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DEBENOÎTXVI
AUPROCHEORIENT
Source : ouestfrance.fr en ligne le 13 mai



Le pape et la porte étroite du dialogue


Un geste, un mot, un silence. À Jérusalem, tout est signe, tout devient très rapidement symbole. L'histoire de cette ville est tellement chargée de blessures et de convoitises qu'il est toujours très délicat, pour un leader politique ou religieux, de s'y exprimer publiquement.

Depuis son arrivée dans la ville trois fois sainte, lundi,Benoît XVI en fait la rude expérience.Sa condamnation de l'antisémitisme, par exemple, a été très claire et répétée. Radicale même. « Tous les efforts doivent être faits pour combattre l'antisémitisme », a-t-il déclaré, en réaffirmant l'engagement « irrévocable » de l'Église pour la réconciliation entre chrétiens et juifs. Sa présence, lundi, au mémorial des victimes de l'Holocauste, sa visite, hier, au Mur vénéré par tous les juifs en étaient le témoignage.

Pourtant, de nombreux rabbins et les principaux quotidiens israéliens ont surtout retenu un silence. Ils reprochent au pape d'avoir omis de mentionner les responsabilités des nazis, de ne pas avoir eu un simple mot de peine, de compassion. Une touche d'humanité qui aurait compté autant que les mots.Vis-à-vis des musulmans, des gestes ont été posés.

Pour la première fois dans l'histoire, un pape est entré, hier, dans la mosquée du Dôme du Rocher. Benoît XVI a prononcé des mots de paix sur la splendide Esplanade des mosquées. Le mufti de Jérusalem attendait, lui, un soutien plus politique contre ce qu'il a appelé l'« agression » israélienne contre les Palestiniens.

Plusieurs raisons expliquent les difficultés rencontrées par Benoît XVI durant ce voyage pour asseoir le dialogue qu'il appelle de ses voeux. Le moment choisi, tout d'abord, est particulièrement tendu.En 2000, Jean-Paul II était venu consacrer le rapprochement entre le Vatican et Israël, sans rien négliger des légitimes aspirations palestiniennes. L'échec des négociations israélo-palestiniennes, portées à bout de bras par Bill Clinton, n'avait pas encore été consommé.En 2009, l'impasse entre les deux peuples est presque totale.

Pire, les récentes opérations militaires israéliennes à Gaza, en janvier, qui ont fait 1 400 victimes côté palestinien, ont accru les ressentiments. La soif de justice pour les uns, de sécurité pour les autres, l'emporte.Benoît XVI, outre le moment et le contexte politique, arrive aussi dans la région avec deux affaires qui ont marqué les esprits de nombreux juifs et musulmans. Son fameux discours de Ratisbonne, associant l'islam et la violence, et l'affaire Williamson.

Éviter le faux pas est toujours difficile en Terre sainte. Récupérer de tels accrocs l'est encore davantage.Pour autant, les propos tenus par le pape à Jérusalem seront lus et relus, indépendamment des circonstances actuelles. Pour les chrétiens, son évocation de Vatican II et du décret Nostra Aetate, qui ouvrit la voie au dialogue interreligieux, est notable après les gages donnés aux intégristes, ces derniers mois.Pour les autres, le fait que le chef de l'Église catholique ait confirmé, de façon aussi nette et explicite, son engagement en faveur du dialogue avec les juifs et les musulmans n'est pas insignifiant. Sous la loupe médiatique, cela peut sembler redondant. Au regard de l'histoire, beaucoup moins.




Laurent Marchand - Commentaire