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PHILIPPE MEYER
Directeur de Publication




L'Edito du nouveau numéro
d'Information Juive.



Les défis, c’est maintenant !


La France a voté. Le septième Président de la Vème République est élu pour cinq ans. Son Premier ministre est désigné. Son gouvernement est formé. Le respect républicain exige bien entendu de féliciter le nouveau Président François Hollande et de lui souhaiter bonne chance pour la France, et de saluer l'ancien Président Nicolas Sarkozy pour avoir défendu les intérêts du pays durant ces cinq dernières années.

Premières leçons à tirer
de cette élection majeure.

D'une part, le score final apparaît plus serré que ne l'indiquaient les enquêtes d'opinion. Preuve que les deux grands courants républicains qui aspirent traditionnellement à diriger le pays demeurent dans un rapport de force somme toute équilibré. La violence de la crise a éliminé comme ailleurs en Europe le pouvoir sortant et a réveillé les extrêmes, mais elle n'a pas (encore) bouleversé le paysage politique. L'absence de fractures politiques profondes sera utile pour permettre au pays de sortir de la crise.

D'autre part, après une campagne qui a souvent été jugée violente, les premières déclarations exprimées le soir du 6 mai de part et d'autre, ainsi que la cérémonie du 8 mai - unique dans l'histoire - avec la présence côte à côte des deux Présidents, ont montré un degré élevé de grandeur républicaine et démocratique, et un esprit de dignité et de responsabilité assez exceptionnel. De tels comportements ont porté haut les couleurs de la France en donnant l'exemple d'une démocratie forte, mature et apaisée, dans laquelle l'esprit de l'alternance est profondément ancré.

Indépendamment du jeu politique traditionnel, qui va tout naturellement reprendre, cela est rassurant pour le pays et son avenir dans un contexte si difficile.

Enfin, on a souvent comparé cette élection à celle du 10 mai 1981. Des ressemblances sont fortes, comme la sensibilité politique du Président élu, la campagne qu'il a conduite, le score obtenu, un Président sortant échouant au terme de son premier mandat dans un contexte de crise. Pour autant, il y a une différence de taille. La crise qui frappe aujourd'hui est d'une toute autre ampleur. Des défis majeurs attendent désormais le nouveau Président et son équipe.

Il s'agira d'abord pour la nouvelle majorité présidentielle d'affronter l'étape nécessaire des élections législatives qui lui donnera, ou non, la majorité parlementaire nécessaire à la conduite de son action. Une victoire donnerait au nouveau Président toute latitude d'appliquer son programme et d'en porter la responsabilité. Dans le cas contraire, une cohabitation s'engagerait dans un contexte tout à fait inédit. Réponse les 10 et 17 juin.

Il s'agira ensuite, et avant tout, de permettre au pays de sortir de la crise économique et financière qui le frappe depuis quatre ans. La situation est difficile. Les contraintes économiques et budgétaires sont fortes. Les aspirations sont grandes. Tout ne sera pas possible, et pourtant le maximum devra être fait pour que cela le devienne. Lourde tache. La capacité d'attente d'une opinion publique impatiente sera l'une des clés majeures du quinquennat qui commence. Rappelons que les partis extrémistes ont rassemblé près d'un tiers des voix au premier tour du 22 avril. Du jamais vu. Dans un France qui doute face à un environnement plus incertain que jamais, le nouveau locataire de l'Elysée devra parvenir à rassurer, à convaincre et à ramener dans le giron républicain ceux-là qui s'en sont écartés. Un chantier majeur pour l'avenir même du pays.

Il s'agira par ailleurs de gérer les grands dossiers internationaux, que ce soit l'avenir même de la zone euro, les relations avec l'Allemagne, les foyers de tension en Afrique, et bien entendu le dossier moyen- oriental avec la menace iranienne et le blocage des négociations enter Israël et palestiniens. Ces sujets majeurs pour l'Elysée ont été souvent absents de la campagne. Le Président Hollande y sera confronté d'emblée et devra prendre des décisions importantes et attendues. A suivre de très près.

La communauté juive enfin, restera attentive aux principaux sujets de préoccupation qui la traversent : la lutte sans merci contre l'antisémitisme, le rejet absolu de l'antisionisme qui génère la haine des juifs, la garantie de la libre pratique du culte dans le strict respect des règles de la laïcité et de la République, le maintien des conditions du " bon vivre ensemble ", la défense sans ambiguïté de l'amitié historique de la France avec Israël et sa capitale Jérusalem. Nous ne doutons pas que le nouveau président de la République sera attaché à conserver un dialogue ouvert et constructif avec la communauté juive, basé sur la confiance réciproque et le respect mutuel, comme cela était le cas avec l'ancien Président. Dans son discours d’investiture le 15 mai à l’Elysée, François Hollande a notamment déclaré que soucieux d’une "France réunie dans une même communauté de destin", il lutterait "contre le racisme, contre l’antisémitisme et contre toutes les discriminations".

Aujourd'hui, la joie est dans le camp des vainqueurs. La peine est dans celui des vaincus. Mais des défis majeurs attendent maintenant la France et l'Europe. Des combats déterminants sont à livrer. Au moment même où la France votait le 6 mai et choisissait sereinement le changement républicain, l'extrême droite néo-nazie entrait au Parlement grec à l'issue des élections législatives dans un pays en ruine. Ces démons-là qui menacent l'Europe font partie des combats à mener sans plus attendre.