BRANLE-BAS
DECOMBATPALESTINIEN
AUTOURDEL'ESPLANADE
DESMOSQUEES
AJERUSALEM
Source : lemonde.fr en ligne le 16 octobre 2012
Israël-Palestine :
l'esplanade des lamentations
Par
Laurent Zecchini
C'est l'une des alchimies de Jérusalem : quand il s'agit d'Al-Aqsa et du dôme du Rocher , les divergences entre Palestiniens s'estompent, une unité factice s'exprime pour la défense de l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'Islam . Ainsi Mahmoud Abbas avait-il les accents de Raëd Salah, le 6 octobre, pour dénoncer l'"assaut violent" contre les mosquées de la Vieille Ville.
Improbable alliance en effet entre le président de l'Autorité palestinienne et le chef de la branche radicale du Mouvement islamiste israélien - faux nez du Hamas -, dont la capacité à enflammer le quartier musulman aux cris d'"Al-Aqsa est en danger" est prise au sérieux par la police israélienne. M. Abbas a alerté l'Organisation de la coopération islamique et, au Caire, la Ligue arabe a fait chorus.
Pourquoi ce branle-bas ? La réponse tient en un mot : Soukkot. La fête juive des cabanes, qui commémore l'exode d'Egypte , a été marquée cette année par des heurts sur l'esplanade des Mosquées, pendant plusieurs jours, entre musulmans et juifs religieux. La police israélienne s'est interposée, avec gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes.
Coïncidence peut-être, le 3 octobre, la juge Malka Aviv avait estimé que l'hostilité des musulmans n'est pas une raison pour justifier l'interdiction faite aux juifs de prier sur le mont du Temple, que les musulmans appellent Haram Al-Sharif ("Noble sanctuaire"). Du coup, la députée du Likoud (droite) Tzipi Hotovely a demandé une enquête sur la conduite de la police, coupable à ses yeux de grave atteinte à "la liberté de religion des juifs qui veulent visiter leur lieu le plus saint".
En juin déjà, lorsque le rabbin Yisrael Ariel , directeur de l'Institut du Temple, s'était vu interdire par la police l'accès à l'esplanade, Mme Hotovely avait protesté. L'institut consacre son activité "au commandement divin pour Israël de bâtir une maison pour la présence de Dieu, sur le mont Moriah", autrement dit en lieu et place de la mosquée Al-Aqsa, ce qui suscite quelques divergences avec le Waqf, l'Office des biens musulmans...
Parmi les amis du rabbin Ariel figure le rabbin Yehouda Glick , président de la Fondation pour l'héritage du mont du Temple, dont l'objectif est d'encourager les juifs de se rendre sur le mont, ce que l'intéressé, lui, ne peut envisager , vu qu'il en est banni par décision policière. Les extrémistes sont une minorité bien sûr, mais, des Fidèles du mont du Temple au Forum des femmes pour le Temple en passant par les Amis du Temple, les organisations messianiques ne manquent pas, qui mettent potentiellement en danger la coexistence fragile entre juifs et musulmans à Jérusalem.
Pour mémoire, c'est à la suite des affrontements sanglants qui s'étaient produits en septembre 2000, en réaction à la visite sur l'esplanade des Mosquées du premier ministre Ariel Sharon , qu'avait débuté la seconde Intifada. Rien de tel aujourd'hui : parmi les trublions arrêtés récemment par la police sur l'esplanade, on relevait juste la présence de Moshe Feiglin , chef de l'aile droite du Likoud, le parti du premier ministre, Benyamin Nétanyahou.
La police israélienne a des ordres stricts : quiconque fait mine de se prosterner , de chanter , psalmodier , voire de remuer les lèvres, quiconque porte kippa, chapelet ou croix chrétienne, est potentiellement un fauteur de troubles. En bas de la passerelle des Maghrébins, qui relie l'esplanade du mur des Lamentations à celle des Mosquées, figure un panneau qui rappelle aux juifs qu'il leur est interdit de monter sur l'esplanade des Mosquées.
C'est moi qui l'ait posé, nous dit sobrement Shmuel Rabinowitz , le grand rabbin du Kotel (le mur des Lamentations). Pour des raisons de paix sociale certes, mais plus encore d'impureté religieuse. "Le Troisième Temple, insiste-t-il, sera reconstruit par Dieu et non par les hommes. Il est écrit qu'il descendra des cieux. C'est pour cela que je leur dis [aux juifs extrémistes], Dieu n'a pas besoin de votre aide ." Pour autant, le rabbin Rabinowitz "refuse la position des musulmans qui est d'interdire aux juifs de prier sur le mont du Temple". "Au Kotel, assure-t-il, nous permettons à tous les croyants de venir prier, parce que la maison de Dieu est celle de tous." Voilà un discours que Naji Kazaz n'est pas prêt à entendre . Le muezzin d'Al-Aqsa, rencontré quelques jours avant le rabbin du Kotel, constate que "la police tolère que des centaines de juifs montent sur le Haram, et parmi eux de plus en plus de colons".
Naji Kazaz, pour qui Raëd Salah est le seul vrai protecteur de l'esplanade des Mosquées, n'a aucun doute : une partie des juifs "veut détruire Al-Aqsa", pour y reconstruire le Temple. C'est ainsi : sur les esplanades de la Vieille Ville de Jérusalem, il ne sert à rien de se lamenter sur le rapport incestueux entre religion et politique .
lzechinni@lemonde.fr
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