SENEGAL
ELECTIONS
PRESIDENTIELLES2012
SECONDTOUR
A60MINUTES
DELAFINDELACAMPAGNE
ANALYSE
DE PAPE FODE DRAME
JURISTE EN DROIT PRIVE
MEMBRE DU MOUVEMENT YENAMARRE
A PARIS
La Troisième République du Sénégal,
c’est déjà demain !
Jamais le Sénégal ne s’est trouvé si près du gouffre avec une crise multidimensionnelle qui secoue le pays. Cette crise est ponctuée par des coupures lassantes d’électricité, d’une flambée vertigineuse des prix, des scandales financiers grossiers, des cas de corruption récurrente au sommet de l’Etat, bref d’une injustice sociale sans précédent dans une atmosphère délétère. L’élection présidentielle par le truchement de la campagne électorale devrait être un rendez-vous pour les candidats de parler de leurs programmes ainsi de décliner les sorties de crises. Le débat ayant été parasité par l’inconstitutionnalité de la candidature du président sortant, les sénégalais fatigués de leur condition d’existence, attendaient des solutions concrètes tant sur le plan conjoncturel que structurel. Mais malheureusement pour nous, il faut revoir les fondamentaux de notre république pour en fixer les règles du jeu démocratique et patriotique.
Constitution, Etat de droit et République.
On s’accorde tous généralement à estimer que l’adoption d’une nouvelle constitution entraine inéluctablement la naissance d’une nouvelle République. La constitution en tant que norme suprême organise les attributs dévolus à chacun des trois grands pouvoirs (à titre de rappel: le pouvoir exécutif (président + gouvernement), le pouvoir législatif (Assemblée nationale + Sénat) et le pouvoir judiciaire (les juges). La constitution d’un autre coté érige des principes démocratiques qui peuvent fonder une société démocratique et nous pensons à toutes ces libertés publiques (liberté d’expression, de réunion, de manifestation… ).
Le Sénégal, il faut le reconnaitre, n’a jamais été un bon élève en matière de respect de la sacralité de la charte fondamentale. La constitution du Sénégal de l’Indépendance à nos jours, a toujours été considérée comme « une fille de mœurs légères » avec des viols à répétition. Elle a toujours servi à l’appareil d’Etat de pouvoir contourner la volonté populaire ce qui n’est pas sans conséquence et les évènements du 23 juin en sont la preuve parfaite. Si nous voulons fonder une République solide et démocratique, il faudrait parvenir à élever la constitution au rang de texte sacré et lui garantir une protection pour qu’elle puisse se défendre en cas de tripatouillages. Cette République à construire doit reposer sur un équilibre des pouvoirs et une indépendance effective et sans faille de la justice. En somme, la constitution ne doit plus etre tripatouillée, ce qui garantit un état de droit dans une République solide.
Justice, libertés publiques et démocratie
La justice est un pilier de la démocratie en ce sens elle doit être le dernier rempart pour faire triompher la vérité. Donc la justice doit s’affranchir de tout pouvoir exerçant son autorité fut-il même le pouvoir exécutif. La séparation des pouvoirs est un attribut, une garantie essentielle dans toute société démocratique, puisqu’elle doit même servir de contrepoids. A ce titre on dit trivialement que le pouvoir arrête le pouvoir. Le conseil constitutionnel sénégalais s’est montré partial en décidant de valider la candidature du président sortant (qui d’ailleurs les a tous nommés) en décidant que le Président de la République pouvait tout naturellement se représenter pour un troisième mandat prenant ainsi à contrepied toute la doctrine constitutionnelle majoritaire mais aussi de la valeur de la parole donnée par celui qui est le gardien de cette constitution. Il faut pour cette nouvelle République modifier le mode de nomination en cassant l’exclusivité qu’avait le président à nommer à lui seul tous les membres du conseil, ce qui pourrait les rendre beaucoup plus impartiaux et indépendants.
La justice de l’ordre judiciaire n’est pas en reste. On a constaté une suprématie du parquet et une ingérence du politique dans le judiciaire ce qui a bien des égards est préjudiciable au citoyen.
La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs. Ces libertés et droits sont notamment : les libertés civiles et politiques : liberté d’opinion, d’expression, de la presse, d’association, de réunion, de déplacement, de manifestation. Ces libertés bien que garanties par la constitution ont été fréquemment mises en mal. , voire privées d’effet. La privation de liberté devant être l’exception est devenue progressivement le principe.
