LES60ANS
DELETAT
DISRAEL
Source : lemonde.fr en ligne le 17 mai
L'impasse du processus de paix
ravive chez certains Palestiniens
l'intérêt pour un Etat binational
C'est l'histoire d'un vieux rêve, une utopie pour certains, une évidence pour d'autres, qui remonte lentement des profondeurs de l'Histoire. Alors qu'Israël célèbre en fanfare le 60e anniversaire de sa création, un nombre croissant de Palestiniens, échaudés par le surplace du processus de paix, plaide désormais pour l'établissement d'un Etat unique sur l'ensemble du territoire occupé aujourd'hui par Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Une structure binationale où juifs et arabes cohabiteraient sur un pied d'égalité.
"L'Etat unique existe d'ores et déjà sur le terrain", affirme Hazem Kawasmi, un économiste de Jérusalem, à la pointe de ce débat qui gagne en importance dans les cercles intellectuels et politiques des territoires occupés. "Avec les colonies, le mur et les check-points, les Israéliens ont tué toute possibilité de créer un Etat palestinien. Le modèle "un homme, une voix" est pour les juifs et les Arabes une solution "gagnant-gagnant", la seule à même d'éviter un bain de sang", ajoute-t-il. Jeudi 15 mai, jour de commémoration de la "Nakba" (la "Catastrophe", nom donné à l'exode forcé de 700 000 Palestiniens lors de la création d'Israël en 1948), Kawasmi et une trentaine d'autres compatriotes ont ainsi publié à Jérusalem un manifeste en faveur de l'Etat unique.
Bien que marginale et évidemment inaudible pour la quasi-totalité des Israéliens, cette initiative n'est pas pour autant isolée. Dans la bande de Gaza, un autre groupe rassemblé autour de l'universitaire Haïdar Eid planche sur une thématique similaire. En Israël, divers représentants de la communauté arabe ont publié ces derniers mois des programmes d'inspiration proche qui appellent à abandonner le caractère juif de l'Etat d'Israël, en préalable à la formation d'une entité binationale.
Réunis à Londres en novembre 2007, des intellectuels juifs et arabes avaient également produit un premier essai de définition théorique de l'Etat unique, une idée qui figura pendant longtemps au programme de l'OLP avant que Yasser Arafat n'opère un virage pragmatique en 1988, en reconnaissant Israël. "Dans les années 1970, penser à une solution à deux Etats constituait un blasphème, explique la chercheuse Leïla Farsakh, membre du groupe de Londres : il a fallu à Arafat près de vingt ans pour faire accepter cette idée à notre peuple. A notre tour de préparer le terrain, pour que dans vingt ans, l'Etat unique puisse être une réalité."
Au sein de la direction palestinienne, ce discours est tabou. Du moins en public. Dans les faits, la déclaration coup de poing du premier ministre israélien Ehoud Olmert à l'issue de la conférence de paix d'Annapolis, le 27 novembre 2007, a laissé des traces. Ehoud Olmert prédisait qu'Israël serait "fini" si la solution à deux Etats s'effondrait et que les Palestiniens réorientaient leur lutte sur le modèle de celle des Noirs en Afrique du Sud.
"Il y a encore deux ou trois ans, lorsque l'on évoquait ce sujet en haut lieu, on était systématiquement taxé de naïf", explique un habitué des cercles dirigeants palestiniens, avant de poursuivre : "Aujourd'hui, Ahmed Qoreï lui-même (le chef des négociateurs) n'hésite plus à brandir la menace d'un Etat unique dans ses discussions avec Tzipi Livni", la ministre israélienne des affaires étrangères. Lors d'un récent discours devant une délégation d'Américains-Palestiniens, Rafiq Husseini, directeur de cabinet du président Mahmoud Abbas, a lui aussi envisagé une telle option.
"Ce débat est sain car il permet de tirer la sonnette d'alarme, dit Leïla Shahid, représentante de l'OLP auprès de l'Union européenne, de passage à Jérusalem, mais sur le fond, cette solution n'est pas valable car nous n'arriverons jamais à faire accepter aux Israéliens ce qu'ils ne souhaitent pas pour eux-mêmes. D'ailleurs beaucoup de Palestiniens préfèrent vivre dans un Etat à eux, souverain, que dans un Etat binational, condamné à être un Etat d'apartheid." De fait, si l'on en croit les sondages, cette solution n'est souhaitée que par environ 25 % de la population. Un chiffre qui pourrait grimper si un règlement du conflit ne se dessine pas d'ici à la fin de l'année.
Benjamin Barthe
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