AGRESSION
DUNJEUNEJUIF
RUEPETIT
APARIS
Source : lenouvelobs.com en ligne le 23 juin


"Le conflit entre Israël et Palestine
n'explique pas tout"


Un jeune juif a été violemment agressé samedi soir à Paris. Pensez-vous qu'il s'agit d'un acte antisémite caractérisé?- Très probablement. Un jeune homme a été agressé en pleine rue. Il portait une kippa. Les agresseurs ne s'en sont pas pris à d'autres. Il a été identifié comme un juif en tant que tel, pratiquant et religieux. Le même jeune, au même moment, dans la même rue mais sans kippa aurait-il été agressé?

Je n'en suis pas certain. Mais ce n'est pas une nouveauté, ce n'est pas la première fois qu'on s'en prend à une personne portant des signes religieux juifs. Les médias parlent beaucoup de rivalités entre bandes organisées de jeunes juifs d'un côté et de jeunes d'origine africaine ou nord-africaine de l'autre.

Est-ce quelque chose que vous constatez au quotidien? Est-ce propre au 19° arrondissement de Paris, lieu de l'agression, ou généralisé?

Ce n'est pas quelque chose que je constate au quotidien. Il y a une partie du 19ème arrondissement qui est une zone sensible, où se côtoient des bandes qui, avec ou sans motivations, sont susceptibles de commettre ou de répondre à des actes de violence, de provocation, d'intimidation. Le 19ème est, par ailleurs, un quartier difficile. On ne rencontre pas ces problèmes dans le 7ème ou le 8ème arrondissement de Paris. Mais c'est difficile de pointer du doigt un arrondissement en particulier. Des actes, des inscriptions antisémites, il peut y avoir à Nice, au Blanc-Mesnil, à Paris dans le 10ème, le 19ème, le 20ème arrondissement, à Metz, à Reims…. Il y a toujours des zones plus sensibles que d'autres. Le problème, c'est de comprendre pourquoi les agressions ont lieu à certains endroits plus que d'autres. Il y a une communauté juive importante dans le 19ème arrondissement de Paris, parce qu'il y a des points d'ancrage : des synagogues, des épiceries kasher, des écoles juives… Certains juifs qui habitaient en banlieue et avaient peur se sont installés dans le 19ème, parce qu'ils y ont des facilités pour se retrouver, se rassembler culturellement et cultuellement.

Y-a-t-il une montée des actes de violence envers les membres de la communauté juive en France?

Depuis quand? Comment l'expliquez-vous?- Le ministère de l'Intérieur tient une comptabilité des actes antisémites recensés. Cela comprend les menaces et les agressions, comme celle de ce week-end. En 2006, il y a eu 571 actes antisémites sur l'ensemble du territoire. En 2007, 386, soit une baisse de 32,5%. Il y a eu une grosse augmentation à partir de 2000, et ensuite, les chiffres fluctuent. En 1997, on a recensé 90 actes, puis 80 l'année suivante. En 2000, on est passé à 125, jusqu'à atteindre un pic en 2004, avec 774 actes antisémites recensés. Le conflit entre Israël et Palestine n'explique pas tout, même si on constate une explosion des actes antisémite à partir de 2000, année de l'Intifada, en France mais aussi dans les autres pays européens, aux Etats-Unis, au Canada… Ca a été l'un des détonateurs du réveil des actes antisémites. Mais il y a des facteurs structurels aussi. On assiste à une "détabouisation" du langage et une survivance des préjugés. On pense que les juifs ont de l'argent et des privilèges, qu'ils sont surreprésentés… Les stéréotypes à l'égard des juifs sont connus depuis très longtemps. Et ça n'a pas forcément disparu parce qu'il y a eu la Shoah et parce que nous sommes en 2008…


Interview de Marc Knobel par Clotilde Cadu(le lundi 23 juin 2008)