BONNES
FEUILLES
LIVRE RECOMMANDE
PAR DIASPORABLOG
Le livre mémorial des juifs de Seine et Marne
durant la seconde Guerre Mondiale 1940-1945
par Frédéric Viey
Editions La plume et l'écran
350 pages - 24 Euros
A paraitre le 21 mai 2008
Les Martyrs de Troyes
Elle est mise à grand mal, la malheureuse gent :
Et ce n’est pas sa faute, si la rage la prend,
Car d’entre eux sont brûlés maints preux braves, et gens,
Qui n’ont pu pour leur vie donner rachat d’argent.
Notre joie est troublée, troublé notre déduit.
Car ceux que la Torah occupait sans répit,
Etudiant sans fin et de jour et de nuit,
Ils ont reconnu Dieu ! Et tous ils sont détruits.
De la félonne gent, nous souffrons ces douleurs,
A bon droit nous pouvons bien changer de couleur.
Dieu ! prends-nous en pitié : entends nos cris, nos pleurs !
Car nous avons perdu maint homme de malheur.
En place est amené Rab Isaac Châtelain,
Qui pour Dieu laissa rentes et maison tout à plein
Il se rend au Seigneur. Riche était de tous biens
Bon auteur de Tosphot (1) et bon auteur de plains.(2)
Lorsque la noble femme vit brûler son mari,
Le départ lui fit mal : elle en jeta grand cri :
‘’Je mourrai de la mort dont mourut mon ami.’’
Elle était grosse ; aussi grand’peine elle souffrit.
Deux frères sont brûlés, un petit et un grand ;
Le plus jeune s’effraie du feu qui lors s’éprend ;
‘’Haro ! Je brûle entier !’’ et l’aîné lui apprend :
‘’Au paradis tu vas aller ; j’en suis garant.’’
La Bru qui fut si belle, on vint pour la prêcher :
‘’Pour te tenir bien chère, nous t’offrons écuyer.’’
Elle, aussitôt, contre eux commença à cracher :
‘’Je ne laisserai Dieu, vous pouvez m’écorcher.’’
D’une voix tous ensemble, ils chantaient haut et clair,
Comme des gens de fête qui dussent caroler.
Leurs mains étaient liées, ils ne pouvaient baller,
Jamais on ne vit gens si vivement marcher.
Le félon, le maudit, les brûlait, irrité
Les uns après les autres. Alors un Kadosch (3) : ‘’Fais,
Fais grand feu, méchant homme’’, il osa l’outrager.
Elle fut belle, la fin de Biendict d’Avirey.
Il y eut un nombre home qui se prit à pleurer :
‘’Pour mes enfants, je pleure ici désespéré,
Non pour moi.’’ IL se fit brûler sans plus tarder ;
Ce fut Simon, sopher (4), qui sut si bien orer (5).
Les prêcheurs sont venus Isaac Cohen quérir :
‘’Qu’il abjure, ou sinon il lui faudra périr.’’
‘’Que me demandez-vous ? Pour Dieu je veux mourir.
Prêtre, je veux l’offrande de mon corps lui offrir.’’
Tu ne peux échapper, puisque nous te tenons,
Deviens chrétien.’’ Mais lui, aussitôt répond : ‘’Non,
Pour les chiens, je ne veux laisser Dieu, ni son Nom !’’
On l’appelait Haïm, le maître de Brinon
Il y eut un kadosch qui fut conduit avant ;
On lui fit un petit feu qu’on allait avivant.
De bon cœur, il convoque Dieu, menu et souvent,
Souffrant doucement peine au nom du Dieu vivant.
Dieu vengeur, Dieu jaloux ! Venge-nous des félons ;
D’attendre ta vengeance, le jour nous semble long !
A te prier d’un cœur entier, là où nous restons et allons,
Nous sommes prêts et disposés, réponds. Dieu, quand nous t’appelons.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
1) Tosphot, additions au commentaire talmudique. 2) plains, Commentaires simples, 3) Kadosch, Saint. 4) sopher, scribes, 5) orer, Lire, prier.
