PASSERELLE
Source : lemonde.fr via letemps.ch
en ligne le 3 décembre



La Suisse aiderait le Hamas
et Israël à négocier


Israël et le Hamas entretiennent-ils des contacts secrets ? Selon Mahmoud Abbas, des échanges se seraient déroulés dans le courant de ces derniers mois. Grâce aux efforts d'intermédiaires suisses. Voilà déjà plusieurs semaines que le président palestinien évoque de manière récurrente l'existence de contacts confidentiels entre Israël et son pire ennemi. Lundi, il s'est fait plus précis en affirmant que la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey l'aurait personnellement informé de l'existence de ces pourparlers lors de l'une de leurs rencontres. Dans la foulée, Mahmoud Abbas en a profité pour se gausser du Hamas en présentant ses dirigeants comme des "soi-disant 'héros de la résistance' qui passent leur temps à donner des leçons mais sont les premiers à conclure une trêve".


ECHANGE DE PRISONNIERS

Le discours de Mahmoud Abbas est passé inaperçu aux yeux des observateurs étrangers. Mais pas sur la scène politique palestinienne. Etrangement, le "ministre des affaires étrangères" du Hamas Mahmoud Al Zahar (l'un des tenants de ligne dure de l'organisation) n'a pas démenti les propos du président de l'Autorité palestinienne. Au cours d'une conférence de presse tenue mardi à Gaza, il a abondé dans le sens de Mahmoud Abbas et révélé l'existence d'un protocole entre l'organisation islamiste et l'Etat hébreu.
A en croire les dirigeants du Hamas de Gaza, ce texte baptisé "document suisse" a été paraphé par le ou les émissaires de Berne. "Nous n'avons pas négocié directement avec les sionistes", a déclaré Mahmoud al-Zahar. "Nous avons transmis des idées aux Suisses et ceux-ci les ont fait parvenir là où il fallait."Au téléphone, un membre de l'entourage de Mahmoud al-Zahar affirme par ailleurs que le "premier ministre" de Gaza, Ismaïl Hanyeh, aurait également été mêlé à ces pourparlers indirects dont certains acteurs ont semble-t-il déjà participé à la négociation de l'accord de Genève.

Pour ce que l'on en sait, le "document suisse" serait une sorte de déclaration d'intention par laquelle les parties envisagent de négocier une "tahadiye" (trêve à très long terme). Dans le cadre de cette accalmie d'une durée d'au moins dix ans, l'organisation islamiste veillerait à interrompre les tirs de roquettes Kassam sur les villes frontalières de l'Etat hébreu et ce dernier mettrait en veilleuse sa politique des "liquidations". Il rouvrirait également certains des points de passage desservant la bande de Gaza. En outre, un échange de prisonniers incluant le caporal israélien Gilad Shalit (enlevé le 25 juin 2006 par des islamistes) serait organisé.
A Jérusalem, aucun porte-parole ne souhaite se prononcer sur le "document suisse" dont beaucoup reconnaissent d'ailleurs ne jamais avoir entendu parler. Officiellement, la ligne de l'Etat hébreu consiste donc à répéter que "l'on ne négocie pas avec les terroristes". DES


MINISTRES FAVORABLES À DES POURPARLERS

On se souviendra cependant que dans le courant du mois de décembre, plusieurs ministres israéliens tels le travailliste Binyamin Ben Eliezer, l'ancien patron de la Sûreté générale Ami Ayalon et le "faucon" Shaoul Mofhaz ont surpris les commentateurs en estimant qu'il faudrait discuter avec le Hamas. Le 21 décembre, Binyamin Ben Eliezer a d'ailleurs estimé que de tels pourparlers pourraient être entamés si l'organisation islamiste "fait des propositions crédibles".
Quelques heures plus tard, Galeï Tsahal (la radio de l'armée israélienne) a révélé que le chef de l'état-major de Tsahal, Gaby Ashkenazi, venait de proposer au gouvernement de négocier avec le Hamas. Mais le brigadier général a publié un démenti après que les ténors des partis de la droite nationaliste eurent crié à "l'inconscience", voire à la "trahison".
La même semaine, un sondage publié à Tel-Aviv a pourtant montré que 58 % des Israéliens approuveraient la démarche du gouvernement de l'Etat hébreu si celui-ci négociait avec le Hamas. C'est également vers la mi-décembre qu'Ehoud Olmert a annoncé son intention d'étudier l'assouplissement des conditions de libération des détenus palestiniens susceptibles de faire l'objet d'un échange. Pour cela, une commission ministérielle restreinte a commencé à fonctionner il y a trois jours. Malgré l'opposition du Shabak (la Sûreté générale), elle accepte l'idée que des "terroristes ayant du sang sur les mains" puissent désormais être relaxés.


Serge Dumont, Tel-Aviv