ISRAËL,
APRESLOFFENSIVE
CONTRELEHAMAS
Source : lexpress.fr en ligne le 30 janvier à 12h 13
sur Diasporablog à 12h 51
Le destin d'Israël
Par Vincent Hugeux,
La guerre à Gaza est venue le rappeler: l'utopie sioniste a mal résisté à l'épreuve du réel. Afin de la ranimer, les héritiers de Ben Gourion devront s'affranchir du culte de la suprématie militaire et changer le regard qu'ils portent sur le monde. En réinventant une identité nationale.
"Où va Israël?", "Israël peut-il survivre?", "Quel Israël demain?": une volée d'étagères suffirait à peine à archiver la ribambelle d'essais et de magazines ainsi titrés depuis trente ans. Les réponses à ces interrogations rhétoriques, elles, tiennent sur un Post-it.
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Notre dossier complet sur Israël, après la guerre à Gaza.
Où va Israël? On le saura quand le pays aura retrouvé sa boussole et sa longue-vue. Israël peut-il survivre? Bien sûr. Reste à deviner sous quelle forme, dans quel état et dans quel Etat. De l'avant-poste démocratique à la citadelle hautaine et autiste, les pythies proche-orientales ébauchent mille scénarios. Mais aucun, sans doute, ne comblerait Theodor Herzl, père du sionisme moderne, ou David Ben Gourion, l'éclaireur de l'indépendance. Jeune sexagénaire, l'Etat juif tâtonne, tiraillé entre l'utopie d'hier et les périls de demain, entre l'idéal humaniste et l'ivresse de puissance, entre son histoire, épique et sombre, et cette géographie que rien ne saurait abolir.
Une offensive à l'efficacité encore indéchiffrable
Le 10 février, à la faveur d'un scrutin législatif anticipé, les électeurs se choisiront non un capitaine sûr de son cap - tous les partis en manquent - mais un chef de quart au verbe martial. Loin de dégager l'horizon, la "guerre de Gaza" l'aura nimbé d'une brume d'euphorie éphémère et trompeuse. La loi des armes est un alcool fort; gare à la gueule de bois. La victoire en trompe l'oeil, aux dépens des islamistes du Hamas, restaure moins la "capacité de dissuasion" de l'armée, sapée à l'été 2006 par l'échec de l'aventure libanaise, que l'image qu'Israël se fait de lui-même. C'est à cette aune qu'il faut juger l'unanimisme patriotique - indiscutable - qu'a suscité une offensive à l'efficacité encore indéchiffrable.
Un signe: le zèle des réservistes, sourds aux appels à l'insoumission. Seuls trois rappelés ont brièvement tâté du gnouf pour refus de servir. Nul doute que les soldats de Tsahal, ulcérés par la pluie de roquettes Qassam lâchées depuis huit ans sur des cibles civiles, brûlaient d'en découdre.
Mais leur triomphalisme, au retour d'une bande de Gaza écrasée sous un déluge de fer et de feu, avait quelque chose de puéril et de malsain. Ils se vantent volontiers d'avoir été "brutaux" ou "sauvages". Et regrettent amèrement un cessez-le-feu jugé prématuré.
Nul doute que les soldats de Tsahal brûlaient d'en découdre
La "rage contrôlée" que préconisait l'état-major ne le fut pas toujours. Pour preuve, ces familles palestiniennes décimées par des bombardements hasardeux. "Une guerre bestiale, aveugle et inutile", fulmine un éditorialiste du quotidien Haaretz. "Le plus lourd bilan civil depuis le pilonnage de Beyrouth en 1982, souligne en écho l'historien Tom Segev. David contre Goliath? Soit. Mais, ces jours-ci, David parle arabe."
En réponse, la hiérarchie galonnée invoque les procédés "monstrueux" du Hamas: immeubles piégés, boucliers humains, miliciens planqués dans des écoles ou des hôpitaux. De même, "l'armée la plus éthique du monde" jure avoir tout fait pour épargner les civils, informés des frappes imminentes par téléphone, par sms ou par tracts. "On a même piraté les radios locales pour diffuser nos messages", insiste un gradé. Il n'empêche. Faut-il être cynique, ou obtus, pour soutenir, comme cet officier cité par le Jerusalem Post, que "ceux qui voulaient sauver leur maison n'avaient qu'à empêcher les terroristes de les bourrer d'explosifs"!
La formule, fameuse ici, fleurit souvent au son du canon: "Yorim ve-Bokhim [On tire et on pleure]." Mais, si l'on tire à balles réelles, voire des obus au phosphore, on verse des larmes de crocodile. A entendre les porte-parole de Tsahal, tout soldat se bat le fusil M-16 dans une main et la convention de Genève dans l'autre. "Nous avons cette manie de prétendre tuer et soigner en même temps, peste Gideon Levy dans Haaretz. C'est impossible."
Dotée depuis dix ans d'un "code éthique", l'armée planifie ses opérations avec le concours de sa division "droit international" et d'un aréopage de conseillers juridiques, quitte à ignorer au besoin leurs avis. A la clef, un mélange très israélien de férocité et de juridisme, afin de se prémunir contre les foudres de la justice internationale, déjà saisie de plaintes pour crimes de guerre. Et la censure militaire interdit aux médias de divulguer l'identité des commandants de l'opération "Plomb durci", pour mieux les couvrir. Quant au chef du gouvernement sortant, Ehud Olmert, il a ordonné à son ministre de la Justice de coordonner la défense de l'Etat d'Israël. "Notre image, tranche le président, Shimon Peres, compte moins que nos vies."
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