La DIC (division des investigations criminelles) presque inconnue avant 2000, a été savamment instrumentalisée afin de devenir une sorte de police politique. Le fondement juridique de ces multiples arrestations dans les dix dernières années est l’article 80 du code de procédure pénale. Ce dernier ci faisant office de « fourre-tout » et extrêmement répressif, circonscrit dans son champ d’application la « diffusion de fausses nouvelles » et de « diffusion de nouvelles tendant à causer des troubles politiques graves. Dès lors beaucoup de journalistes libres et d’opposants se sont retrouvés à la DIC du seul fait de l’usage de leur liberté d’expression. Il faut remédier à cet arbitraire et rompre avec cet article 80 du code pénal sénégalais en l’abrogeant et rendre la liberté d’expression et celle d’opinion plus effectives. Il est aussi à déplorer aussi les ingérences répétitives de l’exécutif dans des procédures judiciaires, l’impunité est érigée en bouclier dès lors qu’un membre du parti au pouvoir est mis en cause (toutes les personnes incriminées par l’IGE, la Cour des Comptes, les rapports d’Audit, les rapports du CENTIF ne sont pas traduites en justice).Ces manœuvres répétées en direction de l’institution judiciaire ont fini par ébranler notre état de droit et par ricochet de ternir l’image de notre démocratie.
Il est nécessaire que le parquet soit détaché de la tutelle du Ministère de la Justice et que dans la procédure judiciaire que les fonctions de poursuite, d’enquête, de privations de libertés et de jugement soient exercées par des juges ou autorités différents suivant la procédure. Il ne faudrait pas que le juge chargé de l’instruction soit un « appendice » du parquet. La garde à vue devrait être une exception en tant que privation de liberté, ce qui pourrait protéger les citoyens contre les arrestations arbitraires .A cet égard la mesure de la garde à vue doit répondre à des conditions de dignité humaine tout en préservant la présomption d’innocence. Dans toute République qui se respecte, il y a un besoin constant de recherche d’équilibre entre la protection des libertés individuelles et l’efficacité de la répression par la loi au nom de la société.
Le Sénégal : un état de droit ?
Le Sénégal est un pays dont la démocratie est en trompe l’œil et l’état de droit est constamment mis à mal. L’Etat de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit .Un tel système suppose, par ailleurs, l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes. L’Etat est lui-même considéré comme une personne morale : ses décisions sont ainsi soumises au respect du principe de la légalité, à l’instar des autres personnes juridiques. Ce principe permet d’encadrer l’action de la puissance publique en la soumettant au principe de la légalité, qui suppose au premier chef le respect des principes constitutionnels.
Lors de la campagne présidentielle du premier tour, la liberté de manifester, la liberté d’expression ont été violées par un simple arrêté ministériel de rang inferieur en terme de normativité. Il faut dans une optique très large doter aux citoyens de voies recours afin de sanctionner les atteintes aux libertés constitutionnelles causées par l’exécutif. A ce titre le juge constitutionnel tantôt qualifié de « juge de l’incompétence » devra remplir toute sa mission juridictionnelle en procédant au contrôle de constitutionnalité des lois dès lors qu’il en est saisi. Les juridictions hiérarchiquement inferieures aussi doivent opérer aussi à un tel contrôle dès lors que la méconnaissance des dispositions constitutionnelles ou des libertés consacrées ont été méconnues ou sont menacées.
Rationalisation de la dépense publique
Rationnaliser la dépense publique soulève la question de la transparence dans la commande publique et dans les montages financiers. Si on arrive à décourager les pratiques maffieuses (surfacturation) qui soustrayaient, à travers des montages illégaux, des sommes importantes nous arriverons à une gestion transparente de l’argent emprunté au nom du contribuable sénégalais. Pour cela ,il faut opérer une dose d’orthodoxie dans le suivi et l’évaluation des faits générateurs de recettes.
Le choix des infrastructures et le cout de ceux-ci ont jetés un doute sérieux sur les priorités du régime, certains n’ont pas manqué de qualifier d’ « éléphants blancs » comme le monument de la renaissance avec une dation en paiement sans précèdent. En l’espèce, l’état du Sénégal, commanditaire de la statue de bronze, n’a contracté aucune ‘‘dette’’ auprès de l’acquéreur sénégalais des terrains, encore moins à l’endroit des fournisseurs coréens qui ont construit le monument. La dette suit la dépense et ne peut la précéder. Tout ceci laisse apparaitre des dépenses extrabudgétaires adossées à des montages douteux au détriment et au frais du contribuable.
Il faut apporter beaucoup plus de rigueur budgétaire dans les comptes publiques en les assainissant, les contrôlant à priori et à posteriori (réédition des comptes). Les dépenses quant à elles doivent être évaluées et pour ne serait-ce pour un franc d’argent public dépensé que l’on puisse examiner si cet argent sera dépensé de manière efficiente et efficace. A ce titre la Cour des comptes doit remplir un rôle juridictionnel de censure, de contrôle et de condamnation pour tout gestionnaire en délicatesse avec ces desdits comptes. Cela soulève encore la lancinante question de l’indépendance de la justice .
