée est restée unie par un esprit de justice et de fraternité. Même à l'égard d'un Israël naissant.
En aucun cas, Alice Brajtberg ne souhaite que soit effacée la mémoire de leur grand-père. Bien au contraire, parlant de la paix entre Israéliens et Palestiniens : "à défaut d'être présent pour encourager la paix, il aurait aimé que son nom gravé dans le marbre à Yad Washem en soit le témoin;" dit-elle en conclusion.
Approchons-nous de son texte émouvant qui met en lumière l'un des multiples visages du sionisme contemporain.
Ce texte devrait être également publié dans les tous prochains jours dans un numéro du Monde.
" N’effacez pas le nom de mon grand-père
à Yad Vashem
GRAND PÈRE MOSHE N A PAS EU DE CHANCE …
LES FAITS
En 1942, pendant l’occupation allemande de la Pologne, mon grand-père Moshé avait accompagné sa petite fille Sarah chez des paysans catholiques qui avaient accepté de la cacher moyennant finances. Sa ville, Piotrkow Tribunalsky, comté de Lodz avait vu se constituer le premier ghetto de Pologne. Il y avait d'abord eu le grand ghetto puis, au fur et à mesure que les Juifs étaient déportés, le petit ghetto. Malheureusement, ces paysans refusèrent de cacher le grand-père, ils pensaient que c'était trop risqué et pas assez payé. La petite Sarah, alors âgée de 8 ans, regarda, les larmes aux yeux –en me le racontant à 75 ans, elle a toujours les larmes aux yeux- , son grand-père tourner les talons. Peu de temps après, en novembre 1942, Moshé Brajtberg était embarqué pour Treblinka avec deux de ses filles, une petite fille, ses gendres et une belle-fille. Aucun, aucune d'entre eux, d'entre elles, n'en revint.
LE CONTEXTE
Dans la Pologne misérable et antisémite du début du XXème siècle, le Sionisme avait apporté un espoir de vie meilleure, une concrétisation des prières quotidiennes ancestrales qui promettaient le paradis ‘ »l’an prochain à Jérusalem ». Comme la plupart de leurs coreligionnaires et frères en misère, la famille de mon père était plus ou moins communiste et mon père fréquentait les scouts Hachomer Hatzaïri, mouvement juif, sioniste et communiste. Toute la famille était sympathisante du Bundii, peut-être membre.
Je suppose qu’ils imaginaient la Palestine, vierge de toute culture et population, qui aurait attendu leur retour depuis des siècles. Peu cultivés mais avides d’information, ils ne voyaient dans ce « désert » que quelques bédoins faisant paisiblement paître leur troupeau. En réalité, ils n’avaient pas très envie d’émigrer aussi loin, ils aimaient la Pologne avec ses saisons contrastées, ses champs fertiles et ses rivières. Ils se sentaient fiers et heureux d’avoir « une terre promise » mais ils se contentaient de savoir qu’ils la rejoindraient après la mort. Ils enduraient leur quotidien en soutenant les mouvements communistes de leur pays dans l’espoir d’un changement proche.
Malheureusement, la mort devait les heurter violemment avec l’occupation allemande de la Pologne et le nazisme., cette mise en œuvre du projet « scientifique » de suprématie de la race décrit par Hitler dans « Mein Kampf », ouvrage que beaucoup de responsables avaient lu sans y croire.
Quand, en mai 1945, à la victoire des Alliés, ma tante et ma cousine, survivantes d’Auschwitz, furent parquées dans le camp de transit de Bergen-Belsen, sous administration britannique, elles reçurent la visite de diverses organisations juives prêtes à les accueillir pour refaire leur vie dans leur pays. Ben Gourion aussi leur rendit visite pour les inviter à rejoindre la Palestine par le bâteau Exodus. Elles refusèrent cette perspective, préférant attendre des visas pour la France. De toutes les personnes de la famille de mon père ayant survécu à la Shoah, sœur, frères et cousins, aucune ne choisit d’émigrer en Palestine. Elles se répartirent entre les USA et la France.
