DEBATTONS
Source : lemonde.fr en ligne le 11 avril
Assad à Paris, la proie pour l'ombre,
par Antoine Basbous
Source : lemonde.fr en ligne le 11 avril
Assad à Paris, la proie pour l'ombre,
par Antoine Basbous
Pour ce faire, il faudrait que le "lionceau" de Damas se lave du sang français que ses agents et ceux de son père ont fait couler en près de quarante ans. Car la multiplication de fausses revendications visant à dissimuler le rôle criminel de la dictature héréditaire des Assad n'aura pas empêché les enquêteurs de mettre au jour l'implication des Moukhabarat (services secrets) dans les attentats antifrançais. Passer l'éponge sans demander de rendre des comptes porte préjudice à l'image de la France dans la région. Une nation oublieuse du sacrifice de ses enfants, diplomates et soldats, risque d'accroître sa vulnérabilité à l'avenir. Les officiers qui défileront sur les Champs-Elysées, ce 14 juillet, devant le président syrien, pourront légitimement avoir un goût amer.
Le bénéfice attendu par Paris reste cependant illusoire : miser sur une hypothétique rupture avec l'Iran, modérer le comportement syrien au Liban et disposer d'une ouverture pour jouer un rôle dans le conflit israélo-syrien. Pourtant, la poursuite des négociations de Bachar Al-Assad avec Israël est vouée à l'échec, puisqu'en cas d'accord de paix, le régime syrien ne pourrait plus justifier ses exactions pour se maintenir. Ces attentes peuvent donc se révéler complètement infondées.
Se satisfaire, comme seul gage, du fait que Damas ait autorisé l'élection d'un président de la République au Liban, après six mois de blocage, relève de l'illusion. C'est en réalité Téhéran qui en a décidé, tandis que Damas continue de soutenir ses alliés du "croissant chiite", notamment le Hezbollah qu'il arme ou laisse s'armer, et mène une politique d'obstruction qui accroît, jour après jour, la décomposition du pays du Cèdre. Mais il est vrai que les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Or, Bachar Al-Assad ne s'est engagé sur rien et n'a validé aucune feuille de route qui puisse laisser présager un changement de comportement, ou même sa bonne foi, qu'il s'agisse de ses ingérences au Liban ou des entraves aux libertés du peuple syrien - les prisons du pays regorgent de détenus politiques.
Bachar Al-Assad joue sur tous les tableaux et se régale de tant d'égards à son sujet, sans rien avoir cédé sur le fond. Penser un seul instant qu'il serait prêt à remplacer son alliance stratégique avec l'Iran par un rapprochement avec l'Occident relève de la naïveté. Sa pseudo-disponibilité vise uniquement à faire monter les enchères. Tandis que Téhéran assure sa protection, face à la fronde des Etats arabes, la France est amenée à devenir son avocat en Occident et à lui donner accès aux aides européennes.
Quant à Israël, il continuera de plaider sa cause auprès de Washington, préférant le maintien à Damas d'une dictature minoritaire faisant respecter le statu quo sur le Golan (occupé depuis 1967), plutôt qu'un pouvoir sunnite radical susceptible de tomber aux mains de la mouvance djihadiste. En contrepartie, l'Etat hébreu se permet d'infliger à la Syrie quelques "corrections". Le raid spectaculaire du 6 septembre 2007 contre un site présenté par Washington et Tel-Aviv comme abritant une installation nucléaire clandestine n'est qu'un rappel au régime de Damas à ne pas franchir les lignes rouges, tout en signifiant à l'Iran qu'une attaque de son territoire est possible à tout instant.
Comme le colonel Kadhafi hier, Bachar Al-Assad pourra rentrer de Paris en brandissant son trophée : une poignée de main avec le président français et les dirigeants européens. Pour les Syriens opprimés et les Libanais terrorisés par la dictature des Assad, cette reconnaissance sonne comme un total reniement des valeurs de la République française. La réconciliation franco-syrienne pourrait être une avancée pour la paix et la stabilité régionale, à condition que Damas accepte d'en payer le prix, engage sa mutation, arrête de manier le double langage et le double jeu. Faute de quoi, Assad aura une fois de plus consommé l'appât sans mordre à l'hameçon et trompé les Occidentaux qui n'auront pas pris le temps de contrôler la véracité de ses engagements, réels ou le plus souvent attribués.
La rupture prônée par Nicolas Sarkozy avec les années Chirac II va-t-elle conduire le président à verser dans la politique des années Chirac I ? Ce dernier avait attribué toutes les vertus au jeune Assad, avant de déchanter. Pour satisfaire Damas, Jacques Chirac était même allé jusqu'à cautionner l'occupation syrienne du Liban, dans un discours devant le Parlement libanais en octobre 2002. Il ne devrait pas assister aux cérémonies du 14 Juillet. Mais son influence est altérée par son maintien dans l'appartement prêté par la famille Hariri.
