"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma  Ed Universlam


CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

samedi, septembre 01, 2012

A.. B. YEHOSHUA
"LAGAUCHEISRAELIENNE
ESTENPANNE"
Source : bibliobs.nouvelobs.com en ligne
le 1er septembre 2012






«En Israël, la droite a gagné»


Dans «Rétrospective», l'écrivain israëlien Avraham B. Yehoshua revient sur la place de la religion dans son pays et laisse transparaître son pessimisme sur la situation politique. Entretien.


Avraham B. Yehoshua, né en 1936 à Jérusalem, est l'un des piliers de la littérature israélienne contemporaine. Membre du camp de la paix, il a été en décembre 2003 l'un des artisans de l'Initiative de Genève, le plan de paix israélo-palestinien. Son nouveau livre,



Le Nouvel Observateur
Le personnage principal de votre livre, Yair Mozes, est un metteur en scène confronté, à l'occasion d'une rétrospective, à ses oeuvres de jeunesse et aux tourments de leur naissance. C'est la première fois que vous choisissez pour héros un artiste, un créateur...

Avraham B. Yehoshua

C'est vrai. J'ai écrit des romans dont les personnages centraux étaient garagiste, ingénieur ou comptable, jamais encore je n'avais placé un artiste au centre d'un de mes livres. J'ai fait ce choix dans «Rétrospective» parce que c'est à la force de la création que je me suis intéressé. Comme vous le savez, beaucoup de livres ont été consacrés à des auteurs qui ont perdu leur muse, dont l'inspiration est tarie et qui trouvent tout à coup un manuscrit oublié. C'est un procédé rebattu.

J'ai décidé d'aborder cette question sous un autre angle, car je voulais examiner à la fois la puissance sauvage de l'imagination, les problèmes de construction d'un scénariste, les options esthétiques d'un metteur en scène, l'approche d'un rôle par un acteur, et les choix esthétiques décisifs que doit faire un directeur de la photographie. Dans son travail, un écrivain assume tous ces rôles en même temps. J'ai décidé de les séparer, de les faire incarner par des personnes différentes, ce qui m'a permis de voir la dynamique, l'interaction troublante entre ces forces.

En fait, c'est aussi sur une partie de votre oeuvre, sur vos livres de jeunesse que vous vous penchez...

J'ai eu envie de regarder, avec du recul, la toute première nouvelle, très kafkaïenne, que j'ai publiée dans les années 1950. J'ai imaginé qu'au cours de cette rétrospective à laquelle était invité mon héros à Saint-Jacques-de-Compostelle étaient projetés et discutés six films datant de la première époque de son oeuvre. Deux de ces films sont basés sur des nouvelles que j'ai écrites. L'écriture de ce roman m'a permis de comprendre un peu mieux ce que cachaient ces nouvelles écrites dans les années 1950. A l'époque, j'avais exprimé d'une manière assez surréaliste ce que je ressentais. Je cherche aujourd'hui à le dire de façon ouverte, voire brutale, comme le fait le scénariste - Trigano - dans mon roman.

Quel était le message de ces romans de jeunesse?

Il s'agissait d'une bataille idéologique décisive contre l'autorité de la religion. Je comprends beaucoup mieux d'ailleurs, aujourd'hui, pourquoi à cette époque j'avais fait ce choix: on assistait alors à une renaissance de l'identité religieuse qui était sur le point de devenir une composante majeure de l'identité israélienne. Ce renouveau religieux m'était d'autant plus insupportable que dans les premières années d'existence de l'Etat, la religion semblait presque vaincue. Le pays était laïque d'une manière naturelle. Et la plupart des religieux étaient alors hostiles au sionisme, donc à l'Etat.

Mon ami l'écrivain Yehoshua Kenaz raconte que sa mère lui disait, en montrant les religieux orthodoxes avec leurs papillotes: «Tu vois, ces gens, dans quelques années, ils auront disparu.» On connaît la suite. C'est le contraire qui s'est passé. Les religieux nationalistes ou orthodoxes - n'ont jamais été aussi nombreux, aussi influents dans la vie de la cité. J'en ai déduit que, comme moi, Trigano mais aussi Mozes ne savaient pas tout à fait ce qu'ils voulaient exprimer dans ces premières oeuvres, fruits du travail de leur inconscient. La dynamique profonde de la création de ce livre vient de là...

L'affrontement qui est au coeur de votre livre oppose Mozes - ashkénaze - à Trigano séfarade. Ce n'est pas un hasard...

Bien sûr que non. Trigano et Tolédano, le directeur de la photo, sont originaires d'Afrique du Nord. Comme Nord-Africains, ils incarnent mieux les éléments religieux de l'identité israélienne que Mozes, laïque issu du courant principal du sionisme. Vous savez, il y a une question qui ne me quitte jamais, c'est celle de la rencontre, de l'intégration, au sein de la population israélienne, entre l'Est et l'Ouest. Entre les juifs venus des pays chrétiens et les juifs venus des pays musulmans.

En Israël, le partage est aujourd'hui à peu près moitié-moitié. C'est pourquoi il est capital, à mes yeux, de ne pas voir Israël comme un pays occidental, étroitement lié aux Etats-Unis, mais comme un pays méditerranéen. C'est un fait: nous ne sommes ni occidentaux ni orientaux. Nous sommes méditerranéens. Nous partageons une identité avec l'Egypte et la Grèce. Avec le nord de l'Afrique et le sud de la France ou de l'Italie.

La place prise aujourd'hui par la religion dans la société vous inquiète-t-elle?