Mon père était resté très attaché à l’existence de l’État d’Israël qui avait surtout le mérite, selon lui, d’avoir réalisé le projet socialiste d’égalité et de fraternité à travers le kibboutz. Mania, une amie d’enfance survivante d’Auschwitz était membre fondatrice du kibboutz Gal’Oniii et Jacques lui vouait une admiration immense en même temps qu’il l’enviait et pourtant, comme la grande majorité des Juifs polonais, il n’aurait jamais quitté sa France adoptive pour faire son alya (« retour « en Israël)
Il était toutefois un fervent soutien d’Israël, faisant des dons et, pour la joie de ses enfants, achetant des caisses d’oranges et de pamplemousses de Jaffa par l’intermédiaire de la communauté juive de Bordeaux. En même temps, il avait adhéré au PSU fondé par Michel Rocard pour satisfaire à son idéal de justice et de fraternité.
MES CONCLUSIONS
Je pense que la plupart des Juifs sionistes avaient une vision très idéalisée de la Palestine et que, pour la plupart d’entre eux, la « terre promise » restait un mythe, un idéal socialiste qui verrait la concrétisation d’une société équitable et fraternelle, en particulier, à travers les kibboutzim. La création de l’État d’Israël fut conjointement une victoire et un drame quand les Juifs découvrirent que la Palestine n’était pas un désert, que toutes les populations de la région lui étaient hostiles et que, s’ils voulaient y survivre, il leur faudrait s’armer et tuer.
Aujourd’hui, en Israël, des officiers de Tsahal, regroupés dans le mouvement « Courage to refuse » se sont mutinés contre les directives de l’Opération « Lead cast » contre Gaza. Ils ont déclarés qu’ils refusaient de combattre dans une « armée d’occupation ». Ils ont clairement établi une différence entre la défense de leur pays et l’envahissement de celui de leurs voisins.
De nombreuses voix -700 arrestations- se sont élevées en Israël même contre le pilonnage de Gaza.
Nous ne referons pas l’histoire. Nous devons regarder vers le futur. Israël existe, que l’on déplore ou non les conditions dans lesquelles il a été fondé. Les Palestiniens existent, que l’on déplore ou non la manière dont ils se battent pour la création d’un État palestinien.
Il est temps de dire « pouce », on arrête les hostilités et on met tout en œuvre pour agir en faveur de la Paix entre les deux États et leurs peuples.
Depuis plus de 60 ans, les organisations internationales ont échoué à créer les conditions d’une paix durable, vraisemblablement parce qu’elles étaient mues par les intérêts politiques et stratégiques de leurs membres. Les Palestiniens, tout comme les Israéliens ont été manipulés au service d’intérêts qui les ont cruellement desservis. C’est pourquoi je pense que les initiatives les plus efficaces et respectables en faveur d’une paix durable doivent provenir d’individus sincères comme celles et ceux, Palestiniens et Israéliens, qui se marient ensemble, font de la musique ensemble, du théâtre, du cinéma, du collectif « 2peuples2états »v, du mouvement « La paix maintenant » et de toutes celles et ceux qui, au péril de leur vie entretiennent le dialogue.
Je pense que c’est ce qu’aurait souhaité mon grand-père Moshé Brajtberg et qu’à défaut d’être présent pour encourager la paix, il aurait aimé que son nom, gravé dans le marbre à Yad Vashem, en soit le témoin.
Alice Braitberg
Sociologue
Hachomer Hatzaïr : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hachomer_Hatza%C3%AFr
Bund : http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_g%C3%A9n%C3%A9rale_des_travailleurs_juifs
http://www.un-echo-israel.net/Focus-le-kibboutz-retrouve-une
http://www.couragetorefuse.org/english/news_item.asp?msgid=263
http://www.2peuples2etats.org/
Première diffusion : le 2 février à 0h 25
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