LACINEMATHEQUE
FRANCAISEREND
HOMMAGEALUN
DESMAÎTRES
DU7èARTENFRANCE
Source : lemonde.fr en ligne le 6 novembre
L'univers d'un cinéaste
Revisiter l'oeuvre de Jean-Pierre Melville est la double proposition de la Cinémathèque française (jusqu'au 22 novembre) et d'un ouvrage collectif, né d'une intégrale projetée au Cinéma Jean-Vigo de Gennevilliers en 2008. Ceux qui croyaient que tout avait été dit sur ce paysagiste glacé du Paris canaille de l'avant-guerre, cet apôtre d'une fraternité et d'une intégrité qu'il traquait chez les résistants et les truands, deux univers de réfractaires menacés par les balances, les indics, les doulos, ceux-là découvriront ici une vingtaine d'approches originales de cette oeuvre trop brève (treize longs métrages).
Sur le même sujet Le livre du jour L'univers d'un cinéaste Revue Philosopher sans céder à la facilité Les livres du jour La guerre d'Afghanistan Forum Littérature L'originalité de Jean-Pierre Melville (que la légende a immortalisé avec Stetson, Ray-Ban et trench-coat) est résumée par Alain Corneau, qui parle de la "raréfaction de l'oxygène" dans un univers à portée universelle, d'un style américain digéré jusqu'à l'épure, de sa dextérité à pulvériser les identités. On n'avait cependant jamais été aussi loin que Gilles Mouëllic dans l'étude de la manière dont ce cinéaste si attentif au silence utilise la musique, en particulier le jazz et sa "sérénité tragique". Ni dans la manière avec laquelle Jean-Marie Samocki cerne l'espace chez un Melville claustrophobe.
A ceux qui le suspectaient de se rapprocher de Robert Bresson, Melville répliquait : "Désolé, c'est Bresson qui fait du Melville !" Alain Bergala entreprend une comparaison des manières dont chacun des deux réalisateurs utilise l'acteur. Peu importe le vainqueur de ce ping-pong, l'essentiel est de voir en Melville, avec Jacques Déniel, "un cinéaste du conflit entre raison et foi", qui met en scène dans Léon Morin, prêtre une âme à l'épreuve. Ou, chez d'autres, l'art et la manière d'orchestrer un crime parfait, la figuration du général de Gaulle comme l'alter ego fantasmé d'Alain Delon, l'indécision sexuelle soulignée par la place restreinte des femmes et l'apparition du travesti d'Un flic. Et puis encore l'obsession du solitaire, du papillon de nuit "la mélancolie existentielle de ces hommes perdus d'avance", écrit Fabrice Revault...
On se souvient des deux pages que Claude Lanzmann consacre à Melville dans son Lièvre de Patagonie, où il révèle l'intérêt de l'auteur de L'Armée des ombres pour Pourquoi Israël. A cet égard on lira avec intérêt le texte où Jacques Mandelbaum s'étonne que les exégètes ne se soient jamais penchés sur la question des origines du réalisateur, né Jean-Pierre Grumbach, cible du projet génocidaire nazi.
"Il n'y a pas un film de Melville où le personnage principal ne s'abîme, tôt ou tard, dans son propre reflet", écrit Mandelbaum, qui décrypte dans cette incontournable scène du miroir le "vertige d'une identité devenue indiscernable, obscurcie par la duplicité, brouillée par la clandestinité, affolée par la fuite en avant".
Sa démonstration est troublante, qui cerne le juif, sa métamorphose, sa conversion, ou une allusion à l'étoile jaune dans tous les films jusqu'au Deuxième Souffle, où une étoile à six branches apparaît, et où on voit un sigle blanc en forme d'étoile sur les wagons du train de marchandises par lequel Gu (Lino Ventura) commence sa cavale.
Jean-Luc Douin
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