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Source : rue89.com en ligne le 1er mars
Les clés du nouveau Proche-Orient
entre les mains d'Obama
Par Pierre Haski
Avec des acteurs locaux aussi antagonistes, seuls les Etats-Unis peuvent débloquer la situation.
Explications.
La diplomatie a parfois des logiques que la logique a du mal à suivre... Ce lundi, se tient en Egypte une conférence internationale -ça doit être important puisque Nicolas Sarkozy s'y rend- consacrée à la reconstruction de la bande de Gaza. N'aurait-il pas été préférable de réunir d'abord une conférence internationale destinée à empêcher que Gaza soit de nouveau détruite?
Certes, il faut assurément aider les Gazaouites à se relever, après les dégâts considérables causés par l'opération israélienne Plomb durci au début de l'année: entre 600 millions de dollars selon le FMI et 1,9 milliard selon l'Autorité palestinienne. L'Union européenne a déjà promis 554 millions de dollars, les Etats-Unis 900 millions.
Mais cette conférence n'aurait de sens que si, parallèlement, on réunissait aussi la planète au chevet de la paix et pas seulement pour faire des chèques sans se poser la question de savoir pourquoi il y a eu ces destructions.
D'autant que le non-dit absolu de cette conférence est que les chèques sont établis au nom de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui...ne contrôle pas Gaza, toujours sous la férule du Hamas, auquel la Communauté internationale ne parle pas (directement).
Tony Blair, le bien inutile émissaire du Quartet international pour le Proche-Orient, s'est ainsi rendu pour la première fois à Gaza ce weekend sans rencontrer les maîtres du territoire.
Mes questions sont évidemment faussement naïves: il est clair que le climat de la région ne porte pas à la négociation de paix. Même si, y compris au Proche-Orient, le pire n'est jamais sûr, et nul ne peut réellement prédire ce qui sortira de la nouvelle équation régionale qui est en train de se mettre en place.
La droite au pouvoir en Israël
Premier élément de la nouvelle donne: les élections israéliennes de février, et surtout les négociations qui ont été menées pour définir les contours de la coalition autour de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre désigné.
Le chef de file du Likoud n’a pas réussi à élargir sa base, et va finalement se retrouver à la tête du gouvernement le plus à droite qu’ait connu Israël en soixante ans d’existence.
Ni Tzipy Livny, leader des "centristes" de Kadima, pourtant arrivée en tête du scrutin, ni les travaillistes d’Ehud Barak, qui ont subi une défaite historique, n’ont accepté de siéger dans un gouvernement qui fait une large place à l’extrême-droite israélienne. Pour Tzipy Livny, citée par le quotidien Maariv:
"Netanyahou ne croit pas au processus de paix et est prisonnier des visions traditionnelles de la droite [hostile à un retrait de Cisjordanie]. Dans ces conditions, la meilleure option est de servir le peuple dans l’opposition."
Car le vrai vainqueur du scrutin, c’est bien Avigdor Lieberman, le dirigeant d’un parti, Israël Beiteinu ("Israël notre maison") qui a fait campagne sur le dos des Arabes israéliens dont il a mis en doute le statut au sein d’Israël, et sur l’idée que la guerre de Gaza n’était pas allée assez loin.
Et s'il accepte le principe de deux Etats, c'est en procédant à un charcutage territorial qui échangerait les zones arabes de Galilée contre les grandes colonies juives de Cisjordanie difficilement acceptable pour les Palestiniens.
Ce futur gouvernement de droite a déjà annoncé la couleur: la question palestinienne n’est pas sa priorité autrement que dans sa dimension économique, et il s’assoit sans complexes sur la "Feuille de route" élaborée en 2007 par le gouvernement sortant avec les Etats-Unis et l’Autorité palestinienne, qui n'avait, il est vrai, mené nulle part.
Benyamin Netanyahu met en avant la "menace de l'Iran" plutôt que la nécessité de trouver un accord avec les Palestiniens: ce sera le ciment de sa coalition avec l'extrême-droite et les religieux.
