ELECTIONS
ENISRAËL
Source : ouestfrance.com en ligne le 28 octobre
Le poids des partis fragilise Israël
Pressentie pour former le prochain gouvernement israélien après la démission d'Ehoud Olmert, à la mi-septembre, Tzipi Livni a préféré, au bout de cinq semaines de laborieuses tractations, jeter l'éponge. Pour constituer une nouvelle coalition, il aurait fallu céder aux demandes pressantes du parti ultra-orthodoxe Shas (déblocage de 210 millions d'euros pour les allocations familiales, pas de discussion sur Jérusalem avec les Palestiniens), ce que l'actuelle ministre des Affaires étrangères a refusé de faire. Les Israéliens seront donc appelés aux urnes, pour des élections anticipées, au début de l'année prochaine : depuis 1996, cela fera la cinquième fois que les électeurs devront désigner leurs 120 députés.
Ces consultations à répétition ne sont pas un signe de bonne santé pour la démocratie en Israël. Elles montrent que le pays souffre d'une partitocratie excessive. C'est bien le pouvoir des partis - au demeurant de plus en plus nombreux - qui fragilise le fonctionnement du système, et ce, de deux façons. D'abord, il entretient une grande instabilité gouvernementale qui empêche l'action politique de s'inscrire dans la durée. Depuis 1996, aucune législature n'est allée à son terme normal de quatre années, en raison de la défection de l'un ou l'autre des partis associés au gouvernement. Ensuite, il favorise un clientélisme corrupteur : le soutien politique est monnayé par la distribution de faveurs aux uns et aux autres avec, pour conséquence, la multiplication, dans la classe politique, de pratiques, au mieux immorales, au pire illicites.
La démission d'Ehoud Olmert, pour une succession « d'affaires » peu reluisantes, n'est que le dernier épisode d'une dégradation de la morale publique. Israël est malade du poids excessif des partis, comme l'était l'Italie à la fin des années 1980. Tzipi Livni, désormais à la tête du parti Kadima, a une réputation d'intégrité et elle pourra peut-être contribuer à redorer le blason de la politique. Mais, pour rétablir le système sur des bases plus saines, il serait indispensable d'instiller, enfin, une dose de scrutin majoritaire, lors des élections législatives, pour que le gouvernement ait une assise plus solide. Cette refondation serait d'ailleurs nécessaire, non seulement pour renforcer la confiance des Israéliens envers leurs élus, mais aussi pour que les négociations avec les Palestiniens cessent d'être tributaires des aléas de la politique intérieure israélienne.
Comment un Premier ministre peut-il négocier sereinement s'il doit, sans cesse, colmater les brèchesqui s'ouvrent dans sa majorité, du fait du chantage au départ de l'une ou l'autre formation ? Comment peut-il faire les nécessaires compromis (sur les frontières, sur Jérusalem) si le prix à payer est sa mise en minorité automatique? L'enjeu de la paix exigerait plus de stabilité gouvernementale et mériterait que l'on s'élève au-dessus de la « politique politicienne ». Malheureusement, la réforme du système politique reste un voeu pieux, les « grands partis » étant trop faibles pour l'imposer et les « petites » formations trop présentes pour l'accepter. Tout laisse à penser, hélas, que le prochain Premier ministre israélien aura, comme ses prédécesseurs, une marge de manoeuvre diplomatique étroitement bornée par de remuants partenaires.
(*) Directeur de recherche au Ceri (Centre d'études et de recherches internationales), Sciences-Po. Adirigé L'État d'Israël (Fayard 2008).
Alain Dieckhoff (*)
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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