La mémoire de la France ne doit pas faillir. Le président Assad devrait être le bienvenu à Paris, dès lors qu'il reconnaît les crimes commis par son régime, présente des excuses, renonce à son alliance avec l'Iran, promet une démocratisation vérifiable en Syrie et une reconnaissance diplomatique du Liban. Une réhabilitation sans concessions équivaut à récompenser un Etat qui a fait du terrorisme sa devise, en lui permettant, au passage, de rompre son isolement international. Mouammar Kadhafi a été réhabilité après avoir renoncé, sous contrôle international, à ses armes de destruction massive, après avoir indemnisé ses victimes et promis de cesser ses ingérences. Quel est le prix exigé pour la réhabilitation de Bachar Al-Assad ?
Le bénéfice attendu par Paris reste cependant illusoire : miser sur une hypothétique rupture avec l'Iran, modérer le comportement syrien au Liban et disposer d'une ouverture pour jouer un rôle dans le conflit israélo-syrien. Pourtant, la poursuite des négociations de Bachar Al-Assad avec Israël est vouée à l'échec, puisqu'en cas d'accord de paix, le régime syrien ne pourrait plus justifier ses exactions pour se maintenir. Ces attentes peuvent donc se révéler complètement infondées.
Se satisfaire, comme seul gage, du fait que Damas ait autorisé l'élection d'un président de la République au Liban, après six mois de blocage, relève de l'illusion. C'est en réalité Téhéran qui en a décidé, tandis que Damas continue de soutenir ses alliés du "croissant chiite", notamment le Hezbollah qu'il arme ou laisse s'armer, et mène une politique d'obstruction qui accroît, jour après jour, la décomposition du pays du Cèdre. Mais il est vrai que les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Or, Bachar Al-Assad ne s'est engagé sur rien et n'a validé aucune feuille de route qui puisse laisser présager un changement de comportement, ou même sa bonne foi, qu'il s'agisse de ses ingérences au Liban ou des entraves aux libertés du peuple syrien - les prisons du pays regorgent de détenus politiques.
Bachar Al-Assad joue sur tous les tableaux et se régale de tant d'égards à son sujet, sans rien avoir cédé sur le fond. Penser un seul instant qu'il serait prêt à remplacer son alliance stratégique avec l'Iran par un rapprochement avec l'Occident relève de la naïveté. Sa pseudo-disponibilité vise uniquement à faire monter les enchères. Tandis que Téhéran assure sa protection, face à la fronde des Etats arabes, la France est amenée à devenir son avocat en Occident et à lui donner accès aux aides européennes.
Quant à Israël, il continuera de plaider sa cause auprès de Washington, préférant le maintien à Damas d'une dictature minoritaire faisant respecter le statu quo sur le Golan (occupé depuis 1967), plutôt qu'un pouvoir sunnite radical susceptible de tomber aux mains de la mouvance djihadiste. En contrepartie, l'Etat hébreu se permet d'infliger à la Syrie quelques "corrections". Le raid spectaculaire du 6 septembre 2007 contre un site présenté par Washington et Tel-Aviv comme abritant une installation nucléaire clandestine n'est qu'un rappel au régime de Damas à ne pas franchir les lignes rouges, tout en signifiant à l'Iran qu'une attaque de son territoire est possible à tout instant.
Comme le colonel Kadhafi hier, Bachar Al-Assad pourra rentrer de Paris en brandissant son trophée : une poignée de main avec le président français et les dirigeants européens. Pour les Syriens opprimés et les Libanais terrorisés par la dictature des Assad, cette reconnaissance sonne comme un total reniement des valeurs de la République française. La réconciliation franco-syrienne pourrait être une avancée pour la paix et la stabilité régionale, à condition que Damas accepte d'en payer le prix, engage sa mutation, arrête de manier le double langage et le double jeu. Faute de quoi, Assad aura une fois de plus consommé l'appât sans mordre à l'hameçon et trompé les Occidentaux qui n'auront pas pris le temps de contrôler la véracité de ses engagements, réels ou le plus souvent attribués.
La rupture prônée par Nicolas Sarkozy avec les années Chirac II va-t-elle conduire le président à verser dans la politique des années Chirac I ? Ce dernier avait attribué toutes les vertus au jeune Assad, avant de déchanter. Pour satisfaire Damas, Jacques Chirac était même allé jusqu'à cautionner l'occupation syrienne du Liban, dans un discours devant le Parlement libanais en octobre 2002. Il ne devrait pas assister aux cérémonies du 14 Juillet. Mais son influence est altérée par son maintien dans l'appartement prêté par la famille Hariri.
La mémoire de la France ne doit pas faillir. Le président Assad devrait être le bienvenu à Paris, dès lors qu'il reconnaît les crimes commis par son régime, présente des excuses, renonce à son alliance avec l'Iran, promet une démocratisation vérifiable en Syrie et une reconnaissance diplomatique du Liban. Une réhabilitation sans concessions équivaut à récompenser un Etat qui a fait du terrorisme sa devise, en lui permettant, au passage, de rompre son isolement international. Mouammar Kadhafi a été réhabilité après avoir renoncé, sous contrôle international, à ses armes de destruction massive, après avoir indemnisé ses victimes et promis de cesser ses ingérences. Quel est le prix exigé pour la réhabilitation de Bachar Al-Assad ?
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