PASSERELLE
source : lemonde.fr via l'Agence Reuters
en ligne le 8 juillet
Les artisans de la constitution
palestinienne défient Abbas
par Adam Entous
NAPLOUSE, Cisjordanie (Reuters) - Les juristes qui ont rédigé la constitution provisoire palestinienne estiment que le président Mahmoud Abbas a outrepassé ses pouvoirs en formant le mois dernier, sans l'aval du parlement, un cabinet de crise excluant les islamistes du Hamas.
Anis al Kassem, qui a supervisé la rédaction de la Loi fondamentale, a accusé certains dirigeants d'en avoir "détruit" les fondements et s'est étonné du fait que les pays occidentaux aient réagi l'an dernier à l'élection d'un gouvernement du Hamas dirigé par Ismaïl Haniyeh en le paralysant par un boycott économique.
Les services d'Abbas n'ont fait aucun commentaire jusqu'ici. Mais un porte-parole de son mouvement, le Fatah, a déclaré ce week-end que la parole du président faisait loi tant que la "mutinerie" du Hamas paralysait le parlement.
Washington, qui avait imposé le boycott lorsqu'Haniyeh avait pris la tête de ce gouvernement en mars 2006, a reconnu comme "légitime" le cabinet de crise constitué par Abbas après l'éviction du Fatah par le Hamas de la bande de Gaza le 14 juin.
L'Union européenne a aussi apporté un soutien marqué aux initiatives d'Abbas en les jugeant "conformes à la Loi fondamentale palestinienne".
Dans leurs premiers commentaires publics depuis la formation d'un nouveau gouvernement par Abbas, Kassem et Eugene Cotrane, constitutionnaliste palestinien indépendant, ont concédé que le document dont ils ont entamé l'élaboration il y a plus de dix ans conférait à Abbas le pouvoir de révoquer Haniyeh.
Cependant, ont-ils noté, il ne lui permet pas de nommer un nouveau gouvernement sans approbation parlementaire, ni de suspendre certains articles de la Loi fondamentale comme il l'a fait le mois dernier en dispensant le nouveau Premier ministre Salam Fayyad de se soumettre à un vote au parlement.
Selon Kassem, nommé par Yasser Arafat, les pouvoirs du président sont "délibérément et explicitement très restreints".
EN DEFENSE D'ABBAS
Pour sa part, Azmi Chouaibi, qui a fait partie d'une commission parlementaire sur la Loi fondamentale, a soutenu qu'Abbas était en droit de suspendre des articles.
Selon lui, l'article 113 - qui stipule que le parlement "ne peut être dissous en situation de crise et (que) les dispositions de ce chapitre ne peuvent être suspendues" - signifie qu'il "peut suspendre des articles d'autres chapitres".
Kassem s'est dit d'un autre avis. Il a mis en garde contre "des implications aussi fantaisistes (...), surtout là où l'implication peut facilement engendrer une dictature - le système contre lequel la Loi fondamentale était censée prémunir par toutes ses dispositions".
"Ils recherchent de toute évidence le moindre argument sur lequel bâtir une montagne (...) Ils détruisent les fondements sur lesquels reposait la Loi fondamentale", a-t-il dit à Reuters.
Toujours d'après Kassem et Cotrane, la Loi fondamentale voudrait en outre que le gouvernement d'union dissous par Abbas - que dirigeait Haniyeh et dont faisait partie le Fatah - demeure l'administration provisoire jusqu'à ce que le président palestinien ait fait approuver un nouveau cabinet au parlement.
"Il est clair que (...) le gouvernement Haniyeh ne tombe pas pendant la période de crise", a déclaré Cotrane à Reuters.
Kassem a dit qu'en vertu de l'article 78 "le gouvernement dissous devrait continuer à administrer les affaires gouvernementales jusqu'à la formation du nouveau gouvernement".
Il a noté que, d'après l'article 79, "ni le Premier ministre, ni aucun autre ministre ne peuvent assumer leurs fonctions, hormis à la suite d'un vote de confiance" du parlement. La Loi fondamentale ne contient aucune disposition pour un gouvernement de "crise", a-t-il ajouté.
La Loi stipule qu'un décret de crise présidentiel a une durée de trente jours, renouvelable sur avis parlementaire. Mais selon Cotrane, "cela ne signifie pas qu'il puisse former un nouveau gouvernement (...) Gouverner par ordonnance ne signifie pas qu'il puisse suspendre ou amender la constitution".
Kassem et Cotrane ont exprimé leurs points de vue lors d'une série d'échanges téléphoniques ou par courriel durant la semaine écoulée. Kassem se trouvait en Espagne et Cotrane en Grande-Bretagne.
On ignore quel rôle le parlement peut jouer du fait qu'Israël a, au cours de l'année, arrêté près de la moitié des députés de la majorité parlementaire du Hamas, ce qui rend impossible de réunir un quorum.
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