Oui. Soyons clairs. Je m'oppose à la dimension fanatique, autoritaire, agressive de la religion. Pas aux coutumes ou aux fêtes. Je viens d'une famille traditionnelle, séfarade, religieuse. Je connais la religion, je suis allé à la synagogue. Je ne suis pas un laïque qui regarde la religion de loin, de l'extérieur. Qui la tient pour effrayante. Mais je rejette de toutes mes forces le fanatisme qu'on trouve aujourd'hui aussi bien chez les religieux nationalistes ultra-sionistes qui peuplent les colonies que parmi les ultraorthodoxes antisionistes. Et je ne peux admettre que l'autorité, pour ces gens-là, vienne de Dieu et non du peuple.

C'est très important, car pendant deux mille ans le peuple juif n'a vécu ni en démocratie ni en dictature, mais en anarchie. Dans la diaspora, il n'avait ni territoire, ni gouvernement, ni langue commune. L'identité était fournie par la seule religion. Notre identité d'aujourd'hui est d'une autre nature. Elle est fondée sur la volonté du peuple à travers des institutions démocratiques. Cette identité n'a que soixante-cinq ans. Nous pouvons nous poser la question: va-t-elle tenir?

Je vais vous raconter une anecdote qui va vous éclairer. Il y a quinze ans, j'ai acheté une maison à Haïfa. Lorsque j'y suis entré, le constructeur m'a offert un magnifique bouquet de fleurs. Je viens aujourd'hui d'acheter un appartement dans une tour de Tel-Aviv, construite par une grande entreprise immobilière. Lorsque nous avons conclu l'achat, le représentant de l'entreprise m'a offert une mezouzah [objet du culte juif, NDLR.].

Pourquoi avez-vous situé la majeure partie de votre livre à Saint-Jacques-de-Compostelle?

Parce que j'ai été invité avec ma femme, il y a quelques années, dans cette ville, non pour une rétrospective, mais pour recevoir un prix littéraire. Dans la chambre qui nous avait été attribuée, dans le même hôtel que, dans le livre, celui qui héberge le metteur en scène et son actrice - et ancienne compagne - Ruth, je me suis trouvé en face de ce tableau appelé «Caritas Romana», représentant une jeune femme en train d'allaiter un vieil homme enchaîné. J'ai été tellement troublé, intrigué par cette scène que je l'ai prise en photo.

Au retour en Israël j'ai cherché à en savoir plus sur cette «Caritas Romana». Et j'ai découvert qu'il existe des dizaines de tableaux, signés des plus grands peintres, reproduisant cette scène. Quand j'ai entrepris d'écrire ce livre sur la création et de réfléchir à sa construction, la scène de «Caritas Romana» s'est imposée comme une clé du livre. Pourquoi? Il se trouve que ma femme est psychanalyste. Comme mari d'une psychanalyste, je crois à l'aptitude des hommes à affronter leurs problèmes et à les surmonter. L'un des problèmes que doit affronter Mozes, s'il veut réussir à se réconcilier avec son ancien scénariste Trigano pour renouveler sa créativité, a quelque chose à voir avec cette scène...

Vos positions contre la colonisation et en faveur de la paix avec les Palestiniens sont connues. Vos héros, en revanche, semblent étrangers à tout engagement politique...

Je vais vous faire une confidence: nous sommes - mes amis du camp de la paix et moi - fatigués de la politique. Très fatigués. Et nous sommes peut-être même vaincus. Car, il faut l'admettre, la droite a gagné. Nous avons eu l'illusion que l'histoire, que l'avenir, était avec nous. Et ce n'était qu'une illusion. L'absence d'engagement politique que vous constatez dans mon livre tient peut-être à cela.

Comment expliquez-vous cette défaite de la gauche israélienne, absente de la lutte pour la justice sociale en Israël comme du combat pour les droits des Palestiniens?

Par la perte progressive de son identité. Sur le plan idéologique, les différences avec la droite s'estompent. Je viens de vivre, à cet égard, une expérience éloquente. J'ai écrit une pièce de théâtre à partir des huit rencontres entre Ben Gourion et Jabotinsky qui ont été organisées en 1934 pour tenter de les réconcilier. En vain. Chacun défend sa position. Ben Gourion, la gauche socialiste. Jabotinsky, la droite laïque.


La pièce se joue actuellement en Israël avec un certain succès, à tel point que le président de la Knesset, Reuven Rivlin, du Likoud, a organisé une représentation au Parlement. Elle était suivie d'un débat auquel j'ai participé avec le Premier ministre, un universitaire spécialiste de Jabotinsky et le président de l'Etat, Shimon Peres, ancien chef du Parti travailliste et vice-président de l'Internationale socialiste. Netanyahou, finalement, n'est pas venu, mais le débat a été très douloureux pour moi car Peres a expliqué que Ben Gourion n'était pas socialiste, qu'il n'avait rien contre la religion - alors qu'il n'a pas mis les pieds dans une synagogue - et qu'il avait la foi. Comme s'il s'agissait d'effacer tout ce qui peut séparer, voire opposer, dans ce pays, la droite et la gauche. Même les gens de droite étaient choqués face à cette réécriture de notre histoire par le président.

Je vous raconte cela, parce que c'est symbolique de cette époque où la nouvelle économie a eu raison du combat pour la solidarité, la justice sociale, que la gauche incarnait. Oui, il faut l'admettre, la gauche israélienne est paralysée, absente. Sur le terrain social, comme dans la solidarité avec les Palestiniens. Vous savez pourquoi? Parce que le peuple israélien est aujourd'hui très à droite. Parce qu'il ne veut plus prendre aucun risque. Et peut-être aussi parce que les Palestiniens eux-mêmes sont passifs. Ils n'ont pas été en mesure d'organiser autour des colonies les manifestations non violentes massives qui auraient pu réveiller le camp de la paix.



Propos recueillis
par
René Backmann

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