de Bernard Koch
LES MEDIAS FRANCAIS ONT LE MAL DES MOTS
"C'est la guerre" dit un pompier dans un reportage diffusé par France 2.
"Guérilla urbaine, délinquants, Intifada", des mots qui auraient pu être prononcés par une population exaspérée après presque deux semaines de violences dont on continue à chercher les causes. Non, ces termes-là, ces qualifications, ce sont ceux que l'on peut lire dans certains commentaires de la presse écrite, comme dans le bloc-note d'Ivan Rioufol dans le Figaro du vendredi 4 novembre, et que l'on retrouve dans la présentation de certains reportages radios ou télés. Mais, reconnaissons que ce léger déplacement de sémantique qu'on observe ici où là dans les médias à propos de cette flambée de violences qui s'étend à travers tout le territoire français, reste bien timide. Très peu de confrères se risquent, aujourd'hui à appeler un chat, un chat. Ce n'est pas politiquement correct. De peur sans doute, comme le souligne Stéphane Juffa, Directeur de l'agence de presse israélienne francophone LA MENA, dans sa newsletter du 4 novembre 2005, "banlieue: mèche ou étincelle", de froisser la susceptibilité des musulmans fondamentalistes, de se confronter aux tenants d'un Islam pur et dur façon Irak. Le frisson électrique de voir la France se "libaniser". Le cauchemar dans toute son horreur. Alors que tout montre que la situation libanaise frappe violemment à notre porte.
A croire que la presse française, depuis la seconde intifada palestinienne en 2000, continue d' avoir une crainte quasi- maladive à se déterminer face à un évènement d'une aussi profonde gravité, à trouver les mots qu'il faut pour désigner les tenants et les aboutissements, les bourreaux et les victimes. Ce qui parait simple à énoncer parce que vécus au jour le jour par les témoins, devient impossible à prononcer. Le non-dit plus fort que le dire-vrai. Comble de l'ironie, on a même entendu aux deux journaux (13h - 20h) du deuxième dimanche de violences Béatrice Schoenberg, sur France 2, présentée les émeutes d'Evreux, dans la nuit, comme un affrontement entre des "jeunes encagoulés" -terme guignolesque- et les policiers de la ville. Une banale confrontation où pourtant deux des soixante policiers se sont faits grièvement tabassés. Tout juste si ces "jeunes encagoulés" devaient être excusés et leurs actes justifés.
Voilà un casse-tête chinois auquel les médias français ne s'étaient pas préparés. Ils n'ont rien vu venir tant ils étaient penchés sur ce qui pouvait advenir de l'Amérique de Bush, bien sûr le pire -qu'est-ce qui n'a pas été dit dans la presse française sur la manière de gérer les conséquences de le cyclone Katherina qui a ravagé nouvelle-Orléans-ou sur le conflit entre israéliens et palestiniens, ou encore sur la Grande-Bretagene de Blair face au terrorisme qu'elle venait de subir, sans oublier de nous seriner, tout et n'importe quoi, sur la grippe aviaire Non, les médias ont oublié tout simplement de balayer devant leur porte.
Résultats : on ne sait plus comment expliquer les choses, et encore moins de les nommer. Par manque de courage, manque de réalisme ou manque d'honnêteté tout bêtement. Une information kafkaïenne revisitée par une presse qui reste habitée par ses égarrements. Illisible et peu crédible.
Parce que malade de ces mots dont elle n'est pas encore aguerrie.
Bernard Koch
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