SYRIE
APPELAUSECOURS
Source : le jdd.fr en ligne le 18 février 2012
Syrie :
"Pourquoi personne
ne vient nous aider?"
REPORTAGE
Avec les bombardements incessants qui frappent les villes syriennes, le flot des réfugiés s'intensifie vers la Jordanie où 12.000 personnes auraient trouvé asile.
Depuis toujours, Al-Ramtha la jordanienne vit au rythme de sa voisine syrienne Deraa, cette ville d’un million d’habitants d’où est partie la révolte l’an dernier et dont les faubourgs sont visibles à l’œil nu depuis la frontière. Depuis le début de l’insurrection, les deux localités vivent au rythme des explosions et des tirs se font entendre quotidiennement. Depuis mardi, 170 familles syriennes sont arrivées et les autorités jordaniennes installent près d’Al-Mafraq, dans le désert, un nouveau camp pour accueillir 1.000 familles supplémentaires.
Les civils dépendent totalement de l’Armée syrienne libre
Abou Majid, la cinquantaine, est venu de Homs en bus, avec sa femme et deux de ses enfants. L’homme est originaire du quartier de Khalidiya, une des cibles de l’armée syrienne début février. Il veut juste exprimer l’horreur, la peur des bombardements, "ils frappent au hasard" et la psychose de se faire descendre par un sniper. "Un garçon de 14 ans est allé à la pharmacie chercher un inhalateur pour son asthme, raconte le père de famille. Ils l’ont tué et après ils ont mis son inhalateur dans la bouche." Sa femme, elle, refuse de parler. Elle s’effondre à chaque fois que Homs est évoqué. Deux autres de ses enfants sont restés là-bas.
C’est leur gendre, Abou Maher, qui prolonge la description de la situation dans la ville martyre. "Je suis en contact avec mes amis 24 heures sur 24. Il n’y a plus rien, pas d’eau potable, plus de nourriture, plus de médicaments, plus de gaze pour faire des pansements. Alors les gens utilisent les toiles à matelas. La population civile dépend totalement de l’ASL, l’Armée syrienne libre, qui, quand elle le peut, apporte de quoi manger."
Malgré tout, Abou Majid et les siens croient encore à un écroulement du régime. "Je ne suis pas un militant, mais je sais que ce régime doit partir. Ce n’est pas une république. Ce n’est pas normal qu’une minorité dirige la majorité." Abou Maher, le gendre, assure que deux bataillons syriens ont fait défection mercredi dernier. "Ils nous bombardent depuis les extrémités de l’agglomération, ça veut dire qu’ils ne sont plus assez forts pour lancer une opération à l’intérieur de la ville, explique-t-il. L’ASL est aussi plus courageuse, elle défend les civils, elle défend notre foi."
La crise syrienne tourne à la confrontation confessionnelle
Dans ce récit familial, on comprend que la crise syrienne est en train de tourner à la confrontation confessionnelle. Chacun explique ainsi que l’attaque de sa ville est perçue comme une croisade religieuse, celle d’un gouvernement chiite contre une population sunnite. C’est aussi leur origine religieuse qui les a conduits en Jordanie. "C’est un pays sunnite, il est sûr", expliquent-ils. Abou Majid et les siens ont refusé d’aller trouver refuge au Liban, plus proche de Homs. Car le Hezbollah, parti chiite et désormais membre à part entière du gouvernement libanais, soutient toujours Bachar El-Assad et fait peur. Le pays du Cèdre a d’ailleurs, de son côté, refoulé des réfugiés.
Abou Soueib est en train de prier sur son lit. Il est arrivé de Deraa il y a quelques jours. Il était recherché par les forces syriennes et l’appartement où il se cachait a été frappé par une roquette. Il ne pouvait aller à l’hôpital public au risque de se faire arrêter. Au bout de trois jours, l’ASL l’a exfiltré vers la Jordanie. "J’ai perdu un pouce, j’ai un énorme trou dans la jambe, mais je suis en vie. Vous devez savoir que nous nous battons avec des armes légères, rien d’autre. Et la répression s’intensifie chaque jour avec de plus en plus d’arrestations."
Selon lui, l’ASL ne contrôle juste que quelques quartiers de Deraa. Ce jeudi, l’armée régulière a pilonné la ville à l’artillerie lourde. "Pourquoi personne ne vient nous aider? La France est bien allée en Libye. Nous pouvons à peine défendre nos quartiers. La population civile est terrorisée. Nous avons besoin d’aide." Le berceau de la révolution syrienne se prépare donc à subir le même sort que Homs. Les habitants ont demandé à leurs contacts jordaniens des poches de sang, des médicaments, de la nourriture non périssable. Bref, de quoi tenir un siège, un de plus.
Angélique Ferrat,
correspondante à Al-Ramtha,
Al-Mafraq (Jordanie)
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