LAVRAIE-FAUSSE
REPONSEDEBREIVIK
ARICHARDMILLET
Source : la newsletter de rue89.com diffusée
le 31 août 2012
Eloge littéraire de Richard Millet
par Anders Breivik
Anders B., Norvégien
Avec son apologie littéraire du tueur norvégien, l’éditeur Millet fait scandale. Rue89 a lu ses pamphlets nauséabonds et publie la réponse que Breivik aurait pu lui faire.
Cette rentrée littéraire est marquée par l’auteur et éditeur Richard Millet, et son très controversé « Eloge littéraire d’Anders Breivik », terroriste norvégien responsable du massacre de 77 personnes en juillet 2011.
Après être revenu longuement, dans son manifeste et au cours de son procès, sur « la “pakistanisation” de l’Europe » et son « invasion » par l’islam, particulièrement flagrante en France, l’islamophobe s’apprête à passer les prochaines années dans la prison d’Ila, près d’Oslo.
Ce vendredi, Antoine Gallimard, PDG des éditions Gallimard, où Richard Millet est éditeur, prend enfin position : il se déclare « choqué par les idées que [Millet] exprime » mais lui « réitère [s]a confiance ».
Rue89 s’est procuré la lettre de remerciement du terroriste norvégien à Richard Millet.
Cher Richard,
Chers riverains
Ceci est bien sûr un pastiche. Il nous a semblé que le meilleur moyen de lire Richard Millet et d’éclairer son dernier ouvrage, « Langue fantôme », était encore de faire un pas de côté. Toutes les citations de Richard Millet sont authentiques.
Un coucou de la prison d’Ila pour te remercier du fond du cœur pour ton « Eloge littéraire » à moi-même. Même si, bizarrement, plus que ces seize pages, c’est la première partie de ton bouquin qui m’a le plus plu : « Langue fantôme ».
Franchement, chapeau. Vraiment bien. Intelligent et tout. Ça m’a parlé d’entrée de jeu.
Tout fout le camp, t’as bien raison
Déjà, je connaissais pas les mots « palingénésie », « irénique », « heuristique » et « écholalie ». Je manquerai pas de les placer dans mon prochain manifeste. Sans déconner, je sens que si on pouvait se faire quelques parties de Scrabble toi et moi, on serait pas couchés.
Et puis sur le fond, entièrement d’accord avec toi : l’Europe décadente d’aujourd’hui ne produit plus que de la merde, c’est à se flinguer. Enfin, perso, j’ai préféré flinguer les autres. Comme dit si bien notre ami commun Drieu La Rochelle que tu cites en exergue : « Se suicider ? Pas besoin, la vie et la mort sont une même chose. » Autant survivre.
Bref, tout fout le camp, t’as bien raison : l’art contemporain est à chier, Pompidou et Mitterrand ont massacré Paris – même si mon pater pinaillerait sur ce point – et la littérature se casse la gueule. Elle « parle souvent petit nègre », « se tiers-mondise », « se créolise » et baisse son froc devant le roman américain. Au bûcher Conan Doyle, Dumas, le roman policier, la SF et la BD.
Et t’as aussi raison sur un autre truc : Le Clézio, Sagan, Gary, Némirovsky, c’est de la gnognotte. Tu m’étonnes que « la sagano-garyfication de la littérature française est, elle aussi, un signe de tiers-mondialisation ».
Tout ça à cause de quoi ? De qui ? T’auras mis un temps fou à l’écrire – à un moment, j’ai même cru que t’allais m’enterrer ça sous une tonne de périphrases et puis finalement, non. La réponse est venue page 70 :
« Les immigrés s’installent sur les ruines de la littérature européenne et participent, avec les indigènes déculturés et devenus des hérétiques laïques, à la décomposition des langues nationales qui ne bruissent plus que de leur insignifiance. »
Oui, oui, oui, mille fois oui, Richard. En plein dans le mille. Ça m’a fait un bien fou de te l’entendre dire.
Femmes et « immigrés extra-européens »
D’autant que ça aurait été dommage de tenir les ateliers d’écriture et la féminisation des études littéraires pour seuls responsables. Je dis pas, les bonnes femmes c’est pas faux, mais sur le coup, t’entendre dire « le repeuplement quasi général de l’Europe par des populations dont la culture est la plus étrangère à la nôtre », ça m’a fichu les larmes aux yeux.
Comme tu dis si brillamment, « la France est devenue le pays où la paupérisation littéraire est la plus manifeste. Sans doute la crise identitaire y est-elle plus vive qu’ailleurs, à cause des problèmes posés par l’immigration extra-européenne ».
Finalement, le seul truc qui m’a fait tiquer dans tout ce que t’écris, c’est quand tu dis que le roman d’aujourd’hui « est devenu le rock, la pop, le rap de la littérature, autrement dit la forme de son insignifiance bruyante et populiste : sa pulsion fascisante ». Pas très sympa pour les fascistes, même si, au regard de l’histoire littéraire, ça doit sans doute être très vrai.
Bon, tu dis « immigrés extra-européens » là où j’aurais dit « Pakis ». Tu passes vite sur les Roms, j’y serais allé plus franco. On a les mêmes invasions par ici. Mais sur le fond, 100% d’accord.
Et toujours cette fichue « repentance et ce révisionnisme postgauchiste », conduits par « les indignés, les amnistiés, les vigilants, les journalistes, les publicitaires, et les romanciers postlittéraires » qui nous foutent dedans. Merde, ça suffit de se faire sagano-garyfier comme des tafioles ! Mais c’est pas à toi, « Français de souche et de culture universelle, donc française », toi « écrivant en français, étant purement français », que je vais apprendre ça.
Y a les bons écrivains et les « têtes molles »
En attendant, merci pour tes précieux conseils de lecture. Ça m’ennuierait de me gourer entre les vrais et les faux écrivains. Si je t’ai bien suivi :
•y a les bons : « Borges, Cortazar, Onetti, Asturias, Paz, Donoso, Cabrera Infante, Sabato, l’émouvante Alejandra Pizarnik »…
•et y a les « têtes molles » : Murakami, Garcia Marquez, Banks, Lessing, Le Clézio et bien sûr Umberto Eco, qu’a eu le culot d’ôter trois citations latines à sa nouvelle version du « Nom de la rose ». Et ça aussi, ouais, ça me débecte autant que toi. Y a aussi ce crétin de prix Nobel de Vargas Llosa, Houellebecq, Carrère, Rushdie, presque tous les romanciers américains et toutes leurs tarlouzes de copains sagano-garyfiés. J’arrête la liste ici, ça me dégoûte.
En tout cas, si l’avenir t’amène en Norvège, sache que tu seras l’éternel bienvenu dans ma cellule trois-pièces d’Ila. On pourra jouer à Pyramide, manger du Rømmegrøt bien blanc en causant vraie littérature. Et à ma sortie, comme on sera tous les deux maxi-purs, on pourrait s’en payer une bonne tranche et voir si le « petit bourgeois métissé, mondialisé, inculte, social-démocrate » court aussi vite en France que par chez moi.
D’ici là, des baisers.
Ton très dévoué Anders Breivik (p.c.c. Aurélie Champagne)
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