"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

mardi, février 03, 2009

ETPENDANT
CETEMPS-LA
LAVIECONTINUE!
Source : lenouvelobs.com en ligne le 2 février


Un festival surréaliste de danse
seulement israélienne


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A Tel Aviv, au moment où à Gaza s’installait la trêve entre Israël et le Hamas, débutait dans une atmosphère paisible et parfaitement surréaliste un festival de danse exclusivement israélienne. Une manifestation malgré tout éloquente quant à la tragédie vécue par les peuples de Palestine et d’Israël.


UN FESTIVAL de danse à Tel Aviv, et cela au moment même où les Palestiniens de Gaza comptent leurs morts, les centaines d’enfants sacrifiés aux horreurs de la guerre, les femmes et les vieillards ; au moment où l’on découvrait les exactions, les crimes de guerre perpétrés par certaines fractions de l’armée israélienne, et où par ailleurs se confirmait toujours davantage le fanatisme meurtrier du Hamas…Surréaliste certes. Mais surtout représentatif de l’insondable fossé qui sépare deux mondes qui se jouxtent.

Entre Tel Aviv, cette ville aimable et infiniment séduisante où il fait si bon vivre, où les Israéliens se sont créés une société cultivée d’apparence paisible, où les artistes abondent, où la jeunesse envahit chaque jour les terrasses riantes des cafés, où de jeunes soldats, peut-être revenus des combats, prennent un moment le soleil dans la cour arborée du Théâtre Susan Dellal…. et Gaza, à quelques dizaines de kilomètres de là, où règne la misère, la terreur et la désolation, le gouffre est si considérable, si vertigineux, qu’on ne sait, à vue d’homme, si un jour il pourra être comblé.

La guerre ? On la perçoit moins ici qu’on n’en parlait en France où elle a terrifié plus que jamais les partisans de l’équité et de la paix entre les peuples d’Israël et de Palestine. Et lors de ce festival réunissant un grand nombre des quarante-cinq compagnies de danse qu’abrite Israël, il n’en aurait jamais été question si l’on n’avait abordé le sujet de front avec les artistes, tant chacun, et les autorités en premier chef, semblait s’ingénier à l’ignorer."A 90% sinon à 98% d’entre eux, les artistes sont ici de gauche. Et généralement opposés à une réponse par les armes au problème palestinien", relate cette galeriste très en vue qui fut en d’autres temps conseiller culturel auprès de l’ambassade d’Israël en France. "Mais cette fois ci, reprend l’un des organisateurs du festival, nous étions bien seuls à aller manifester, main dans la main avec les Arabes, contre la guerre à Gaza. Même à gauche, on s’en est accommodé, comme par lassitude, comme s’il n’y avait plus d’autre solution que cet infernal cycle de violence de part et d’autre, comme si à cette haine qui engendre la haine, on s’ingéniait à ne pas trouver d’alternative ".

Six jours durant, au rythme de multiples représentations quotidiennes relevant du marathon, cette manifestation montée par le Centre Susan Dellal (qui est en Israël l’équivalent pour la France du Centre national de la Danse et de la Maison de la Danse réunis et où chaque année, dans trois salles, on donne quelque 480 représentations), mais aussi patronnée par le ministère des Affaires étrangères de Tzipi Livni comme par celui de la Science, de la Culture et des Sports de Raleb Magale, cette manifestation aura présenté l’essentiel de la récente production chorégraphique du pays, soit trente cinq ouvrages. Et cela à des dizaines d’invités du monde entier, programmateurs, directeurs de théâtre ou de festivals.

Car en dépit des bien faibles moyens accordés par l’Etat d’Israël à la culture en général, et à la danse en particulier, celui-ci, à juste titre d’ailleurs, n’est pas peu fier de cette floraison artistique qu’il soutient si mal. Il est indéniable que cet épanouissement chorégraphique en dit long sur la société où il se produit. Il n’existe bien évidemment dans nul autre pays de cette région de monde, dans aucun des pays arabes et musulmans qui bordent le sud et l’est de la Méditerranée, où seuls le Liban et la Tunisie sont de très modestes exceptions. Et cette liberté des corps, cette liberté des créateurs est évidemment le corollaire de la démocratie, de la liberté des consciences et des mœurs qui sont l’apanage de l’état hébreu, en dépit de l’étroitesse d’esprit, voire du fanatisme des milieux religieux juifs.