L'inconnue Obama
C’est à Washington que s’est produit l’autre changement majeur, avec, évidemment, l’installation à la Maison Blanche de Barack Obama, soucieux de rétablir l’image de l’Amérique dans le monde arabo-musulman.
Certes, sa priorité est de sauver l’économie américaine de la banqueroute, et de retirer ses troupes d’Irak, comme il vient de le confirmer de manière éclatante. Mais il n’a pas oublié le Proche Orient, en nommant George Mitchell comme émissaire spécial, qui en est déjà à sa deuxième visite dans la région.
Mitchell tranche avec la position américaine classique d’alignement systématique sur le gouvernement israélien, qu’incarne beaucoup plus, par exemple, la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Il est ainsi l'auteur d'un rapport sur le déclenchement de la deuxième Intifada, en 2000, dans lequel il préconisait le gel des colonies de Cisjordanie, y compris de leur "croissance naturelle", ce qui avait agacé en Israël.
Quelle sera la marge de manoeuvre de George Mitchell? Il est encore trop tôt pour le dire, même si le nouveau président américain semble bien conscient de l’impact positif qu’aurait un règlement au Proche-Orient sur l’ensemble des problèmes du monde. Cela peut-il aller jusqu'à un clash avec le gouvernement de Netanyahou, qui a visiblement un autre agenda?
Le Hamas incontournable
Troisième élément de la nouvelle donne: la position du Hamas, le mouvement islamiste palestinien, qui est sorti de la guerre de Gaza affaibli militairement, mais tout aussi fort sinon renforcé politiquement. Ce n'est pas le moindre paradoxe de cette guerre de janvier, dont les Israéliens sont les seuls à penser qu'elle a été un grand succès.
Dans une tribune publiée ce weekend dans Haaretz, Shaul Arieli, l'un des signataires de l'Intiative de paix israélo-palestinienne de Genève, va même jusqu'à écrire que "les Israéliens ont voté pour le Hamas", en mettant au pouvoir Beyamin Netahyahou et ses alliés de droite. Il estime qu'en l'absence de perspective de paix, le Fatah de Mahmoud Abbas ne survivra pas dans sa modération actuelle, et disparaîtra ou sera absorbé dans une alliance avec le Hamas.
Le Hamas est en effet incontournable, comme le montre le simple fait que, de nouveau, des discussions ont eu lieu ces derniers jours au Caire pour favoriser l'émergence d'un gouvernement d'union nationale entre Fatah et Hamas, et même pour négocier une entrée du Hamas au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), la maison commune des nationalistes palestiniens, dont il s'était tenu à l'écart depuis sa création en 1987.
Sur le terrain, les Islamistes ont effectué des purges à Gaza, soupçonnant les partisans du Fatah d'avoir prêté main forte aux Israéliens pendant leur offensive, et renforcent leur emprise par un subtil mélange de terreur et d'aide sociale qui leur a réussi jusqu'ici.
Comme le redoutent les pacifistes israéliens, ils seront les principaux bénéficiaires de l'absence de perspective de paix, faute d'avoir au moins tenté de les inclure dans une logique positive qui testerait leur supposé "pragmatisme".
L'absence de volonté politique
Tout se met donc en place pour cette nouvelle phase. Et avec des acteurs aussi éloignés que le futur gouvernement israélien ou le Hamas, le seul espoir d’avancer réside dans l’attitude qu’adopteront les Etats-Unis. Ils sont les seuls, en effet, à avoir la capacité de peser sur Israël et ses voisins, s’ils en ont la volonté politique.
Obama peut-il tordre le bras d’Israël ? C’est, au bout du compte, la véritable inconnue de cette équation.
Il y a quelques semaines, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, rapportait dans son tchat sur Rue89 une conversation qu’il avait eue avec Henry Kissinger, l’ancien grand architecte de la diplomatie américaine. Kissinger lui avait dit:
"Tout le monde sait comment résoudre le conflit du Proche-Orient, la seule chose qui manque, c’est la volonté politique."
Cette volonté politique existe-t-elle cette fois à Washington? Ce sera l’un des tests les plus difficiles pour Barack Obama, qui, pourtant ne manque pas d'obstacles.
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