LIRANDIVISEE
SURLAMAINTENDUE
DOBAMA
Les mollahs divisés sur un dialogue
avec Washington
Delphine Minoui
La «rue» de Téhéran a fêté à sa manière l'élection à la Maison-Blanche d'Obama. Pour les deux pays, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, les plaies du passé restent vives.
La main tendue par Barack Obama suscite un débat entre durs et modérés à l'approche de la présidentielle de juin.
Ses premiers pas sont suivis à la loupe. Certains, à Téhéran, ont même trouvé une explication à son nom. «En persan, O-ba-ma signifie Lui (qui est) avec nous», sourit Ahmad, un jeune chauffeur de taxi. Mais si la main tendue à l'Iran par le nouveau président américain anime les conversations, elle est loin de faire consensus au sein de la classe politique iranienne. «À Téhéran, comme à Washington, personne ne semble vouloir se précipiter. Il y a différents points de vue qui circulent. Les dirigeants iraniens avancent à tâtons», constate le politologue iranien Ahmad Bakhshayesh.
Les deux pays n'ont plus de relations diplomatiques depuis trente ans. D'un côté comme de l'autre, les plaies du passé restent vives. À Washington, personne ne veut oublier le traumatisme de la prise d'otage, en 1979, à l'ambassade américaine. À Téhéran, le souvenir du coup d'État américano-britannique contre l'ancien premier ministre Mohammad Mossadegh, en 1953, alimente le doute sur les «réelles intentions» des États-Unis.
À l'approche de la présidentielle du 12 juin prochain, la question du dialogue avec Washington alimente le débat dans la campagne électorale. Mohammad Khatami, candidat officiellement déclaré, n'hésite pas à épingler son rival, l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, en lui reprochant sa politique belliqueuse envers l'Occident. Les durs, eux, accusent, à l'inverse, l'entourage de l'ex-président réformateur de vouloir «vendre son âme» à l'Amérique. Un journal de droite est même allé jusqu'à promettre à Khatami «un destin à la Benazir Bhutto», en référence à l'ex-premier ministre pakistanaise, soutenue par les États-Unis et assassinée en 2007.
Le dernier mot à Khamenei
En fait, pour les voix modérées iraniennes, la perspective d'un rapprochement avec Washington permettrait de dissiper les malentendus entre les deux pays. Mais pour les plus conservateurs, négocier avec l'ennemi américain, c'est risquer l'effondrement de la République islamique. «Dans le fond, la vraie question, c'est de savoir si le régime iranien est prêt, oui ou non, à négocier», observe un diplomate occidental en poste à Téhéran. C'est en effet sur l'antiaméricanisme que Téhéran a bâti, depuis la prise du pouvoir par les religieux, en 1979, l'essentiel de sa rhétorique et de son pouvoir. Une sorte de «raison d'être», qu'il est difficile d'abandonner. «En perdant son ennemi, l'Iran craint de voir son système s'écrouler, comme sous Gorbatchev, en ex-URSS», souligne le diplomate. Certains observateurs voient même dans l'arrestation récente, à Téhéran, de la journaliste irano-américaine Roxana Saberi la volonté délibérée des plus ultras du régime de saper toute chance de rapprochement.
De toute évidence, «l'effet Obama» secoue Téhéran. Mais sur cette affaire, comme sur toutes les décisions stratégiques du pays, c'est le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot. Fidèle à sa réserve habituelle, il attend, il observe. Mercredi, il s'est contenté d'interpeller indirectement le président américain, à l'occasion d'une conférence de soutien à la Palestine, l'accusant de suivre la même mauvaise voie que son prédécesseur George W. Bush en apportant un soutien «inconditionnel» à Israël.
En revanche, pas un mot sur les tentatives d'approche de Washington. «Un tête-à-tête Khamenei-Obama est bien évidemment inenvisageable. Mais il est fort probable que le leader décide de tendre certaines perches, via des intermédiaires, sur différents sujets», prédit un analyste iranien.
Quel émissaire ?
Pour cet expert, l'actuelle mise à l'écart apparente des proches d'Ahmadinejad dans les dossiers les plus épineux (comme le nucléaire et les relations avec l'Amérique) serait le «signe» d'une volonté de ne pas fermer aveuglément la porte d'un possible dialogue. Ainsi, la présence, début février, à la conférence internationale sur la sécurité à Munich, de l'actuel chef du Parlement iranien Ali Larijani, un politicien pragmatique, à la place du très conservateur Saïd Jalili, son remplaçant au poste stratégique de négociateur sur le dossier nucléaire, mérite, selon lui, une attention particulière. «Ali Larijani fait partie de ceux qui, au moment opportun, pourraient jouer le rôle d'émissaire dans d'éventuelles discussions avec l'Amérique», anticipe-t-il.
L'ex-président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani ne serait-il pas, lui aussi, en train de se préparer à la même perspective ? Pour l'analyste iranien Meir Javedanfar, la récente visite à Bagdad de cet homme clef du régime iranien n'est pas anodine. Rafsandjani, rappelle-t-il, est un des meilleurs spécialistes des relations irano-américaines, qui a joué un rôle dans l'affaire Iran-Contra et dans la libération des otages américains.
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