LARUEARABE
ENREVOLTE
Source : lepoint.fr en ligne le 24 janvier
Alger craint la contagion tunisienne
Par
Ryma Achoura
Correspondante à Alger
Le pouvoir, fébrile, a déployé des milliers de policiers samedi pour dissuader des opposants de manifester.
Le temps d’une journée, Alger la blanche est devenue Alger la bleue. En prévision de l’appel à la marche lancé par le parti d’opposition du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), les autorités ont en effet déployé une armada impressionnante dans toute la capitale, samedi. La place du 1er Mai, d’où devait partir le cortège, a été envahie par les Compagnies nationales de sécurité, casques, matraques et boucliers anti-émeutes prêts à dissuader toute velléité de rassemblement. A l’Assemblée, où devait s’achever la marche, plusieurs véhicules des forces de l’ordre ont protégé l’édifice tandis qu’un hélicoptère surveillait le centre-ville et qu’une kyrielle de policiers en civils étaient dispersés dans les rues principales.
Pour empêcher les manifestants de venir des autres régions du pays, et principalement de la Kabylie (un des fiefs électoraux du RCD), les barrages de police ont été renforcés sur l’autoroute à l’entrée d’Alger. Plusieurs bus d’étudiants, venus prendre part à la marche, ont également été stoppés. La gare routière était, elle aussi, soumise à une surveillance accrue.
peur. Les Algérois regardaient cet état de siège goguenards : «C’est une manifestation de policiers !» Un déploiement d’autant plus impressionnant qu’il s’est révélé totalement disproportionné. Ils n’étaient que quelques centaines à s’être rassemblés à l’intérieur et devant le siège local du RCD, sur une des artères principales d’Alger.«Un régime qui est contre les jeunes n’est pas un régime. Nous ne demandons pas un changement de gouvernement, mais un changement de régime», a fustigé son président, Saïd Sadi, du haut d’un balcon du bâtiment. Ces affrontements ont fait plusieurs blessés, 19 selon le ministère de l’Intérieur (dont 8 policiers), et 42 selon le RCD. Le pouvoir algérien, a sans doute rempli un de ses objectifs avec cette démonstration de force. Celui de montrer qu’il a repris le contrôle de la rue après les violentes émeutes qui ont secoué le pays entre le 5 et le 9 janvier. Elles avaient fait près de 800 blessés, de nombreux bâtiments publics et des commerces étant pris d’assaut et saccagés par une partie de la jeunesse défavorisée du pays, qui protestait contre ses mauvaises conditions de vie.
Au final, les autorités ont surtout montré leur fébrilité face à la rue et leur peur de voir les partisans de la démocratie occuper en masse la capitale. Le spectre de la chute de Ben Ali semble flotter sur l’Algérie, comme les drapeaux tunisiens brandis par les manifestants au siège du RCD. Mais l’initiative de samedi a permis de constater qu’on est encore loin ici d’une mobilisation dont l’ampleur menacerait le régime, comme cela a été le cas en Tunisie. Pourtant, la contestation est là. Tout comme le sentiment d’injustice et de désespoir, qui s’est exprimé au début du mois.
Compassion. En moins de quinze jours, huit Algériens se sont immolés par le feu à Sidi-bel-Abbes, Mostaganem (ouest), Boumerdès ou Tebessa (est). Un seul est mort, mais le phénomène prend des proportions alarmantes. Ce sont des jeunes victimes du chômage, des pères qui n’arrivent plus à faire vivre leur famille, et même une femme qui s’était vue refuser un logement dans le cadre d’un programme sur l’habitat rural. Ces actes extrêmes n’ont suscité aucune réaction officielle. Le président Bouteflika aurait simplement demandé une enquête sur cette vague d’immolations, selon une source citée par l’agence officielle de presse APS. Bien que le suicide reste tabou en islam, chaque nouveau cas choque un peu plus les Algériens, tout comme l’absence de compassion des autorités. Pour l’instant, ces immolations n’ont pas suscité de réactions de la rue algérienne. Mais elles maintiennent une certaine tension dans le pays, et le sentiment que les choses doivent changer.
Un changement qui est d’ailleurs le mot d’ordre d’une nouvelle coordination. Réunie à l’initiative de plusieurs partis d’opposition (dont le RCD), des syndicats autonomes, la Ligue de défense des droits de l’homme et des associations, elle a prévu d’organiser une marche unitaire le 9 février à Alger. Pour la levée de l’état d’urgence, en vigueur dans le pays depuis 1992, mais aussi pour la libération du champ politique.
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire