LOMBRE
DEDIEUDONNE
DEMASQUE
Source : dailynord.com en ligne
le 29 novembre
Yahia Gouasmi,
ce Nordiste dans l’ombre
de Dieudonné
Par Ch. D.
Dieudonné s’est rendu en Iran afin de récolter des fonds pour lutter contre le sionisme. Dieudonné a tenté de libérer Clotilde Reiss, l’étudiante de science po Lille (*). Dieudonné… L’humoriste controversé est devenu le porte voix des anti-sionistes. La tête de gondole. Dans son sillage, on voit revenir sans cesse un nom : Yahia Gouasmi. L’homme qui l’a accompagné en Iran. L’homme qui a vraisemblablement permis la rencontre avec le président Ahmadinejad. Plus discret qu’un Dieudonné, ce Nordiste, responsable du centre Zahra à Grande-Synthe (Dunkerque) bénéficie, semble-t-il, de vastes réseaux.
Mai 2009. Dieudonné est en plein meeting lorsqu’il reçoit un coup de fil de Carlos. Depuis sa cellule de Poissy, le terroriste vénézuélien apporte son soutien à la tête de liste anti-sioniste. Gros coup de pub pour le Parti à quelques jours des européennes. Comment l’humoriste peut-il être en contact avec le terroriste du début des années 90 ? La réponse est peut-être à chercher dans son sillage. Yahia Gouasmi. Depuis le début de l’année, le nom revient systématiquement aux côtés de Dieudonné. Désigné, parfois, comme le financeur de la campagne des européennes.
Googleisé, il apparaît à travers de nombreuses vidéos, articles de presse et déclarations tapageuses. Des interventions à la télévision iranienne, des interviews afin de promouvoir le mouvement anti-sioniste, des prises de positions virulentes. Et toujours ce même champ lexical où les mots sont pesés avant d’être posés. Où l’on veille à ne pas être taxé d’antisémitisme. Qui est-il ? Officiellement, président du centre Zahra, responsable de la fédération chiite de France (parfois soupçonnée de vouloir importer le conflit du Moyen-Orient dans la société française), fondateur du Parti anti-sioniste (3e position sur la liste aux dernières élections européennes) et de l’observatoire anti-sioniste. Un homme clé de cette mouvance anti-sioniste en France. La soixantaine enrobée, une allure de patriarche, un visage apaisant, le verbe réfléchi. Qui est cet homme ayant ses entrées en Iran ? Capable, semble-t-il, de décrocher une entrevue d’une heure avec le président iranien Ahmadinejad ?
Discret centre Zahra
Né en Algérie, de nationalité française, Yahia Gouasmi vit à Grande Synthe depuis de plus de 20 ans. Grande Synthe, une adresse commune pour le centre Zahra et son émanation politique le Parti anti-sioniste (PAS). Pour en savoir davantage, direction son site internet. La page d’accueil s’ouvre sur une musique orientale envoûtante. Elle indique sobrement qu’il s’agit d’une association loi 1901 dont le but « est de faire connaître le message de l’Islam à travers le regard du Prophète et de sa famille ; de les faire connaître, de traduire leurs pensées et de témoigner de leurs œuvres ». Pas d’autre précision. Il y a quelques mois encore, on apprenait que cette association créée en 2005 comptait une centaine de membres, demeurait en construction et fermée au public (lire notre brève). Nous n’avons pas retrouvé cette page…
Installé dans un ancien corps de ferme restauré, en retrait de la route, le centre se revendique comme un lieu de spiritualité proposant séminaires, conférences. Accueillant les adultes comme les jeunes enfants. Une association discrète dans le dunkerquois (pas de participation à la vie locale, pas de demande de subvention), mais très active sur le net au travers de ses nombreuses vidéos diffusée sur sa chaîne Dailymotion (certaines visionnées plus de 80 000 fois).
Les drôles d’amis du centre
Le site et ses nombreuses vidéos renseignent aussi sur les amitiés entretenues par l’association. Amitiés pour le moins sulfureuses. Au-delà de Dieudonné ou d’Alain Soral (l’ex transfuge du Front national), on y trouve par exemple, Kémi Séba, chef de file des Damnés de l’impérialisme, dont le premier mouvement – la Tribu Ka – avait été dissous en 2006 pour incitation à la haine raciale et antisémitisme. D’autres noms interpellent aussi. Comme le père Michel Lelong, soutien du négationniste Roger Garaudy et favorable à la diffusion en France de la chaîne libanaise Al-Manar financée notamment par le Hezbollah ; une chaîne placée dans la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis. On trouve encore des soutiens au Hezbollah. Ou des liens avec le Parti solidaire français, formation nationaliste « d’aspiration socialiste », dont un cadre figurait sur la liste emmenée par Dieudonné aux européennes de juin. On citera encore le nom d’Ahmed Moualek, responsable du site « La Banlieue s’exprime », rappelé à l’ordre cet été par la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme). Liste non exhaustive. Mais on voit se dessiner un réseau dans lequel gravitent groupuscules d’extrême droite, négationnistes, révisionnistes et anti-sionistes. Un réseau dans lequel il paraît toutefois hasardeux de préciser le rôle joué par le centre Zahra et son charismatique responsable (**).
Yahia Gouasmi, toujours bien informé
On trouve peu de renseignements sur ce Franco-algérien âgé de 60 ans. 1984. Avec deux autres hommes, Yahia Gouasmi est soupçonné d’être impliqué dans un attentat manqué contre un journaliste iranien opposant au régime islamiste à Londres. Juste soupçonné. Il demeurera un mois à la prison de Loos-lez-Lille au secret, avant d’être remis en liberté faute d’éléments probants. Pas de conclusion hâtive, mais cela invite à en savoir davantage sur ce boucher halal dunkerquois.
Envoyé spécial permanent pour RTL dans la région (de 1979 à 1998), Jean-Noël Coghe a approché Yahia Gouasmi à de nombreuses reprises. Vingt fois? Trente fois? Il ne sait plus au juste. Il se souvient même avoir organisé, par deux fois, une entrevue entre le Franco-Algérien et les Renseignements généraux. Il évoque un homme courtois, un homme de convictions, emprunt de spiritualité. Un homme habile aussi. Dans son livre Le Blues du reporter (éditions Le Castor Astral, 2002 (***)), il relate ces diverses rencontres. Le nom de Yahia n’apparaît jamais, mais il est question d’un certain Yazid. Un pseudo pour désigner le même homme. Jean-Noël Coghe raconte ces rendez-vous sur le littoral nordiste où Yahia-Yazid veille à ne pas être suivi. Arrête le véhicule à une cabine téléphonique parce que c’est plus « sûr » que le radiotéléphone. Demande à ce que sa voix soit masquée durant une interview… « Ya-ya » est alors une source d’information précieuse. Capable de devancer les dépêches d’agences de presse lors d’un bombardement irakien sur Téhéran. Capable de prédire encore la vague des CCC en Belgique (les Cellules combattantes communistes dans la mouvance d’Action directe). Comment dispose-t-il de ces infos avant tout le monde ? Grâce à un solide carnet d’adresses, à l’évidence.
Proche de Téhéran
Le boucher halal, qui rêvait de faire fortune en commerçant avec le monde arabe, n’a jamais fait mystère de son attachement à l’Iran et à l’imam Khomeiny. Et les vidéos largement diffusées sur le net en attestent aujourd’hui encore. L’ancien reporter de RTL évoque déjà cette proximité avec le pouvoir iranien dans les années 80. Le journaliste avait ainsi recueilli son témoignage sur un attentat à Téhéran durant la prière du vendredi; une interview dans laquelle il explique avoir participé aux premiers secours. En plein conflit Iran-Irak, Jean-Noël Coghe se rappelle encore des cartes d’état major de la région de Bassora promptement repliées à son arrivée dans la pièce. Et puis, il y a ces photos que lui a remises Yahia, voilà plus de vingt ans. Il en sort une : prise à quelques mètres par l’intéressé, on y voit Rafsandjani (ex président iranien et bras droit de Khomeiny) s’exercer au tir avec un révolver. Et un autre cliché où s’étalent des dizaines de corps de soldats le bord d’une route toujours en pleine guerre Iran-Irak.
Tissu relationnel
Notre homme voyage beaucoup. Téhéran, bien sûr, mais aussi Marbella, Genève ou Lausanne, l’Allemagne… Militant d’une République islamique au Maghreb, il entretient déjà de vastes réseaux. Jean-Noël Coghe évoque ainsi le jour où il lui décrochera une interview de Ben Bella, le président algérien déchu, en l’espace de deux minutes. Toujours dans son livre, le journaliste relate aussi sa rencontre avec des jeunes de l’Islam au domicile de Yahia dans les années 90. Délinquants repentis ou intellectuels universitaires collectant à l’occasion des fonds pour le FIS algérien. Quel rôle joue le Yahia des années 80-90 ? Et aujourd’hui ? Le livre de Jean-Noël Coghe nous éclaire peut-être sur ce point. Ainsi parlait le Yazid-Yahia des années 80 : “ Tous les groupes islamiques sont solidaires. Il existe deux branches. La première a un caractère religieux, de propagation de la foi. La deuxième est action. Les groupes armés. L’objectif est le même. Nous vivons en France, mais nous aidons nos frères. Nous devons diffuser le message islamique aux déshérités des nations musulmanes victimes du Satan : Israël, Etats Unis. Nous agissons pacifiquement avec ceux qui nous laissent œuvrer. Nous répondons par la force à ceux qui nous oppriment, nous emprisonnent. ”
(*) Voir la dépêche AFP
(**) Nous avons contacté le centre Zahra afin que Yahia Gouasmi réponde à nos questions. Nous n’avons pas obtenu de réponse.
(***) Le récit de ces entrevues avec Yahia Gouasmi figure également dans le dernier livre de Jean-Noël Coghe, Mésaventures d’un petit reporter en Nord, éditions Les Lumières de Lille, 2009.
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