Ce phénomène serait radicalement impossible dans les pays vivant dans le monde de l’islam et subissant pour ainsi dire tous la dictature conjointe de la religion, de la société et du pouvoir politique. Et plus encore, faut-il le dire, là où sévissent le Hamas, son puritanisme maladif et sa violente homophobie.Ce foisonnement artistique est aussi la conséquence de l’extraordinaire diversité des Israéliens, accourus du monde entier pour peupler leur jeune état, et venus pour beaucoup de milieux où règne une tradition culturelle. D’ailleurs, bien avant la naissance d’Israël en 1948, des artistes d’origine juive et liés aux avant-gardes européenne ou américaine s’étaient établis en Palestine. Et là, sur ces terres en devenir où il était avant tout question de survivre, ils jetaient les fondements d’une culture musicale, chorégraphique et théâtrale qui allait faire d’Israël un fragment d’Occident au Moyen Orient.

Fuyant l’Allemagne, l’Autriche ou la Russie, des danseuses modernes y joueront elles aussi des rôles de pionnières.Que reste-t-il comme impression après qu’on a découvert plus de trente chorégraphies, quelques pièces brèves, mais surtout des spectacles de plus d’une heure ? Celle de danseurs, israéliens pour la plupart, dotés d’une extraordinaire vitalité, bien trop rare en France. Des danseurs très bien formés qui sont souvent de magnifiques interprètes comme on en rêverait en Europe, mais dont l’énergie débordante paraît être au service d’une gesticulation un peu vaine. On découvre, chez les danseurs comme chez les chorégraphes israéliens, une énergie farouche, une volonté d’exister, une propension à se dépenser physiquement sans compter, à dévorer l’espace. Une frénésie que des observateurs comme la journaliste Gaby Aldor attribuent à l’étroitesse du pays, au sentiment d’enfermement d’une population qui vit avec le sentiment d’être assiégée, à l’omniprésence du conflit armé.

Tout cela passe par un expressionnisme parfois outré, par une débauche de mouvements qui font de la plupart des chorégraphies proposées plus des oeuvres démonstratives que réfléchies.Le cas le plus extrême, et en ce sens le plus emblématique, est représenté par une pièce de Rami Beer, directeur de la Compagnie de Danse contemporaine du Kibbutz (Kibbuzt Contemporary Dance Company), une troupe historique fondée par une merveilleuse personnalité, une héroïne de la saga israélienne, Judith Arnon, rescapée, alors qu’elle était adolescente, des camps de la mort, et arrivée dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Palestine pour y conduire courageusement toute une troupe d’enfants réchappés comme elle de la barbarie nazie, et comme elle orphelins.Aujourd’hui vénérable, elle a confié sa troupe à ce Rami Beer, son disciple.

Avec "60 Hz", celui-ci lance une heure durant ses danseurs dans une logorrhée de gestes dont on ressort tout abasourdi, sinon ivre mort. Là encore, d’excellents danseurs, d’une beauté fracassante, formés par l’école de la compagnie, ne ménagent pas leurs efforts. Mais c’est pour servir une gestuelle véhémente, une profusion de sauts, de prouesses, de performances physiques dont l’auteur semble penser que le surnombre peut masquer le vide de sens. Tout y est creux, emphatique, inutile. Son ballet ressemble à ces flots de paroles insignifiantes que déversent les bavards et dont on ressort tout épuisé sans en avoir rien retenu. Car il ne reste rien de son ouvrage qui ait frappé le regard. Il n’y a rien à en sauver. Jamais invitée en France, la compagnie poursuit cependant une belle carrière dans de nombreux pays où l’on fait une désolante confusion entre danse et gesticulation, entre authenticité du geste et expressionnisme outrancier, entre éloquence et agitation.

De fait, bien des spectacles proposés présentent, en moins virulent, les mêmes caractéristiques. Une surabondance de mouvements, un manque grave d’écriture chorégraphique, l’absence d’un style qui soit propre à chacun des auteurs, une propension à se jeter dans la bataille avec véhémence sans avoir réellement réfléchi à ce que l’on veut dire et sans avoir réfléchi aux moyens de le dire. Bien des ballets sont ici narratifs, et l’on croit que la danse est l’art de raconter des choses sans parler, comme la pantomime, alors que la danse, à l’instar de la musique ou de la peinture abstraite, est un art où le mouvement doit être pensé, élaboré et trouver en lui-même et dans sa beauté ou son éloquence sa propre justification. Cela, la plupart des Israéliens l’ont oublié et l’on s’en étonne d’autant plus que longtemps l’incomparable puissance théâtrale de Martha Graham a marqué la danse israélienne à ses débuts, quand Bethsabée de Rotschild fonda pour elle la Compagnie Batsheva. La Compagnie Batsheva justement présentera en ouverture du festival une chorégraphie, non de son directeur, Ohad Naharin, mais de l’une de ses danseuses, Sharon Eyal.
Cette pièce, "Makarova Kabisa", encore une fois servie par des interprètes exceptionnels, est typique d’un bon travail professionnel, assez bien construite, mais son sens reste assez obscur, faute de dramaturgie solide. Elle sera pratiquement la seule. Car parmi celles de chorégraphes reconnus comme Yasmeen Godder ("Singular Sensation") ou Inbal Pinto et Avshalom Pollak ("Hydra"), on n’aura pas retrouvé la même plénitude.

