"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

samedi, février 21, 2009

CULTURE
JUIVE
Source : lefigaro.fr en ligne le 19 février


Milner et le nom juif


Yann Moix



Être Juif n'est pas qu'une simple question de naissance. En réalité, être juif, c'est continuer à se faire naître toute sa vie. Par l'étude de la Torah. Un Juif est quelqu'un dont la naissance ne s'achève jamais. Le judaïsme sait qu'il faudrait mille vies d'hommes pour faire un homme. Le messianisme est là pour ça, réservoir d'éternité que l'humanité réclame, sans savoir (sans pouvoir ?) l'obtenir.

Quand on dit «Juif », on sous-entend la tautologie « Juif de Dieu ». Car de même qu'on n'est jamais juif sans Dieu, on n'est jamais Dieu sans Juif. Dieu, c'est l'absolu. Il est toujours plus grand que lui-même. Il est systématiquement supérieur à sa supériorité. Dieu n'est pas ce qui est divin, mais ce qui est sans cesse infiniment plus divin. Dieu est celui qui est plus puissant que Dieu.

Or, nous dit Jean-Claude Milner, est apparu au XIXe siècle (en Europe de l'Est) une figure inédite : le « Juif de Savoir ». Pour lui, ce n'est plus Dieu qui est absolu, mais la culture. Ce n'est plus Dieu qui est tout-puissant, mais la connaissance. Dieu était toujours plus grand que Dieu ? Le savoir est toujours plus grand que le savoir - cela est même à la source du « progrès ». Y a-t-il eu des dégâts lors de l'abandon des « traités vermoulus » chers à Levinas au profit des essais philosophiques et des recueils de poésie allemande ? Pire, il y a eu une catastrophe : dans ce transfert, c'est le nom juif qui a disparu.

Remplacer Dieu par Hegel ou Goethe, c'est tout simplement cesser d'être juif. C'est s'abolir en tant que juif. Car Auschwitz fut la démonstration définitive de ce que le savoir est inférieur à quelque chose d'autre, moins intelligente que lui, plus folle et plus aveugle que lui : la technique. La technique a terrassé le savoir ; la technique a assassiné le Juif de Savoir. Avec le savoir, le Juif de Savoir a d'abord perdu le nom ; avec la technique, il a perdu la vie.

L'Arrogance du présent (titre époustouflant) s'intéresse à un avatar du Juif de Savoir : le « Juif de Révolution ». Le Juif de Révolution est un Juif de Savoir qui a lu Marx. Pour Marx, il y a une perméabilité, mieux : une réciprocité, entre savoir et révolution. Le Juif de Révolution troque ainsi, à la faveur de cette ­passerelle, l'universel mosaïque contre l'universel révolution­naire. L'universel talmudique contre un universel au rabais, un universel « facile ». Pour un Juif qui est resté dans son nom, Auschwitz a représenté une apothéose du Mal, mais en aucun cas la fin du monde : Dieu n'est pas mort là-bas ; d'autant qu'Auschwitz a été pour nombre de Juifs sécularisés le moment du « retournement de la malédiction en exultation » (Levinas) et donc le Retour vers le nom, dans le nom.

Celui qui est mort, c'est bel et bien le Juif de Savoir. Et pourtant, le Juif de Révolution, qui eût dû disparaître avec, renaît dans les années 1960, tout heureux. Éloigné de la réalité concentrationnaire (devenu un acquis familial), peu préoccupé par l'antisémitisme (qui se fait momentanément discret), oublieux de ses prédécesseurs (les Benjamin, les Arendt…), il rejoint la Gauche prolétarienne. Comment fut-ce possible ? Tout simplement, explique Milner, parce que le savoir s'était réincarné sous un autre vocable, avait emprunté un autre masque, non plus marxiste : la théorie, idole des Trente Glorieuses universitaires.

L'illusion du savoir absolu n'était donc pas morte avec la Shoah mais était parvenue, par diffrac­­tions, morcellements, dissections, éc­la-­­­­tements divers, à se propager et à survivre sous une identité nouvelle, l'althussérisme. Du moins a-t-il ressuscité à l'École normale. Le Juif de Savoir ne parlait soudain plus l'allemand, mais le français. Avant 68, tous n'étaient pas encore des Juifs allemands, mais plutôt des Juifs de Savoir français ! Et quand Benny Lévy entend préparer la Révolution, il ne sait pas encore que ce n'est pas celle du Grand Soir qui va le réveiller, mais celle du petit matin adamique, de l'aube du Chema Israël. Il ignore encore que l'universel vers lequel il tend vraiment n'est pas tourné vers la Grande Muraille, mais vers le mont Sinaï. Il ne sait pas encore que la Révolution, la seule, c'est le retour vers le nom juif, sa réappropriation, et sa victoire sur tous les dieux (théoriques) qui ne sont pas Dieu.

La véritable révolution a eu lieu : c'est la transformation, dans la seconde moitié du XXe siècle, du Juif de Savoir en Juif tout court, c'est le retour vers l'endroit précis du chemin où le Juif avait laissé choir son nom. Qui l'attendait.

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