HITLER
FAITRIRE
Source : ouestfrance.fr en ligne le 8 juin



À Berlin, Hitler fait pleurer le public de rire


Hitler sur scène, comme un danseur extraverti de chez Michou... Il fallait oser, à Berlin. Le public a adoré.

La comédie musicale, Les producteurs, tirée du film de Mel Brooks, campe un führer homosexuel efféminé. Les Allemands apprécient l'esprit moqueur.
Berlin.



Un Hitler homosexuel se trémoussant au beau milieu de danseuses dessinant autour de lui une croix gammée... Il y a vingt ans, la scène aurait fait scandale. Plus aujourd'hui. À la question posée par la presse nationale : « Berlin a-t-elle le droit de rire d'Hitler ? », la réponse semble donc désormais : « Oui ».

Après six années d'un succès inédit à Broadway (où elle fit ses débuts en 2001), puis une tournée à Londres, Tel Aviv et Vienne, la comédie musicale Les producteurs arrive donc, pour finir, dans la capitale allemande. Elle est jouée à l'Admiralspalast, célèbre théâtre berlinois des années 1920, rouvert en 2006, où le führer lui-même aimait à venir écouter des opérettes, dans sa loge d'honneur...

« S'il y a un endroit au monde où elle devait être jouée, c'est ici », se félicite Falk Walter, le manager de l'Admiralspalast, qui raconte avoir tout fait, depuis 2006, pour que la comédie vienne à Berlin. « Cela vous permet de ressentir quelque chose, non pas intellectuellement, mais de façon plus émotionnelle, avec vos tripes. Hitler est rendu tellement ridicule, tellement nu, que vous êtes surpris par votre propre rire », ajoute Rita Baus, la directrice artistique de l'établissement.


Blondes plantureuses

De fait, dans cette comédie adaptée du film du même nom de Mel Brooks, sorti en 1968, deux producteurs juifs désargentés cherchent à monter la pire des comédies musicales - Un printemps pour Hitler - pour réaliser une arnaque comptable. Rien n'est donc de trop mauvais goût, y compris le mélange sur scène de blondes plantureuses, de grands-mères rabougries et d'homosexuels efféminés - jusqu'au rôle d'Hitler lui-même, tenu par le plus excentrique de ces derniers.

« Je suis sûrement le premier juif à s'être fait autant d'argent avec Hitler », plaisante Mel Brooks. Le succès de sa mise en scène à Berlin n'était pourtant pas gagné a priori, si l'on se souvient du mauvais accueil réservé par la critique allemande, en 2007, au film du réalisateur juif berlinois Dani Levy, Mon führer, qui campait un Hitler dépressif, toxicodépendant et incontinent.

Cette fois, les Allemands semblent prêts à rire de leur dictateur nazi. « Le temps est venu d'adopter une vue plus détachée sur cette période », affirme Falk Walter, manager de l'Admiralspalast.


Lorraine ROSSIGNOL.