DEBATTONS

Sonia-Sarah Lipsyc est strabourgeoise. Sociologue, rattachée au CNRS, elle vient de rédiger un rapport, à la demande de l'organisation féminine la WIZO, sur la place de la femme juive dans le judaïsme, qui a suscité et qui suscite encore, beaucoup de débats dans la communauté. Elle est l'une des responsables de la communauté juive de la capitale du Bas-Rhin à avoir balayé les poussières du bon vieux Consistoire de Strasbourg, régie par une loi ancienne, séparée de celle du Consistoire de Paris dont on célèbre, cette année, le bi-centenaire, permettant la présence de femmes au sein de son conseil d' administration.
Une bataille gagnée à la fin de l'année dernière de haute lutte.

Sonia-Sarah Lipsyc réagit à l'édito de Diasporablogj que nous avons publié le 8 avril sous le titre "UNE CAMPAGNE PRESIDENTIELLE PAS COMME LES AUTRES". Voici ce qu'elle nous écrit


"LA « DOUTITUDE »
DANS NOTRE DOUCE FRANCE


Cher Bernard,


J'adhère à ton analyse de la campagne présidentielle d'autant plus que je lis ton article après celui de l'Express de cette semaine (n°2909), « Comment le Pen veut récidiver », sur le F.N comme probable deuxième force politique de ce pays !
Quel drôle de paysage politique, une extrême gauche qui aligne au minimum 4 candidats et qui, avec les alter mondialistes, représente un pôle indéniable et pratiquement un français sur quatre susceptible de voter le Pen dans certains départements !

Et nous là dedans ?! Nous Juifs de France....Nous sommes bien embarrassés !
Voter en fonction de la politique du Proche Orient ? Le quai d'Orsay ne change pas beaucoup selon les gouvernements, n'est-ce pas ? Quelle différence entre un Villepin à qui on attribuait la fameuse phrase de l'Etat d'Israël comme étant juste une parenthèse dans l'histoire et un Védrine qui me donne encore froid dans le dos quand je l'entends parler du conflit au Proche- Orient tant ses positions me paraissent partielles et trop souvent à charge contre Israël ! Le premier était ministre des Affaires étrangères sous Raffarin, le second sous Jospin... Il reste que les relations avec Israël se sont améliorées sous Villepin comme Premier ministre mais je me souviens aussi que Jospin s'était fait « caillaissé » à l'Université Bir Zeit, car il avait naïvement osé dire que le Hamas était une organisation terroriste, il y a déjà plus de 10 ans…..

La lutte contre l'antisémitisme ? Je ne peux que saluer les initiatives du Président Chirac et de son gouvernement en la matière surtout après la relative cécité du gouvernement socialiste. Alors qu'au moment de la deuxième intifada, au début des années 2000, les socialistes et son ministre de l'Intérieur D.Vaillant, refusaient de nommer antisémites des actes qui l'étaient sous prétexte de risquer de leur donner encore plus d'importance… Chirac prit les mesures qui s'imposaient : protection renforcée, réunion interministérielle régulière à ce sujet, un référent pour traiter de ce point dans chaque inspection académique, la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français sous Vichy, l'honneur rendu aux Justes des nations.

Oui mais ... je n'aime pas dans ce camp politique la visibilité qu'a donné Nicolas Sarkozy à l'U.O.I.F au sein du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), une organisation qui autorisait la vente des Protocoles des Sages de Sion lors de ses réunions annuelles au Bourget. Je n’aime pas non plus ses velléités d'aménagements de la loi sur la laïcité, l'échec de sa politique en matière de sécurité, son désir de créer un ministère de l'identité nationale. La fille et petite fille d’immigrés que je suis, associe à cette appellation des relents nauséabonds. Pourquoi ne pas parler simplement, comme le suggère Caroline Fourest, d'un ministère de la citoyenneté ?[1] Je ne trouve pas le bonhomme antipathique mais je n’aime pas non plus sa démagogie face au bilan d'un gouvernement dont il faisait encore partie il y a 15 jours, etc....
François Bayrou ? Pourquoi pas ? Je n'ai toutefois pas souvenir d'une réforme marquante lorsqu'il était ministre.... Et puis sera-t-il le troisième homme devant Le Pen ? Voter pour lui n'est-ce pas au contraire risquer d'amoindrir les chances des deux grands challengers face au représentant de l'extrême droite ?
En fait, je suis et je reste de gauche : pour ses valeurs de justice sociale et économique, pour son histoire et j'espère toujours pour son projet du côté des démunis et du progrès sociétal.
Je suis outrée par la haine que je vois, y compris autour de moi dans des cénacles privés, contre les uns (Sarkozy, par exemple) ou les autres, en particulier contre Ségolène Royal. Je suis persuadée en ce qui la concerne, qu'une large partie de cette haine est à attribuer à la difficulté de voir une femme prétendre à la présidence de la République. Vous vous rendez compte, quel outrecuidance !!!!! Et même si je lui reconnais quelques défauts - qui n'en n'a pas ? - je ne cache pas que je suis intéressée à la lire et à l'entendre. Son programme - et oui, c'est quand même de ça qu'il s'agit, non, dans une campagne et contrairement à ce qu'on a dit avec mauvaise foi, elle en a un - comporte des points qui me siéent !
J'apprécie le fait de conditionner les aides publiques aux entreprises à des engagements sur l'emploi et de favoriser les PME, de relever d'urgence le Smic, de se préoccuper d’une allocation logement plus importante, d'investir dans la formation et la recherche, etc.. D'être dans un souci d'équilibre entre justice sociale et défense des valeurs de la République, prévention et répression. Elle est, je crois, l'une des candidates (pas la seule) qui peut recréer un lien social en France. Sa première mesure sera contre les violences faites aux femmes (une femme meurt en France tous les 3 jours victime de ces violences !). Tant mieux !

Mais j'aimerais aussi que celle qui cite Olympe de Gouges (quel plaisir d'entendre ces références apparaître dans une campagne présidentielle !) aménage la loi qu'elle avait fait passer en 2002 comme Ministre des Affaires Familiales, qui plus est avec autoritarisme, sur la garde alternée des enfants de parents divorcés et qui permet malheureusement à des pères qui furent des maris violents (et qui le restent généralement) d'avoir la garde de leurs enfants. C'est donc a priori pour elle, sans états d'âme, mais avec la satisfaction d'imaginer une femme présidente que penche aujourd'hui mon vote !

Quoique…. « Doutitude » quand tu nous prends"…..

Amitiés.


Sonia Sarah LIPSYC

[1] Voir « Crise de la citoyenneté » dans http://carolinefourest.canalblog.com