RACISME
Source : liberation.fr en ligne le 17 septembre
Musulmans : un jugement qui passe mal
Un an et demi après le procès,
des associations dénoncent toujours un «climat islamophobe».
CATHERINE COROLLER
«Y en a marre de se faire lyncher.» Ex-secrétaire national du parti radical, ex-militant UMP, Mourad Ghazli est très en colère. «Ce qu’a fait Charlie Hebdo est affreux. Aujourd’hui la phobie des musulmans fait vendre. C’est devenu un business.» Plus de deux ans après la publication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet, et alors que le documentaire sur le procès intenté à l’hebdomadaire satirique par la Grande mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France et la Ligue islamique mondiale, sort aujourd’hui sur les écrans, beaucoup de Français musulmans ou d’origine maghrébine n’ont pas digéré cette affaire.
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Mustapha Ghouila, vice-président de l’association des élus de banlieue, explique être «pour le respect de la liberté de chacun, le droit de critiquer, de poser des questions». Mais, ajoute-t-il, «il y a des gens dans la communauté musulmane qui ont pu se sentir froissés». PDG de la société informatique Communication & Systèmes, membre de l’Institut Montaigne (think tank économique), Yazid Sabeg avait été contacté par les deux parties pour témoigner au procès, ce qu’il a refusé. «La liberté ne se discute pas, les journaux pouvaient publier ces caricatures, affirme-t-il. Mais j’ai également la liberté de dire qu’il y a en France un climat islamophobe.» Lui aussi voit des arrière-pensées mercantiles derrière la façon dont les médias se sont saisis de cette affaire : «Pour moi, Charlie Hebdo a surfé sur cette vague islamophobe, s’est posé en victime, et a fait de cette histoire de caricatures une opération commerciale». «Les méchants musulmans, ça fait vendre, affirme également un cadre du parti socialiste. Le mariage annulé à la demande du mari musulman, alors que c’est un Gaulois converti, le procès reporté pour cause de Ramadan…»
Yazid Sabeg regrette l’implication personnelle de Nicolas Sarkozy dans le dossier. A l’époque ministre de l’Intérieur, ce dernier avait adressé à l’hebdomadaire une lettre de soutien, qui avait été lue à l’audience par l’avocat du journal. «Cette prise de position a pesé dans le débat, affirme Yazid Sabeg. Or, d’un point de vue laïc, elle était pour moi déplacée. L’Etat a un devoir de neutralité.»
Mustapha Ghouila et Mourad Ghazli ont un sentiment d’injustice. Pour le premier : «Les gens de la communauté musulmane se sont comportés en républicains et en citoyens. Ils n’étaient pas d’accord avec Charlie Hebdo, ils ont saisi la justice. Il n’y a pas eu de manifestations ni d’échauffourées». «Ils auraient dû se féliciter que les mecs soient passés par la voie judiciaire. Pourquoi dire que la République est en danger quand les gens saisissent la justice ?», questionne le second.
Président d’honneur du Mouvement pour une citoyenneté active et chargé d’enseignement au département de science politique de l’université Paris I, Adda Bekkouche juge que «les conséquences [de la publication par Charlie Hebdo des caricatures, ndlr] sont négatives». Pour lui, «les musulmans se sentent encore plus stigmatisés, montrés du doigt.» Mourad Ghazli critique ce qu’il qualifie de «deux poids deux mesures». «Charlie vire Siné pour ce qu’il a écrit [une chronique jugée antisémite sur une éventuelle conversion au judaïsme de Jean Sarkozy, ndlr] et après vient nous parler de liberté de la presse?». Pour lui, «il y a une inégalité de traitement. Il faudrait que ce ne soit pas toujours les mêmes qui prennent les coups. Or, aujourd’hui, il n’y a que les musulmans.»
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