UNION
POUR
LAMEDITERRANEE
Source : courrierinternational.com
en ligne le 15 juillet
UNION POUR LA MÉDITERRANÉE
• Casse-tête israélo-arabe pour la France
Les réunions préparatoires au lancement de l'Union pour la Méditerranée ont prouvé que le projet du président français était une véritable gageure, relève le quotidien israélien Ha'Aretz.
Début juillet, des officiels se rencontraient à Bruxelles afin de préparer la séance inaugurale du sommet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), à Paris. En tête de l'agenda, la photo de groupe des chefs d'Etat qui participeront au gala d'ouverture d'un événement attendu depuis un an par le président français, Nicolas Sarkozy, et fantasmé par des officiels français ne se sentant plus à l'idée d'un Sarkozy posant sur les marches du Grand Palais en chef d'orchestre des festivités. Car c'est en février 2007, en pleine campagne pour la présidentielle, que Sarkozy a lancé l'idée d'un sommet méditerranéen destiné à mettre sur pied un mécanisme qui prendrait le relais du processus de Barcelone lancé en 1995 pour donner un cadre formel à la coopération entre l'Europe des Quinze et les douze Etats du Moyen-Orient et du sud de la Méditerranée. Depuis lors, l'UE a injecté quelque 10 milliards de dollars [6,3 milliards d'euros] dans un processus dénué de toute consistance, si l'on excepte un nombre incalculable de propositions, de conférences, de délégations et d'emplois pour les bureaucrates. Face aux protestations de l'Espagne et de l'Italie, marries de se voir privées de leur processus de Barcelone, la France a opté pour l'intitulé "Union pour la Méditerranée".
De même, l'Allemagne, renâclant devant une idée n'impliquant que les Etats du pourtour méditerranéen, la France a accepté de placer son initiative sous l'égide de l'UE, doublant du coup le nombre de pays impliqués dans le processus et vidant ce dernier de sa substance. Fin mai, la divulgation des pourparlers de paix israélo-syriens [sous le parrainage turc] a pris la France par surprise et, une fois Michel Sleiman porté à la présidence du Liban, l'Elysée a décidé qu'il était plus que temps de dégeler ses relations avec Damas et s'est empressé d'inviter son homologue syrien au sommet de Paris.
En acceptant l'invitation, Bachar El-Assad a entretenu auprès du dirigeant français l'illusion que ce dernier pourrait soigner sa communication en organisant une rencontre directe entre Assad et le Premier ministre israélien Ehoud Olmert. Les diplomates français ont ainsi sondé les conseillers d'Olmert : "Seriez-vous prêts à une poignée de main, voire à une rencontre ?" "Peu nous importe", ont répondu les Israéliens, "si les Syriens se manifestent, alors allons-y, mais à condition que les négociations aient sérieusement avancé, sinon cela serait une véritable farce." A la même question, les Syriens ont répondu à l'identique. Pour un officiel israélien, "cela signifie que la Syrie envisage sérieusement la reprise de négociations avec l'Etat hébreu".
Finalement, lors de la conférence préparatoire au sommet de Paris, pas moins de cinq rounds de négociations ont été nécessaires pour parvenir à un accord. Et toute résolution proposée devra recueillir l'assentiment de plus de 40 Etats partenaires de l'UPM, une gageure, d'autant que le conflit israélo-arabe risque peu de déboucher sur un quelconque consensus… Qu'on en juge. Sarkozy avait d'abord évoqué l'idée d'une méga-autoroute reliant l'Espagne à Israël en passant par le Maroc. Il avait aussi proposé des projets de dessalement de l'eau de mer. Cependant, les Etats arabes ont d'autres priorités. Ainsi, l'Algérie a proposé que toute demande d'un nouvel Etat de participer à un projet déjà lancé devrait être soumise à l'approbation de tous les Etats membres de l'UPM, une façon, selon un haut responsable israélien, "de tenir Israël à distance", d'autant que les Egyptiens ont pour leur part demandé que toute déclaration finale contienne un paragraphe appelant à la création d'une "zone dénucléarisée" en Méditerranée. Lorsque Israël et plusieurs Etats européens ont demandé d'inclure dans la déclaration finale une référence à la lutte contre le terrorisme, les Etats arabes ont accepté, mais à la seule condition que soit incluse la phrase : "Il faut éradiquer les racines du terrorisme en mettant un terme à l'occupation et à l'oppression." Lorsque Israël a alors voulu inclure un appel à "la réalisation de la vision de deux Etats pour deux peuples", les Arabes ont refusé de reconnaître Israël comme un "Etat juif".
Enfin, la conclusion de la conférence préparatoire a été le théâtre de joutes verbales parfois "violentes" entre diplomates syriens et israéliens, à la consternation de la présidence française. La session inaugurale de Paris aura-t-elle une suite ? "Peu importe", estiment les Israéliens. "Les Français publieront une déclaration triomphale, mais dépourvue de substance. De notre point de vue, ce ne sera pas une catastrophe." De leur côté, les responsables de l'administration Bush sont plutôt amusés. "Qu'est donc venu faire Sarkozy dans cette galère ? Et pourquoi Israël a-t-il tant tenu à y embarquer ? C'est un club sado-maso." Certes. Sauf que des dizaines de dirigeants arabes sont venus fêter la prise de la Bastille en compagnie d'un Sarkozy paradant sur les Champs-Elysées. Pendant deux jours, il s'est présenté comme le leader de la Méditerranée. Et dans tout cela quid de la paix et de la prospérité au Moyen-Orient ? De grâce, ne nous embarrassons pas de détails.
Barak Ravid
Ha'Aretz
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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