Cette complainte juive en vieux français de 1288, recueillie par Arsène Darmesteter, est l’une des plus édifiantes dans la longue litanie des brûlements des Juifs en France comme à Bray-sur-Seine, à Blois, à Paris ou autres. Dans ‘’La Vallée des Pleurs’’ (Emek Ha-Bakha), les poètes juifs rédigent de longues élégies en souvenir des différents massacres organisés par les rois de France ou la populace souvent excitée sous le prétexte de ‘’Meurtre rituel’’ contre les Juifs. La dernière accusation de crime rituel remonte à 1911, avec l’Affaire Beilis, à Kiev. Le XXème siècle, finalement, n’est que la copie conforme de ce qui s’est fait au Moyen-Âge. Un grand holocauste des Juifs d’Europe a été perpétué entre 1941 et 1944. Pire encore, il continue en Pologne, lorsque des fils d’Israël, sortis des camps de la mort voulant retourner dans leur village, sont assassinés par la population. Comme au Moyen-Age, la pression fiscale engendre la déchéance progressive des Communautés Juives européennes : Allemagne, Autriche, Pologne, Lituanie, Lettonie, France, Italie, Hongrie, Belgique, Hollande, Grèce, Roumanie,….. Ce chemin mène directement à la destruction, destruction par le feu.
Alors que la Communauté nationale fête en 2005 le 60ème anniversaire de la Libération des Camps de concentration et d’extermination, la France a toujours mal à sa mémoire. Pour ne pas se remémorer les époques tragiques de ce temps, il est facile de confondre le recensement, le marquage, la spoliation, la déportation et l’extermination des Juifs en France avec l’arrestation, la torture, la relégation, l’exécution de résistants français ou étrangers ou d’otages. Pour maintenir la paix sociale, le Général Charles De Gaulle et Henry Fresnay se sont mis d’accord au lendemain de la guerre sur une idée du ‘’malheur national’’.
Aujourd’hui, il faut rendre hommage aux personnes qui trouvèrent la mort durant cette sombre période en citant les véritables raisons de cette extermination. En effet, en Seine-et-Marne comme dans tout l’hexagone, les israélites français et étrangers sont énumérés, marqués, spoliés, déportés et exterminés parce que Juifs ; viel anti-judaïsme clérical ? La Xénophobie du régime nazi, amplifiée par l’antisémitisme d’Etat d’un gouvernement ultra-nationaliste conduisent aux portes de l’enfer plus de 80.000 juifs de France. Grâce au travail de Serge Klasfeld, il est possible d’identifier un grand nombre des Juifs de France qui sont arrêtés, transférés à Drancy et déportés vers la mort, bien avant l’ouverture officielle des ‘’Archives’’. Ce travail débouche sur la création du Mémorial des Juifs de France à Roglit en Israël et surtout sur le nouveau Mémorial de la Shoah qui remplace le Centre de Documentation Juive Contemporaine à Paris.
Avec l’ouverture des documents aux Archives Nationales et Départementales concernant la Seconde Guerre Mondiale, il m’est possible d’avoir accès à toutes les pièces même si certaines sont encore très sensibles. En demandant à Madame Isabelle Rambaud, directrice des Archives départementales de Seine-et-Marne, la possibilité de pouvoir consulter toutes les archives concernant cette période, j’ai avancé rapidement dans mes recherches. Le plus incroyable est sans doute la découverte d’un camp de transit à Dammarie-les-Lys pour les Juifs étrangers habitant la Seine-et-Marne avant leur envoi vers Beaune-La-Rolande ou Pithiviers. Puis il y a ces camps disciplinaires où des juifs sont internés selon leurs capacités professionnelles : manœuvres, tailleurs, tailleurs sur cuir, etc… Il y a aussi ces camps de travail agricole où des Juifs parisiens se portent volontaires pour y travailler. Au bout de ces chemins, il y a, inexorablement, l’application des lois raciales antijuives, la déportation et la mort.
La Fondation pour la Mémoire de la Shoah, tout en préservant l’identité nationale, travaille pour préserver la mémoire de cette immense catastrophe qui a réduit les rangs du Peuple Juif dans le Monde : 6.000.000 d’âmes. Cette fondation finance différents projets de recherches sur le recensement, le marquage, la déportation et l’extermination des Juifs et plus particulièrement des Juifs de France. Ces travaux trouvent leur réalisation et leur archivage dans le Mémorial de la Shoah qui remplace ce qui a été pendant plus de 50 ans le Centre de Documentation Juive Contemporaine. Il faut rappeler ici le long travail de recherches des minutes de la mise en place de l’extermination des Juifs de France et la traque des criminels de guerre ayant œuvrés en France, par Serge et Beate Klarsfeld, aidés par les ‘’Fils et Filles des Déportés Juifs de France’’. Simon Wiesenthal, le chasseur de nazis, leur avait ouvert la voie.
