AFFRONTEMENTS
INTER-PALESTINIENS
Source : lemonde.fr en ligne le 7 août à 20h 23
sur Diasporablog à 22h 15
"La confrontation Fatah-Hamas
reflète les divisions du peuple palestinien"
A la suite d'un attentat qui a coûté la vie à cinq militants du Hamas et à une fillette, le 25 juillet, le parti islamiste a lancé une vaste campagne de répression contre le Fatah dans la bande de Gaza. Ce à quoi le parti du président Mahmoud Abbas a répondu en arrêtant des membres du Hamas en Cisjordanie. Sébastien Boussois, chercheur associé à l'Ecole pratique des hautes études-Sorbonne et auteur de l'ouvrage Israël confronté à son passé, analyse cette reprise des affrontements interpalestiniens.
Il y a deux mois, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, appelait à la réconciliation nationale avec le Hamas. Comment expliquer la reprise des violences interpalestiniennes ?
Sébastien Boussois : Les derniers événements à Gaza sont ce que l'on pouvait craindre de pire après la prise de Gaza par le Hamas au mois de juin 2007. L'éternelle ritournelle de l'unité ou du dialogue national palestinien est, sur un plan théorique, très séduisante. Mais sur un plan pratique, elle s'avère très compliquée à appliquer. Et la confrontation à laquelle se livrent actuellement le Hamas et le Fatah n'est que le symbole des divisions qui règnent au sein de la
L'attentat n'était-il qu'un prétexte avancé par le Hamas pour asseoir définitivement son pouvoir dans la bande de Gaza ?
Je pense que les événements de cette semaine reflètent parfaitement la stratégie jusqu'au boutiste déployée par le Hamas depuis quelques années. Cette stratégie se fonde sur l'incapacité de Mahmoud Abbas à fédérer le peuple palestinien, mais aussi sur la décrédibilisation de l'Autorité palestinienne par Israël et les Européens. Depuis l'échec des négociations de Camp David, en 2000, on a considéré que le seul responsable de l'échec était l'Autorité palestinienne, dès lors mise au ban des discussions. Petit à petit, cela a indirectement donné du grain à moudre au Hamas, qui s'est trouvé une nouvelle responsabilité : celle de représenter l'ensemble des Palestiniens. Et ce rôle, il l'a endossé aux élections législatives de 2006.
Que se reprochent les deux partis ?
L'un comme l'autre sont dans une course au leadership. Il n'y a pas vraiment d'autres raisons à leur affrontement. Le peuple palestinien éprouve une impatience profonde, et espère retrouver un leadership puissant. Le Hamas, dans son rôle social et économique, pallie toutes les défaillances de l'Autorité palestinienne et se fait le reflet du raz-le-bol général des Palestiniens. Dans cette course au pouvoir, le Hamas est aujourd'hui prêt à tout, et notamment à déstabiliser Mahmoud Abbas qui n'a ni les appuis ni l'aura dont jouissait Yasser Arafat [président de l'Autorité palestinienne de 1996 à sa mort en 2004].
Y a-t-il un risque réel de guerre civile ?
Gaza est aujourd'hui une poudrière. On ne peut donc certainement pas écarter l'hypothèse d'une guerre civile palestinienne. Ce risque ne fait d'ailleurs que renforcer la légitimité que s'accorde par exemple Ehoud Barak [ministre de la défense israélien], lorsqu'il déclare qu'il n'exclut pas l'hypothèse d'une intervention militaire à Gaza.
A mon avis, tant que le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens n'aura pas été profondément relancé, on ne pourra pas parvenir à un réel compromis interpalestinien. Le dialogue national ne paraîtra possible qu'une fois que la situation des territoires palestiniens permettra à ce peuple d'avoir envie de vivre ensemble. Mais sur cette question, il est impossible de savoir ce qui se passera dans les prochains mois. Dans la situation politique globale actuelle – avec un Mahmoud Abbas affaibli, un Hamas qui joue avec le feu, et côté israélien un Ehoud Olmert qui n'a plus aucune crédibilité, en tout cas jusqu'aux élections anticipées [le premier ministre israélien a annoncé qu'il quittera son poste en septembre] – rien n'arrivera dans les prochains mois.
Et quand on s'intéresse à la question, c'est toujours cette même impression qui, malheureusement, prévaut : rien n'arrivera avant les prochains mois.
Propos recueillis
par Chine Labbé
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