LALUCARNE
SUR ARTE
LUNDI 4 AOÛT
à 23h 50
"Du Schetl à Brodway,
Une odyssée musicale"
Documentaire de Fabienne Rousso-Lenoir
UN HYMNE AU MELTING-POT
Sous la pression des progroms, sous la pression d'une répression d'une rare violence qui menacera leur existence, plus de 2 500 000 juifs provenant des des Pays de l'Est de l'Europe (Pologne, Russie, Roumanie,...) vont être pousser, en 1881, à l'exode, délaissant ainsi pour toujours leur unique lieu de vie et lieu de mémoire, le schtetl, ce petit bout de village qu'ils avaient fondé à la sueur de leur front. "Leur espoir est désormais ailleurs, dit l'excellent commentaire par la voix de Michel Jonasz". C'est espoir, leur rêve : atteindre l'Amérique, la "nouvelle terre promise" (Die goldene land). "Un rêve immense agite alors le yiddish land". On emporte tout. "Le tchainik (la bouilloire)", les instruments de musique (flûte, violon,...) et surtout "le livre". "Ils emportent aussi, comme d'invisibles bagages leurs mélodies du Yddish land".
Arrivé à bon port, à New-York, le temps de la débrouille commence et la longue marche vs l'intégration va bon train. Dans ce voyage initiatique qui les emmène du Schtetl vers les rives du Pacifique, bon nombre d'entre eux portent en eux la musique de leur enfance, la musique de leur village d'antan. Cette musique, ce chant qui participe à tous les instants de leur vie (brith-milla, bar-mitzva, mariage). Elle sera leur meilleure carte de visite avant d'être leur passeport pour assurer leur insertion dans la société américaine en pleine mutation.
Parmi ces nouveaux migrants, un certain Israël Beilin, fils d'un chantre d'une synagogue en Ukraine. Il deviendra rapidement l'un des compositeurs le plus popualire des Etats-unis. Plus connu sous le nom d'Irving Berlin, il signera la musique des plus grands succès de la comédie musicale américaine, sur scène et à l'écran. Fred Astaire, Ginger Rogers en seront les principaux interprètes.
En cherchant à se fondre dans le moule de la société multiculturelle américaine, les artistes juifs vont donner à leur créativité un de ces éclats que l'Amérique attendait : le rêve, le bonheur et la ferveur d'appartenir à l'identité américaine riche de sa diversité avant même de revendiquer tout autre identité.
De ce foisonnement artistique aux multiples facettes, des noms apparaissent, qui resteront indifiniment gravés dans toutes les mémoires et imprimer dans l'Histoire culturelle des Etats-Unis. De Charlie Parker à Georges Gerschwin, en passant par Benny Goodman, Glenn Miller, les frères Marx, Al Johnson, la musique de ses juifs venus d'ailleurs fait vibrer, danser et chanter l'Amérique tout entière. Le rêve d'une Amérique heureuse est donc possible.
Mais cette osmose parfaitement réussie n'aurait pas pu se faire sans la rencontre avec d'autres peuples, d'autres cultures, déjà sur place. C'est en se frottant, en cotôyant les musiciens noirs de Harlem que les musiciens juifs venus du Schtetl donneront le meilleur de leur créativité. "Musique juive et musique noir partagent la même blue note et la lamentation" rappelle le commentaire. La musique noire va donc avoir comme meilleur allié la musique juive.
Blues, jazz, ragtime, vont se mélanger à la musique tsigane, aux berceuses yiddish, au chant des chantres des synagogues. Louis Armstrong, Duke Ellington, Lionel Hampton, Cab Calloway, la plupart de leurs contemporains, ont composé leur orchestre en s'associant aux plus grandes pointures musicales juives. De leurs côtés, les plus grandes formations conduites par des chefs juifs -Benny Goodman, Charlie Parker, Glenn Miller) n'avaient qu'une seule obsession en tête : défier, transgresser les lois raciales en vogue aux Etats-Unis. Leurs orchestres brassaient toutes les composantes de l'Amérique en transformation.
Guersschwin, musicien juif, originare de Russie, dont on lui devra le célèbre "Rapsody in blue" qui révolutionnera la musique contemporaine américaine, dira auparavant : "j'ai entendu le kaléidoscope musical du melting-pot. J'ai entendu notre enthousisasme et aussi notre blues".
Mémoire juive issue des progroms et mémoire noire issue de l'esclavage s'assemblaient alors pour construire une Amérique à l'écoute de son temps et encore pleine d'avenir, que seul le mélange des cultures pouvaient aider à atteindre cet objectif. On ne parlait pas de choc des cultures, mais bien de partage de cultures.
DU SCHTETL A BRODWAY est un documentaire d'un remarquable humanisme, touchant, sensible, mais combien enthouiasmant. Fabienne Rousso-Lenoir, sa réalisatrice, a su mettre en évidence, en clair, grâce à un audacieux montage de documents d'archives, pour la plupart inédits, toute la singularité de cette Amérique aux multiples visages venus des cinq continents en faire un espace de liberté.
DU SCHTETLA BRODWAY nous offre là un des grands moments au service du savoir.
Un grand moment de télé . A ne pas manquer.
Bernard Koch
Rediffusion le dimanche 10 avril à 6h 00
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