LESANTILLES
ENEBULITION
Source : le JDD.fr en ligne le 15 février
Les Antilles s'enfoncent dans la crise
Par Claude ASKOLOVITCH
et Virginie LE GUAY
Domota, leader du collectif LKP contre la vie chère en Guadeloupe, a accusé samedi l'Etat français de vouloir "tuer les Guadeloupéens". Il a rejeté la proposition faite par les collectivités locales, à savoir une prime temporaire de 100 euros pour les plus bas salaires. Aux Antilles, la population ne décolère pas. De nouvelles manifestations sont prévues dimanche.
En Guadeloupe et en Martinique, les manifestations sont maintenant quotidiennes. (Maxppp)
C'étaient des mots de feu, lancés par Elie Domota quand la manifestation s'ébranlait au Moule, à 35 kilomètres de Pointe-à- Pitre. "L'Etat français a choisi sa voie naturelle: celle de tuer les Guadeloupéens comme d'habitude", a prophétisé le leader du collectif LKP contre la vie chère, dénonçant des gendarmes arrivés en Guadeloupe "armés jusqu'aux dents".
La mort au bout du mouvement? C'est la deuxième fois en quelques jours que Domota teinte de morbide sa véhémence. Jeudi, il avait lancé un avertissement au patronat et aux autorités: "Si quelqu'un blesse un membre du LKP ou un manifestant guadeloupéen, il y aura des morts." La menace, lancée en créole sur une télévision locale, canal 10, est passée inaperçue en métropole. Mais le parquet a repéré les propos du leader syndical. Un signe de la tension qui monte en Guadeloupe, et emporte avec elle le principal acteur du mouvement. "Domota est en train de péter les plombs, s'inquiétait hier un partisan du dialogue, proche du secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, Yves Jégo. Il fait le jeu de ceux qui pensent que l'explosion confortera le système." C'est la métaphore de la tempête, une constante des Iles.
Il faut que l'orage arrive, que la situation atteigne un point de non retour, et puis l'ordre revient. C'est aussi le pari apparent d'une partie des milieux patronaux depuis le début de la crise. Laisser pourrir la situation, attendre l'explosion, et jouer la répression. Ne rien donner, ou ne donner que si l'Etat paye, et faire donner les forces de l'ordre. En pariant que les opposants se rendront odieux aux yeux des populations.
Jégo contre le "climat de terreur"
Une fatalité? Samedi, tandis que les négociations étaient rompues en Martinique, et que les autorités réquisitionnaient un hypermarché et des pompes à essence en Guadeloupe, Victorien Lurel, président socialiste du conseil régional de Guadeloupe, demandait un "assouplissement" de la grève générale, pour que le pays vive "plus normalement" et que les enfants "puissent aller à l'école". Et vendredi, sur France 2, Yves Jégo avait dénoncé un "climat de terreur" entretenu par le mouvement. C'est le paradoxe du ministre, vilipendé par François Fillon pour avoir trop promis, mais considéré par Domota comme celui qui annonce la répression. Pourtant, Jégo a peut-être joué sa peau en voulant ébranler le "système" antillais: un entrelacs de rentes de situations, de monopoles et de privilèges, dénoncé désormais par la quasi-totalité des élus.
Même Lucette Michaux-Chevry, ancienne patronne de la Guadeloupe et autrefois ministre de Jacques Chirac, a soutenu les "légitimes revendications fondées sur la cherté de vie, sur le sentiment que notre développement nous échappe". La sortie de "Lucette" n'est pas indifférente. Avec le mouvement s'expriment trop de rancoeurs, que les seuls enjeux sociaux n'expliquent pas. Un documentaire de Canal+ sur les békés de Martinique, ces descendants des premiers colons devenus les oligarques du capitalisme antillais, a réveillé de vieilles plaies. Pour beaucoup, les patrons ne sont pas de simples employeurs, mais aussi des descendants d'esclavagistes, que l'Etat avait indemnisés lors de l'émancipation.
Ce passé insupportable, plus une litanie de conflits souvent résolus dans le sang, marque le conflit actuel. La manifestation de samedi, au Moule, qui a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes, commémorait un affrontement entre grévistes de l'industrie sucrière et CRS, le 14 février 1952, qui avait fait quatre morts et 14 blessés. Désormais, les Antilles hésitent entre le pourrissement, le chaos ou une révolution démocratique. A condition que Paris donne le signal.
Le Medef mobilisé
Dans cette hésitation, un homme se tait, de qui pourtant tout dépend. Alors que le PS s'engage enfin dans le conflit - Arnaud Montebourg et Christian Paul sont arrivés hier aux Antilles — Nicolas Sarkozy voudra- t-il inventer une "rupture" dans les confettis de l'Empire? Le Président n'a pas donné de consigne précise à Yves Jégo, qui ignore s'il est un éclaireur ou un fusible. Mais au conseil des ministres, vendredi, le chef de l'Etat a donné le signal du mouvement. La mise en place du RSA va être accélérée. Le Medef est mobilisé, qui doit conseiller l'ouverture aux patrons antillais. Et Jégo joue la carte de la rénovation. Remplacé aux Antilles par deux médiateurs, le secrétaire d'Etat veut ébranler le système depuis Paris.
Jégo attend la fin de la commission d'enquête sur l'industrie pétrolière outre-mer. Et il a décidé de lâcher l'Autorité de la concurrence contre la grande distribution, pour démêler le mystère de la vie chère, et enquêter sur l'importation et la vente des produits de grande consommation. Samedi, le ministre recevait Bruno Lasserre, le président de l'autorité de la concurrence. Jégo veut pouvoir présenter des conclusions probantes au conseil inter ministériel sur l'Outre-Mer promis par Nicolas Sarkozy au printemps. "S'il ya des pratiques contraires au droit français, i l y aura des sanctions", promet-il. Il n'en doute pas.
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