CEREMONIED'HOMMAGE
AUXVICTIMESDE
LABARBARIETERRORISTE
ALECOLED'OHRHATORAH
ATOULOUSE
Source : marianne.net en ligne le vendredi 2 novembre 2012
L'UNITE DE LA NATION
RETROUVEE
UNE RELATION AVEC ISRAËL
APAISEE
Hollande et Netanyahu à toulouse :
la République, ses juifs et Israël
Martine Gozlan,
envoyée spéciale à Toulouse
Le président de la République et le premier ministre israélien sont venus saluer ensemble, à l’école Ozar Ha Tora, la mémoire des victimes de Mohamed Merah. Un saisissant rendez-vous avec les juifs de France.
C’était, depuis plusieurs saisons, depuis les crimes de Mohamed Merah et l’enchainement des agressions antisémites, le temps de l’incertitude et du vacillement pour les juifs de France. Mais ce 1er novembre, dans la ville rose poudrée d’or par l’automne, dans l’école Ozar Ha Torah, entre les drapeaux tricolores et ceux frappés de l’étoile de David, quelque chose a sans doute été réparé.
François Hollande est venu sur les lieux du massacre porter aux familles des victimes juives la parole de la République, tout en associant à la mémoire des enfants juifs assassinés celle des militaires tués à bout portant par le djihadiste. Il était accompagné de Benyamin Netanyahu, le premier ministre israélien venu porter, lui, la parole de l’Etat hébreu à des juifs français qui ne peuvent renoncer à cette part de leur âme. Mais sans oublier, lui aussi, de mentionner les victimes non juives, de confession musulmane et chrétienne, abattues par Merah.
La sécurité était sur les dents, l’école et le quartier transformés en camp retranché. Les drapeaux presque enlacés festonnaient le gymnase, les prières de deuil alternaient avec les chants d’avenir, l’hébreu avec le français, les vieillards avec les adolescents, les rabbins orthodoxes avec les laïques, la Marseillaise avec la Hatikva, l’Espoir, l’hymne national israélien. Les deux entonnées d’une même voix. On voguait sur les eaux mêlées.
Ce déplacement spectaculaire réactivait toutes les symboliques. D’abord l’unité de la nation, puisque « la sécurité des juifs, scandait François Hollande, n’est pas l’affaire des juifs mais celle des Français dans leur ensemble ». Ensuite, la reconnaissance d’une double fidélité au coeur des minoritaires : « adhésion totale, sincère et loyale à la France » comme l’a rappelé le grand rabbin Gilles Bernheim en récitant la très ancienne prière juive pour la République, psalmodiée chaque samedi matin dans les synagogues. Mais parallèlement à une empathie existentielle avec l’Etat hébreu, il faut redire ici avec force que cette empathie n’est pas politique, bien que Benyamin Netanyahu ait probablement voulu aussi, à travers ce voyage toulousain, marquer un point en Israël à moins de trois mois des élections législatives du 22 janvier 2013.
Nos lecteurs savent tout le mal que Marianne pense de sa nouvelle alliance avec l’extrême-droite d’Avigdor Lieberman, si peu conforme aux valeurs morales juives et à la défense de l’altérité. Malgré ce contexte, François Hollande, la veille du déplacement à Toulouse, a cependant réussi à pousser le premier ministre israélien vers la reprise du dialogue avec Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, sous les auspices de la France. Un début de victoire diplomatique élyséenne sur le front moyen-oriental ? Le courant est passé entre les deux hommes. « On sait maintenant qu’Hollande est un ami d’Israël » résumait un diplomate israélien à Toulouse. Netanyahu ne lui a-t-il pas dédié, dans son discours, un étonnant « mon ami François Hollande » ?
Mais, de toute façon, rien ne serait plus faux que d’associer les juifs de Toulouse, et par extension tous les juifs de France, aux calculs tacticiens du leader du Likoud. Le 1er novembre, ils saluaient simplement en lui l’actuel chef de cet Israël dont Martin Buber, philosophe sioniste de gauche, écrivait naguère que sa mémoire ancienne et sa création contemporaine constituaient « le triomphe de la nostalgie ».
C’est ce qu’a saisi, avec un certain courage, François Hollande. À ceux qui lui tiendront grief de s’être déplacé aux côtés d’un leader contesté, premier ministre d’un pays par ailleurs atrocement démonisé, le président de la République a répondu par avance.
« Vous représentez un pays créé au lendemain de la Shoa pour servir de refuge aux juifs, a-t-il dit à Benyamin Netanyahu. C’est pourquoi, chaque fois qu’un juif est pris pour cible parce que juif, Israël est concerné. C’est le sens de votre présence. Je la comprends, je la salue. Et je veux rappeler devant vous la détermination de la République française à combattre l’antisémitisme. Il sera pourfendu dans toutes ses manifestations, les mots comme les actes. Il sera pourchassé partout, y compris derrière toutes les causes qui lui servent de prétexte ou de masques, poursuivi par tous les moyens partout où il se diffuse, en particulier sur les réseaux sociaux qui accordent l’anonymat à la haine ».
Dans l’assistance, on pense que ce ne sont pas seulement des paroles. « Des paroles, murmure un cadre communautaire, il y en a eu beaucoup du temps de Sarkozy...et puis... » On sait qu’un imam qui haïssait les juifs comme les femmes vient d’être expulsé. Que le démantèlement des réseaux salafisto-djihadistes est une priorité de Manuel Valls. Des adjectifs circulent dans la foule : « rassurés », « réconfortés »,
« un peu guéris ».
La priorité, ici, ne semble en rien être un départ vers Israël, comme le suggérait la veille Benyamin Netanyahu, fidèle en cela à la position d’un leader sioniste. « Il aurait mieux fait de réserver sa phrase à une réunion privée... » confie un membre du CRIF.
Au contraire, la patrie est tricolore, à l’image du drapeau que les enfants ont accroché à la même hampe que le drapeau juif bleu et blanc. « Là-bas », c’est autre chose : l’Israël mythique, rêvé dans l’illusion ou, plus silencieusement, dans la désillusion de sa réalité difficile, âpre, conflictuelle. Pays hanté et cerné par la guerre : Netanyahu confiait le matin même à quelques journalistes sa détermination à attaquer l’Iran ! Hollande s’est échiné à l’en dissuader...Pays de vacances, pourtant, totalement paradoxales où la minorité s’essaie, pour souffler un peu, à se sentir majorité. Et d’où elle revient. Quitte à affronter les nouvelles figures de l’antisémitisme. « Qu’attend-on de moi ? interroge Eva Sanders, mère de Gabriel, 3 ans, et d’Arié, 6 ans, tués avec son mari Jonathan par Mohamed Merah, sûrement pas de vivre comme une victime mais de faire comprendre que la recherche d’un idéal ne passe pas par le désir de détruire l’autre. Un peu de lumière, disent les maitres du Talmud, chasse beaucoup d’obscurité... »
Sur cette toile de fond tragique, Benyamin Netanyahu n’a pas manqué de rappeler que « les juifs ont désormais les moyens de se défendre contre ceux qui veulent les rayer de la carte ». « Nous n’allons pas nous briser, a martelé le premier ministre israélien sous des applaudissements vibrants, je suis venu ici de Jérusalem, la capitale éternelle d’Israël, pour dire trois mots clairs : Am Israël Haï ! Le peuple d’Israël vivra ! »
Un chant repris par toute l’assistance et sur lesquel s’est achevé le saisissant rendez-vous de Toulouse entre Israël, les juifs et la République.
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