APRESCELINE,
BRASILLACH
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ALAFRANCEANTISEMITE
Source : marianne2.fr en ligne
le 22 janvier
Philippe Bilger revisite
le procès Brasillach
Philippe Cohen
Marianne
Notre ami Philippe Bilger, blogueur associé à Marianne2.fr publie un livre très personnel sur le procès Brasillach de janvier 1945 qui vit l'écrivain condamné à mort après une audience plutôt expéditive.
Les jurés populaires : derrière la démagogie, une mauvaise idée Les débats sur les épurations, l'une sauvage, l'autre légale et la gestion erratique de la mémoire de l’occupation, tour à tour « résistancialiste », comme si les Français avaient tous résisté, et robespierriste, « le stupide mantra médiatique des « heures les plus sombre de notre histoire » s’imposant dans le commentaire médiatique, tout ceci donne un caractère délicat au retour sur la Libération.
Après Dominique Jamet, journaliste, qui a raconté l’histoire de son père ( Un petit Parisien 1941-1945, Flammarion, 2000), et quelques autres, voilà notre ami Philippe Bilger, blogueur associé de Marianne2 qui se lance dans cette aventure intellectuelle personnelle : revenir sur l'occupation et la Libération quand celles-ci ont marqué l'existence de sa famille. Avouant avoir été longtemps taraudé par les malheurs de son père, condamné à la Libération pour intelligence avec l’ennemi à dix ans de prison, Bilger a choisi, en quelque sorte, la « tangeante » Brasillach pour se « libérer ». Une approche aussi courageuse que périlleuse qu’il résume au début du livre : « Mon père et son sort, peut-être à cause de l’inévitable subjectivité qu’ils impliquent de ma part, pouvaient me faire craindre en permanence un soupçon de partialité, d’insuffisante lucidité pèse sur moi dans mon appréhension de Brasillach. J’ai hésité longtemps puis j’ai décidé de rompre les amarres qui me rattachaient à un passé me bouchant la vue et m’empêchant d’aller au bout de mes désirs. »
Ayant eu à subir le même chef d’accusation d’intelligence avec l’ennemi en 1945, Robert Brasillach a été condamné à mort et exécuté après un procès dont l’audience n’a pas dépassé six heures et le délibéré vingt minutes. Cette justice « expéditive » peut, aujourd'hui, choquer les âmes sensibles. Mais, procureur de son état, Bilger s’appuie sur sa légitimité professionnelle pour revisiter le procès Brasillach. Le procès de l’écrivain a-t-il ou non quelque chose à voir avec la façon dont on rend la justice aujourd’hui ? La méthode judiciaire d’alors respectait-elle les principes de fonctionnement de l’institution ? Comment pouvait-elle se montrer équitable, étant pratiquée par des magistrats qui ont dû travailler sous la direction chefs de la résistance dès 1945 après avoir, des années durant, collaboré avec les forces d’occupation ?
La démarche de Bilger le conduit ainsi, au fil des pages, à énumérer tous les arguments qui auraient dû conduire à épargner l’écrivain. Le procureur au quotidien se métamorphose ainsi en un avocat au passé conditionnel. Premier argument de cette plaidoirie imaginaire, l’écrivain ne s’est jamais rendu responsable d’un acte de répression ou d’action concrète contre les résistants. On le juge donc pour ses paroles et ses écrits et non pour ses actes et Bilger souligne la pauvreté d’un réquisitoire qu'il estime fondé sur quelques articles de presse.
Deuxième élément qui jouerait en faveur de l’accusé, il n’a pas attendu l’occupation pour prôner la collaboration. Brasillach croit que l’Allemagne est le salut de la France depuis les années 1930. Cette conviction ne l’empêche pas d’ailleurs, souligne Bilger, de s’élever contre toute violence exercée à l’égard des Juifs français, après avoir, et Bilger le décrit dans le détail, nourri ses écrits d'un antisémitisme obsessionnel.
Le troisième argument, ignoré par ses juges, a été, selon Bilger, l’élégance d’un prévenu qui n’a jamais tremblé devant l’évidence d’un funeste destin que le procès annonçait. Après s’être rendu à la police pour faire libérer sa mère – la police de la Libération ne négligeant pas, à l’époque, de recourir ce qui apparaît, avec nos yeux d’aujourd’hui, comme une sorte de prise d’otage - Brasillach a vécu son procès en surplomb. Il aurait en quelque sorte facilité le travail et contribué à soulager la conscience de ses contempteurs. Vrai en partie seulement : si Brasillach ne s'est pas montré coopératif, il n'a pas récusé le procès comme Barbie l'a fait plus tard par exemple.
Le procès Brasillach se retourne alors en procès de ceux qui ont applaudi cette justice sommaire. Quelques intellectuels de gauche, tels Simone de Beauvoir ou Jean-Paul Sartre qui, à l’opposé d’Albert Camus et de François Mauriac, applaudirent la condamnation au nom de leurs amis morts en résistants. Et surtout le Général de Gaulle qui, après avoir écouté sans broncher la demande de grâce de Jacques Isorni, l’avocat de Robert Brasillach, confirma, selon Bilger, une exécution qu’exigeait le Parti communiste son allié d’alors. Là encore, l'analyse se discute, comme le reconnait d'ailleurs l'auteur : c'est justement parce que De Gaulle estimait l'écrivain Brasillach et le considérait comme un membre de l'élite qu'il jugeait son comportement digne de l'exécution.
Au passage, le procureur redonne de la matière, dans cette expertise judiciaire, à son questionnement sur l’institution, familier pour les lecteurs de son blog Justice au singulier. Bien mené, le livre se lit d’une traite. Il provoquera, c’est évident un indiscutable malaise et pas à cause du passé familial de l’auteur. En relisant avec des lunettes juridiques contemporaines, un procès de la Libération, Philippe Bilger frôle l’anachronisme à toutes les pages. La justice en temps de guerre – et il paraissait difficile de passer sans transition de la guerre à la paix après le départ des Allemands – n’obéit évidemment pas à la même logique que celle exercée en temps de paix. La politique y réside de plein pied : il ne s’agit pas de rendre justice aux accusés mais surtout de juger au nom de ceux qui ne peuvent plus porter plainte car ils sont morts sous les coups de l’ennemi. Bien entendu, on peut aujourd'hui se montrer choqué en considérant que Brasillach aurait été fusillé, en quelque sorte,n pour « un délit d’opinion ». Mais avec les yeux d’alors, porter la parole de l’occupant, glorifier sa barbarie, afficher son amour d’une Allemagne si peu humaine, tout cela transforme le discours en acte ou du moins autorise à le considérer comme un acte de guerre qui n’inspire guère la compassion. Bien sûr, Brasillach ne serait pas aujourd’hui condamné à mort, d'abord parce que la peine de mort a été abolie. Mais la logique de l’épuration légale - bien moins meurtrière que l'épuration sauvage - n’obéissait-elle pas à des motivation de justice et de réparation après des années de barbarie et d'horreur ?
20 minute pour la mort, Robert Brasillach, le procès expédié, par Philippe Bilger ; éditions du Rocher, 17,90€.
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