MILLEFEUILLES
Pour diasporablogj.,
l'Avis de Bernard Koch
"L’OPA SUR LES JUIFS DE FRANCE
Enquète sur un exode programmé"
de Cécilia Gabizon
et Johan Weisz
Editions Grasset
L’ALYA,
LE DEBAT « OUBLIE »
On se dit qu’un livre qui est si violemment haï ne doit pas être si mauvais que cela ! Disons-le, tout de go, le livre de nos deux confrères ne trahit pas le lecteur si avide d’informations ! Contrairement à ce que voudrait nous laisser croire la rumeur, on n’est pas bluffer par le contenu ! Une fois n’est pas coutume, ce livre marque un tournant dans l’édition. C. Gabizon et Johan Weisz, les auteurs de « L’O.P.A SUR LES JUIFS, enquête sur un exode programmé » prennent le risque de s’attaquer à l’un des tabous le plus jalousement gardé de la communauté juive de France : l’alya, cet acte décisif, crucial, qui mène le juif qui le souhaite, à émigrer en Israël. Sa trajectoire passe la plupart du temps par un organisme financé conjointement par l’Etat d’Israël et le Congrès Juif Américain. Ses objectifs sont désignés par le gouvernement israélien.
Il s’agit de l’Agence Juive. Cette structure est solidement et largement associée à l’Histoire du Sionisme. Elle participe activement à travers sa mission que lui confient, depuis sa création, dans les années 20, les pères du Sionisme, puis, à la naisssance l’Etat d’Israël, les premiers ministres qui se succèdent, de gauche comme de droite, au remembrement de la patrie des ancêtres.
Face à la démographie galopante et massive de la population arabe du futur état et à une population juive encore embryonnaire avant la seconde guerre mondiale, les responsables sionistes et les gouvernements israéliens vont devoir se tourner vers les Juifs de diaspora.
L’Agence Juive deviendra l’anti-chambre de ce retour à Sion, une espèce de ministère bis de l’immigration chargé du transfert de ces Juifs, candidats au départ, à partir des pays où ils se trouvent.
Cette alya, il y a deux manières de la pratiquer. Un départ consenti par idéal, une volonté d’apporter, naturellement, une pierre à l’édifice du pays, pour l’une. Un départ forcé, par les circonstances, une situation dramatique, comme ce fut le cas des Juifs d’Afrique du Nord, mais aussi par une méthode « agressive » des Directeurs de l’Agence Juive, beaucoup moins efficace.
Cet organisme n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il effectue ses missions dans l’ombre, la discrétion. On se souviendra de ces deux opérations mémorables qui ont permis de sauver des milliers de Juifs d’Ethiopie (les Falashas) dans les années 80.
C’est en revanche dans la confusion la plus totale et une extrême précipitation que se déroulera, en 2004, l’opération « Sarcelles d’abord », en pleine montée en puissance de l’antisémitisme rallumée par une poignée de jeunes maghrébins des cités. Jouant sur les peurs supposées de ses habitants de confession juive, elle visera à vider la plus importante ville « juive » de la banlieue parisienne (environ 40 000 membres) de cette population. Cette opération spéciale se soldera par un cuisant échec que reconnaît volontiers le nouveau patron de l’Agence Juive, David Roche, récemment nommé.
Les auteurs de « L’O.P.A. SUR LES JUIFS » s’appuient sur ce dysfonctionnement regrettable –sorte de fil conducteur- pour, en réalité, mieux cerner le malaise, pour ne pas dire le trouble, qui gagne, depuis 2000, date de la seconde intifada, une bonne partie de la communauté juive française. Sur cette partie de la communauté, repliée sur elle-même, sur cette communauté dite « communautarisée », il est bon de revenir sur les propos, dans ce livre, de Gilles Bernheim, Grand Rabbin de la Synagogue de la Victoire à Paris : « Les Juifs communautaires tournent majoritairement le dos à l’universel. Quand on ne peut pas faire confiance à l’universel, à l’autre, on se retourne vers son particularisme.. Cela devient un problème lorsque l’on finit par considérer que l’autre n’a plus rien à nous apprendre.»
Coup d’œil rapide, bien vu d’ailleurs, mais un peu trop rapide, sur ce judaïsme en perte de repère. Une enquête de journalistes, et non un ouvrage militant de complaisance, sans doute l’un des principaux reproches que leur opposent leurs détracteurs..Mais une enquête au bout du compte bien menée, mettant bien en perspective les situations et les personnalités qui tournent autour de ce mal-être. Une série de faits, de rencontres, qui rendent encore plus de crédibilité à leurs récits. Petite faiblesse, en passant. Juste d’ordre structurel : une construction narrative trop disloquée, trop éclatée qui fait perdre de la clarté dans le déroulement des faits.
OPA SUR LES JUIFS, même s’il ne peut pas plaire à tout le monde, a au moins le mérite de lancer le débat dans la communauté juive.
Un débat, comme beaucoup d’autres, « oublié ».
Bernard Koch
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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