Godder, l’une des chorégraphes israéliennes les plus engagées politiquement, les plus courageuses aussi, donne dans une gestuelle violente et torturée, dans un expressionnisme un peu primaire. Cela semble naïf et sommaire, d’autant qu’elle manie les archétypes sans retenue. On vous dira que c’est là sa façon de refléter la société israélienne, de lui tendre un miroir pour qu’elle y découvre ses défauts et ses grossièretés. "Hydra" a des qualités esthétiques, ménage de belles images chorégraphiques. Mais la danse est tout autre chose qu’une succession de tableaux vivants, aussi beaux soient-ils. Mal construite, irréfléchie, elle finit par devenir interminable et par exaspérer. Privée de l’usage de ses jambes à la suite d’un tragique accident, la danseuse qu’est Tamar Borer fait front crânement et se produit sur scène malgré ce handicap qui paraîtrait insurmontable à d’autres. Son masque tragique, sa belle présence font de "Bardo" une pièce étrange, et son partenaire, Roi Sanderovich, athlétique sous sa tunique à l’antique, ressemble à une statue de Bourdelle. Mais "Bardo", qui se veut une évocation d’un état situé entre la mort physique et l’accession à l’éternité, souffre de ressembler à un long lamento. Trop de noirceur tue le tragique.

Avec une pièce imparfaite, "Monger", imparfaite quant à sa construction et parce que son propos n’est guère lisible, le chorégraphe israélo-américain Barak Marshall, qui est une célébrité en Israël et se voit invité dans de nombreux pays, n’en démontre pas moins qu’il est un vrai auteur, un chorégraphe à part entière, doté d’un style fort, typé, qui lui est propre. C’est que son écriture est vigoureuse, originale, enfiévrée, portée par d’excellents interprètes, par une dynamique intérieure et une intelligence qui lui confèrent une éloquence parfois saisissante. De tous les artistes présents, c’est lui qui sera le plus convaincant. Et de tous les ouvrages qu’on aura vu, "Monger", mais restructuré, resserré, est bien le seul qu’on aimerait revoir en Europe.

La grande figure de la danse israélienne, c’est évidemment Ohad Naharin. Qu’on apprécie ou non ses œuvres, il possède une stature qui a fait de lui un des emblèmes culturels de sa nation sur le plan international. Et la Compagnie Batsheva, qu’il dirige depuis des lustres, est celle qui sur les scènes représente le mieux le dynamisme de la création israélienne dans le monde entier.A la veille d’une tournée de six semaines aux Etats-Unis, Naharin a ouvert ses studios, situés en face du Théâtre Susan Dellal, et qu’on atteint en traversant une vaste et belle cour dallée que ponctuent des orangers lourds de fruits et où chante une eau courante comme dans les jardins arabo-andalous.Un "Boléro" à la chorégraphie pas très enthousiasmante accompagné d’une interprétation de la partition de Ravel moins enthousiasmante encore ; d’autres pièces brèves sans intérêt renversant, des danseuses étonnamment peu mûres, disons en devenir…ce n’est pas sur ce terrain que Naharin aura cette fois convaincu. Mais cet homme à la magnifique tête de statue de gladiateur antique est aussi une conscience, comme devrait l’être à son image tout artiste de premier plan.

Et lui qui doit lutter parfois contre l’obscurantisme des religieux dans son propre pays, est aussi effaré de cette guerre meurtrière qui ne fait qu’exacerber les haines de part et d’autre."Ici, dit Ohad Naharin, dans ce studio, nous avons la chance de pouvoir imaginer des propositions artistiques, d’en débattre, de faire travailler notre imagination, de stimuler notre puissance créatrice afin de trouver des solutions auxquelles on n’aurait jamais songé auparavant pour élaborer une œuvre. Le problème, dans cette région, c’est que personne parmi ceux qui prennent le pouvoir ne cherche à envisager le monde autrement que de la façon dont il s’est figé dans les esprits les plus égoïstes et les plus conservateurs. C’est une tragique illusion de puissance que de penser qu’on peut réduire un autre peuple au silence, que d’envisager de vivre dans une paranoïa qui se nourrit de la peur de l’autre. Chaque conflit armé rend toujours plus difficile ce dialogue que nous, artistes, nous nous devons d’instaurer chaque jour.

Nous, Israéliens, avons besoin d’un état palestinien, d’une Jérusalem de Palestine jouxtant la Jérusalem d’Israël, de voisins à qui nous aurons restitué leur dignité et leurs biens. Le drame veut que dans un camp comme dans l’autre, ce sont toujours les extrêmes qui hurlent le plus fort, ceux qui sont dépourvus de toute vision historique à long terme, généreuse ou simplement lucide".


Raphaël de Gubernatis

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