LEDEBATSUR
LIDENTITENATIONALE
ENPLEINEEFFERVESCENCE
Source : ladepeche.fr en ligne le 9 décembre


L'EDITO
de Jean-Claude Souléry


Hors sujet
Éditorial


Les Français parlent aux Français. Ils parlent même à tort et à travers, si on en juge par la somme d'imprudences que nous vaut ce débat sur l'identité nationale. Si bien qu'à travers une tribune publiée par « Le Monde », le président de la République voudrait corriger ces navrants excès qu'avait entraînés la méthode très maladroite du ministre Besson. En foi de quoi, Nicolas Sarkozy avance un bon gros paquet de banalités sur le « vivre ensemble », le « métissage », la tolérance et le respect - toutes choses qui vont de soi et qui, avouons-le, ne soulèveraient guère de débat fratricide, s'il n'y avait, dans les écrits présidentiels, un préambule pervers : l'évocation de la religion et de l'immigration comme points de départ de sa réflexion sur l'identité française. Totalement hors sujet.

Et d'abord, cette référence initiale au peuple suisse qui a voté contre l'érection de minarets! Sans vexer l'Helvète ni le Président, la Suisse n'a rien à voir avec la France, ni par son histoire, par sa culture ou par son identité présente. Il y a, chez nos voisins, quatre mosquées, pas une de plus. Et à vouloir comparer notre débat au leur, nous tombons, patatras! au ras des minarets.

Surprenante tout autant, cette belle envolée présidentielle aux « chrétien, juif ou musulman, homme de foi, quelle que soit sa foi, croyant, quelle que soit sa croyance » pour que chacun « se garde de toute ostentation et de toute provocation », comme s'il lui fallait ignorer - et d'ostentatoire façon! - les citoyens qui ne croient en rien, les athées convaincus, les penseurs libres ou les agnostiques qui, depuis quelques années Lumières, ont, eux aussi et - pensons-nous - plus que d'autres, façonné l'identité française dans toute sa tolérance, sa laïcité et son système éducatif.

Pervers, le raisonnement qui lie intimement la religion à l'identité nationale. Si la part chrétienne de la France a laissé d'innombrables traces dans l'histoire et la culture de notre pays - la beauté des flèches de Chartres ! -, peut-on en faire la référence unique de notre réflexion identitaire ? C'est ici que les écrits de Nicolas Sarkozy - terriblement réducteurs - nous semblent tout droit sortis du petit bout de la cornette. Et passablement électoralistes.

Est-ce faute de place que, dans cet article, le Président ignore la fraternité, le progrès social, la notion de service public qui fut d'ailleurs initiée par les rois, ou encore l'infatigable besogne de nos instituteurs qui, tous, participèrent au façonnage de la France ? En rester à la religion ressort du domaine privé et de l'identité individuelle. Rien à voir avec l'identité d'une nation toujours laïque.