Il n’est plus possible d’avoir un Etat (exécutif et agences budgétivores gravitant autour) avec un train de vie de luxe dans un pays pauvre comme le nôtre. La crise énergétique elle aussi n’a pas été réglée et malgré les énormes investissements, les perturbations dans la fourniture d’électricité continuent de compromettre le développement économique.
Le Plan Takkal lancé en grandes pompes a pour objectif de restructurer le secteur de l’électricité.Il va vouter 650 milliards de francs CFA, ce qui culmine le montant total injectés dans des investissements depuis 2000 à 1000 milliards. De l’argent du contribuable mal distribué, géré dans des conditions opaques, additionné à un manque de volonté et de culture pour trouver une solution durable et viable à la crise énergétique. Ainsi nous en est-il du pilotage à vue consternant que nous assistons depuis 12 ans avec un échec tant sur le choix des hommes que sur le plan de la stratégie.
Nouveau type de citoyenneté
et alternance générationnelle
Le régime libéral n’est pas la cause de tous les maux du Sénégal même s’ils ont participé à transformer des contre valeurs en valeurs. Aujourd’hui le mérite, la compétence, la probité sont relégués au second plan. Toutefois si nous examinons plus en profondeur la société, on se rend compte que le Sénégal est malade . Le Nouveau type de citoyenneté, en marche depuis le mois de janvier 2011, place le citoyen comme acteur de la vie politique. « Avec un volontariat patriotique, des jeunes se sont levés pour rompre avec le fatalisme et s’offrir en exemple face à la crise sociale et au viol programmé de la constitution ».
Le mouvement « Y en a marre » a été un des acteurs majeurs de la contestation sociale, de la lutte contre l’injustice, la mal-gouvernance, et de la corruption. Aussi le mouvement participe à toutes fins utiles à la conscientisation des masses sur l’exercice de leurs droits et contraindre les dirigeants à les respecter. Mais l’innovation vient dans l’élaboration du NTS : le nouveau type sénégalais: «Un type qui n’arrive pas en retard à ses rendez-vous, qui n’urine pas dans la rue, qui se prend en main et est acteur de sa propre vie». Par parallélisme, le NTP nouveau type de président, doit aussi amorcer la rupture, en étant plus un chef d’état mais plutôt un serviteur de son peuple et par conséquent doit transcender les logiques de partis .En somme cette nouvelle citoyenneté à laquelle on aspire met en avant la volonté populaire et plus que jamais les préoccupations des populations seront au centre du débat politique et au cœur de la contestation sociale. Il faudra dans ce sens, se battre pour instaurer un referendum d’initiative populaire c’est-à-dire organisé à l’initiative d’une fraction du corps électoral et amener le peuple à se prononcer sur l’abrogation d’une loi, ou bien en matière constitutionnelle (ce qui pourrait nous éviter d’avoir des morts qui se sont opposés au « coup d’état constitutionnel » orchestré par le conseil).
Mais il ne faut pas nous voiler la face, cette nouvelle citoyenneté doit être en phase avec une alternance générationnelle. Ces ruptures en terme de changement radical de mentalités, de comportements doivent intervenir en politique avec un renouvellement du personnel politique qui plus que jamais sont dépassés par les réalités de notre époque tant sur le plan des idées que sur la pratique politique. La politique mérite d’être assainie et ne doit se réduire à des coups bas, des diversions (quel qu’en soit le mérite), des dédits, des trahisons, un moyen pour s’enrichir. Pour ces raisons nous devons nous battre pour qu’il y ait une alternance générationnelle dans les partis politiques, et suivront logiquement les administrations et entreprises. Voici ce que peuvent etre les nouveaux défis de la génération « galère » pour ne pas dire la génération « Yen a marre » !
Aujourd’hui un vent de changement souffle en direction du Sénégal et inéluctablement il va connaitre une alternance dans un contexte très particulier, aujourd’hui aucun sénégalais ne se reconnait dans le contrat social. Notre démocratie a besoin de se raffermir et la volonté générale ô combien nécessaire ne mérite pas d’être confisquée dès lors qu’un nouveau président est élu et installé au palais présidentiel. Notre démocratie doit se nourrir au jour le jour en installant des contre-pouvoirs, la justice indépendante doit être au chevet de la société et l’assemblée nationale doit jouer tout son rôle de censeur du gouvernement et non précédemment se résumant en une chambre d’enregistrement. Le peuple doit aussi se constituer de fait en un « observatoire national de respect des engagements électoraux » pour contraindre les dirigeants à les respecter. Oui il faut vaincre la fatalité, et une nouvelle société est possible dans cette nouvelle République qui aura tiré toutes les expériences de la précédente, et oui ce changement est urgent et c’est déjà demain la République !
Pape Fodé DRAME
Juriste en droit privé
Membre du mouvement Yenamarre (Paris)
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