ENTREJCALL
ETISRAËL
LECOUTE
Source : marianne2.fr en ligne
le 15 mai
JCall fait bouger
les lignes en Israël
Comme chaque semaine, Marianne laisse carte blanche à deux invités. Cette semaine, il s'agit de Zeev Sternhell, l’historien israélien et professeur émérite à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il analyse les retombées de l’initiative de paix JCall, lancée le 3 mai dernier.
Marianne :
Deux semaines après son lancement officiel à Bruxelles, quelle réaction l’« appel à la raison » de JCall suscite-t-il en Israël ?
Zeev Sternhell :
Une attention encore modérée, mais très prometteuse. Sans pour autant redonner immédiatement de l’oxygène aux intellectuels israéliens, JCall conforte tous ceux qui, comme moi, militent en faveur d’une solution de compromis. En Israël, le « peuple de gauche » est loin d’avoir disparu. D’un strict point de vue numérique, il a même grandi. Simplement, jusqu’à ce jour, le camp de la paix a manqué d’une direction, d’un « leadership ». Mais ne perdez pas de vue deux choses : d’abord, l’époque est révolue où les peaceniks en contact avec l’OLP étaient passibles de poursuites judiciaires ; ensuite, une grande partie des Israéliens est désormais acquise à une paix de compromis avec les Palestiniens.
Pourquoi, dans ce cas, l’accord avec les Palestiniens est-il sans cesse ajourné ? Parce que le poids symbolique des colons s’est accru ?
Z.S. :
Beaucoup d’Israéliens qui demandent une paix de compromis restent, en effet, convaincus que leur pays n’est pas encore décidé à payer cette paix d’un affrontement avec les colons. Un tel bras de fer entraînerait un risque élevé de guerre civile.
Que faire, alors ? En quoi JCall peut-il faire céder les extrémistes des deux parties ?
Z.S. :
Depuis plusieurs années, je suis convaincu que les négociations de paix peuvent traîner jusqu’à la fin des jours, en l’absence d’une intervention extérieure, disons américano-européenne. JCall peut nous fournir le troisième élément constitutif de cette pression extérieure. Seule une implication des Américains et des Européens est à même de nous contraindre les uns et les autres à accepter une solution qui, par essence, ne peut combler personne. Parallèlement, JCall peut être un catalyseur des renoncements nécessaires : pour nous, le renoncement à légitimer et à légaliser la colonisation d’après 1967, à l’est de la ligne verte ; pour les Palestiniens, le renoncement à exercer leur droit au retour. En outre, JCall a le mérite de montrer que les juifs de la Diaspora – et notamment les juifs européens – ne s’alignent pas tous sur les positions du Crif, équivalentes à celles de la droite du Likoud.
JCall change-t-il déjà la donne idéologique en Israël ?
Z.S. :
Certes, la plupart des journaux – à l’exception d’Haaretz – n’ont pas relayé significativement JCall, car ils répugnent à s’écarter du consensus officiel. Et, jusqu’ici, les juifs qui pensent comme moi ont eu tendance ces dernières années, à ne plus s’exprimer, par crainte de faire le jeu des antisionistes. Mais les lignes commencent sans doute à bouger, discrètement. Ainsi, mon ami l’écrivain israélien A.B. Yehoshua a lancé un manifeste de soutien à JCall, signé par des intellectuels aussi différents que Yirmiyahou Yovel, Menahem Brinker ou Avishai Margalit. Nous sommes unis par une commune inquiétude pour l’avenir de notre pays. Nous espérons conduire le gouvernement israélien actuel à engager des négociations sérieuses avec les Palestiniens et inciter les Européens à se mêler sérieusement de ce qui se passe ici. C’est vital et déterminant.
Propos recueillis par Alexis Lacroix
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