LALUTTE
CONTRELERACISME
ETL'ANTISEMITISME
PERDL'UNDESESCOMBATTANTS
Source : metro.fr en ligne le 10 août 2012



Mouloud Aounit,
une figure de l'antiracisme,
est décédé


L'ancien patron du MRAP et élu de Seine-Saint-Denis, Mouloud Aounit est mort. Les réactions de ses compagnons de lutte contre le racisme et de ses camarades de gauche...
Le Président d'Honneur du MPRAP, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, Mouloud Aounit, s'est éteint le 10 août 2012 à l'hôpital parisien de la Salpêtrière.

Le militant associatif et politique, salué par ses pairs comme un "homme de conviction", "têtu" et "souvent contesté, mais libre", souffrait d'une tumeur au cerveau, qui l'a donc emporté à l'âge de 59 ans.

Il "était malade depuis 18 mois et était dans le coma depuis plus d'une semaine", a précisé à l'AFP le cinéaste Jean-Michel Riera qui réalisait un documentaire sur lui.

De l'Algérie française à la banlieue parisienne, du monde associatif à la politique...

Né à Timezrit, au nord de l'Algérie, du temps de la colonisation, Mouloud Aounit était arrivé très jeune en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers, où il a vécu l'essentiel de sa vie et s'est engagé tant sur le front associatif qu'en politique, aux côtés des communistes, le mélange des genres lui causant quelques tourments.

M. Aounit qui avait adhéré au MRAP en 1979 en avait assumé la présidence de 2004 à 2008, mais il avait alors été contesté du fait de son engagement derrière la candidate communiste Marie-Georges Buffet lors la campagne présidentielle de 2007. Il n'en avait pas moins participé à la direction collégiale de l'association de 2008 à 2011 et en avait été nommé Président d'Honneur en janvier 2011, il est vrai sans mandat de représentation.

De tous les combats antiracistes, mais surtout d'un ?

Entre autres controverses qu'il a pu susciter, certains, au sein même du MRAP, lui ont reproché d'avoir trop privilégié la lutte contre l'islamophobie en France, au détriment sans doute d'autres causes. Pour mémoire, en 1983, bien avant d'accéder aux responsabilités, M. Aounit avait participé à la fameuse "Marche des beurs pour l'égalité".

Il n'en était pas moins présent sur tous les fronts, témoigne son "ami personnel", Sammy Ghozian, actuel président du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme, qui estime que Mouloud Aounit "souvent contesté, mais libre de ses opinions (...) a marqué par sa personnalité, et ses convictions, le combat inlassable qu'il faut mener contre le racisme".

Alain Jakubowicz, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), avec qui Mouloud Aounit "s'est souvent opposé de façon violente", n'a pas caché en ces circonstances qu'ils avaient "eu des point d'opposition extrêmement forts sur la question du port du voile, de la laïcité ou du Proche-Orient", autrement dit du conflit israélo-palestinien.

Une empreinte durable sur le MRAP...

Ce faisant, il a souligné que son homologue n'en était pas moins "un homme particulièrement attachant" qui "a marqué le MRAP pendant de nombreuses années". De sorte, estime le patron de la Licra , que "sa mort pose la question du renouvellement des cadres de cette association."

Bien sûr, du côté du MRAP, on a aussi souligné que M. Aounit "aura marqué de manière profonde l'association antiraciste par son intense intérêt pour la vie et pour les gens, par sa curiosité intellectuelle, une vaste culture, une grande capacité de travail et un inlassable dévouement", mais l'heure n'était pas à évoquer publiquement l'avenir de l'organisation.

Un élu régional à la tête dure (comme un Kabyle)...

En politique, M. Aounit, tête de liste du Parti communiste en Seine-Saint-Denis, avait été élu au Conseil régional d'Ile-de-France, où il a siégé de 2004 à 2010. Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF a salué en lui "un des premiers à dénoncer, avec courage, l'islamophobie montante".

Jean-Paul Huchon, le président socialiste de la région a par ailleurs rendu hommage à un "homme de coeur" et "de conviction".

Toujours au PS, lui aussi issu de l'engagement associatif, le député socialiste de l'Essonne et ex-vice-président de SOS Racisme Malek Boutih a rappelé ou plutôt estimé qu'Aounit était comme lui d'origine kabyle, et "donc têtu avec beaucoup de caractère". Il "n'était pas très connu du grand public, mais il a écrit une petite ligne" dans l'histoire du mouvement antiraciste a ajouté M. Boutih.

Un autre fameux ancien dirigeant de SOS Racisme, son cofondateur avec Harlem Désir, Julien Dray, a lui déclaré à l'AFP que "le mouvement antiraciste [avait perdu] un de ses combattants".

L'Elysée et le PS saluent le patriote, militant pour l'intégration...

Socialiste lui aussi, mais forcément plus sobre du fait de sa fonction, le président de la République François Hollande a écrit qu'avec "Mouloud Aounit, disparaît un dirigeant du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples pendant plus de vingt ans", un homme dont l'action "aura fortement contribué au dialogue entre les cultures, au sein de la communauté nationale".

Dans la même veine, la première secrétaire du PS, Martine Aubry a fait part de sa grande tristesse, après le décès de cet "infatigable militant de la lutte contre le racisme et les discriminations" qui "avait fait de sa vie un long périple (...) en faveur du respect des cultures du monde au sein de la République".

Et de conclure son communiqué : "La France perd un de ses compatriotes les plus engagés en faveur de l'intégration. Son combat demeure le nôtre. Il reste tant à faire dans le monde d'aujourd'hui pour faire reculer les réflexes de replis identitaires, nationalistes et communautaristes qui minent nos sociétés. C'est en prolongeant cet engagement en faveur de l'amitié entre les peuples que sera rendu à Mouloud Aounit le plus fidèle hommage".