Comment un pays qui doit beaucoup à son immigration ou à ses colonies a-t-il pu tomber dans un tel fanatisme ? Combien les juifs ont-ils apporté à la France, au Brésil, à Hong-Kong, à la Chine, à la Cochinchine, à l’Afrique, à l’Algérie, au Maroc, à la Tunisie, au Liban, qu’ils soient commerçants, fonctionnaires, officiers ou hommes du rang dans les différentes armées françaises. En 1940, les gouvernants, les particuliers, peuvent-ils penser qu’ils arriveront à prendre la place des Juifs dans la société française, qu’il leur soit possible de s’accaparer le moindre bien juif ou usurper tel ou tel immeuble ou synagogue ? Envisagent-ils qu’ils agiront comme les rois de France, les comtes, les ducs ou autres seigneurs de guerre au Moyen-Âge ! Après la défaite de 1940, ce qui est le plus dommageable à la France, c’est d’abord son manque numérique humain ; prisonniers de guerre : déportation des résistants, extermination des Juifs. En plus, la plus grande partie de la production française part en Allemagne donc une petite population, une production pour l’occupant = pas de consommation. Or ce qui manque le plus à la France, c’est le génie, la disparition des cerveaux, l’élimination des artistes, l’inexistence d’un savoir-faire souvent apporté par des étrangers et plus particulièrement des Juifs.
Dans chaque département, l’Office National des Anciens Combattants (ONAC) doit faciliter les recherches sur la vie des Juifs durant la dure période de la 2ème Guerre Mondiale. Ces études devraient être primées par le Fonds pour la Mémoire de la Résistance et par celui du Fonds pour la Mémoire de la Shoah. Dans les Classes primaires, les Lycées et les Collèges, une journée devrait être réservée à l’enseignement de l’histoire de la Shoah. Certains professeurs devraient même faire travailler leurs élèves dans le cadre d’un P.A.E et présenter ces travaux au Jury du Prix Corrin, sous le haut patronage de Mme Simone Weil, ou au Concours départemental de la Résistance et de la Déportation, sous la Présidence du Préfet de Seine-et-Marne. Il va sans dire que des bourses pourraient être trouvées pour permettre à ces mêmes professeurs de faire le déplacement à Auschwitz puis dans un second temps d’emmener leurs élèves dans ce haut lieu de l’extermination des Juifs. C’est au plus jeune âge qu’il faut faire coexister et comprendre les différentes cultures qui peuplent aujourd’hui la France. Cette mosaïque est le fondement d’une nouvelle identité française dans les valeurs de la République ; l’éducation scolaire est le seul ciment qui permettra cette cohésion nationale pour l’avenir. Telle serait alors la devise de l’enfant : ‘’Savoir, Mémoire, Souvenir. ‘’
Pour une meilleure compréhension, ce Livre Mémorial, ‘’Memorbuch’’, est rédigé sur six plans qui sont aussi des périodes chronologiques : 1° le recensement, 2° le marquage, 3° la spoliation, 4° l’arrestation, 5° la destruction et 6° l’après-guerre. Je cite en exemple l’histoire de quelques familles juives seine-et-marnaises. J’ajoute que des organisations juives et non juives se sont mobilisées pour sauver les enfants séparés de leurs parents lors des arrestations (l’OSE et les Sœurs de Notre Dame de Sion). J’affirme aussi qu’il n’y a aucune honte à procéder à une recherche généalogique pour échapper à la déportation en arrivant à prouver sa non appartenance à la race juive. Lorsque l’on peut se tirer des griffes de la bête immonde, il faut en profiter. Pour terminer, il me paraît très important de faire ressortir l’ombre des héros. Loin de l’image hollywoodienne, ces ’’Justes ‘’ œuvrent au quotidien, en homme tout simplement .
Frédéric VIEY
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire