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A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
mercredi, janvier 04, 2006
MILLEFEUILLES
Nelly Sachs :
Poésie de la nuit intérieure
"Partage-toi, nuit"
de Nelly Sachs (Prix Nobel 1966)
Traduit de l'allemand
par Mireille Gansel
Editions Verdier
Collection Der Doppelgänger
dirigée par J. Y. Masson
L'avis d'Alain SUIED
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Maurice Nadeau avait permis au public français de découvrir Nelly Sachs dans une première traduction de qualité (Lionel Richard) : la grande poètesse juive -publiée comme Celan dans la revue "Léphémère"- y déroulait son interrogation meurtrie, puisée dans le rêve et l'Horreur...
Le volume publié par Verdier constitue le toisième et ultime volume de l'intégrale des poèmes de Nelly Sachs après "Eclipse d'étoile" et "Exode et métamorphose".
Les derniers poèmes de cette oeuvre baignée de références hébraïques ne sont pas les plus aisés -mais "l'énigme" en est la tension, la teneur mêmes!
Née à Berlin en 1891, morte à Stockolm en 1970 (les poèmes posthumes ont été réunis par H. M. Enzensberger), cette poètesse de la Shoah et de l'après (comme Rachel, bientôt traduit chez ARFUYEN) fut sauvée et recueillie par SELMA LAGERLOF durant la guerre de 40 et dialogua avec Paul CELAN.
Dans plusieurs tectes , la poètesse est "à sa fênêtre", voyant la nuit et la folie s'abattre sur le monde humain, interrogeant le lointain, bientôt gagné par les clameurs des fantômes sans sépulture et le proche, et la folie personnelle envahit peu.
"Tu as tes bagages de fugitif déjà
de l'autre côté-
la frontière est ouverte
mais avant
ils jetteront tous tes "chez toi"
comme des étoiles par la fenêtre
ne reviens plus
habite l'inhabité
et meurs".
Bien avant l'heure, Nelly Sachs se sente de "l'autre côté", comme si la condition humaine et l'Histoire s'étaient percutées pour produire un moment monstrueux, un cassage de la Civilisation, un déni de la Nature, mais "quand deux être, regardent par la fenêtre, ils ne voient pas la même chose"...C'est peut-être la "différence" qui porte une dernière fois le possible, la possibilité de voir encore l'oiseau, de laisser l'espérance humaine s'envoler encore sur les ailes du poème...?
"Utopie et dialogue" se répondent, s'entre-croisent dans cette poésie de la nuit sprirituelle...
"Cette chaîne d'énigmes
posée autour du cou de la nuit
parole du roi continûment écrite
illisible
peut-être en orbite de comète
quand la plaie ouverte du ciel
est à vif"...
La "royauté" spirituelle hébraïque est devenue blessure, Shoah, mais le "bien-aimé" peut encore trouver "une aiguille" dans une meule de foin, l'impossible peut se réaliser encore, la vie renaître...
Car : "le jardin sait/d'où vient la croissance", car l'énigme est toujours vivante, intouchable, espérante.
Nelly Sachs nous dit la nuit qui gagne mais nous rappelle aussi que l'aube aussi suit le néant.
Alain SUIED
Prix Nelly Sachs 1994
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