UNLIVRE
DEPRIERESJUIVES
DELORENBARRE
Source : lefigaro.fr en ligne le 7 mai 2012
lire LE MONDE daté du 11 mai 2012
en vente en kiosque
Un rare livre enluminé
de prières juives aux enchères
Un exceptionnel Mahzor datant de la Renaissance italienne sera mis en vente par Christie's à Paris, le 11 mai.
On croirait voir un livre d'Heures avec son iconographie aux belles enluminures bleu lapis lazuli, rouge cochenille et ses ors qui lui donnent un relief sans pareil. Sauf que ce manuscrit est écrit en hébreu. C'est un Mahzor, un livre de prières juives pour l'année liturgique, réalisé en Toscane, dans les années 1490. Dans ce siècle de la Renaissance italienne, les juifs ashkénazes distinguent le livre de prières pour les jours ordinaires (sidûr) de celui consacré aux jours de fêtes (mahzor), depuis que ce dernier s'est enrichi de poèmes liturgiques (pijûtîm). C'est le début du «règne» d'une grande saga familiale d'imprimeurs hébraïques italiens, les Sancino. D'après nos informations, c'est sans doute eux qui ont imprimé l'ouvrage.
Un livre d'art (estimé entre 400.000 et 600.000 euros), un objet luxueux déjà pour son époque. «Comme si on demandait aujourd'hui à Damien Hirst de réaliser une œuvre», affirme Christoph Auvermann, directeur du département des livres anciens et manuscrits chez Christie's, où il sera soumis aux enchères le 11 mai.
Son maître enlumineur fut le florentin Boccardino el Vecchio. L'artiste catholique laissa libre cours à son inspiration sur le parchemin de vélin. Lui aussi travaillait pour Laurent de Médicis, ce grand mécène qui mourra en 1492. «Boccardino possédait une très grande collection de camais qu'il reproduisait dans l'enluminure, accompagnés de signes ou de lettres, ainsi que de médaillons et de cervidés», précise le spécialiste. D'autres ornements ont été réalisés par son atelier. Enfin, une troisième main, celle d'un artiste juif, est intervenue plus tard, avec des motifs plus naïfs, mais illustrant bien le texte religieux: prières pour le Shabbat, bénédiction pour la nouvelle lune, pour Hanoukka avec des extraits du livre d'Esthe, pour Pessah, Roch Hachana, Yom Kippour, Sukkot. Ou encore Tsam'a Nafshi, le poème écrit par Abraham ibn Ezra, commentateur biblique espagnol du XIIe siècle, au nom «identifié en acrostiches en marge du feuillet 427», note l'expert.
«C'est une commande d'une riche famille juive, comme il y en avait à Florence au XVe siècle sous la protection des Médicis, notamment de Laurent le Magnifique, qui fit en sorte que l'érudition juive prospère», affirme sans plus de précision Christoph Auvermann. Cependant, le Mahzor livre quelques indices sur sa provenance. «En marge de la page 2 du catalogue apparaît le nom et le portrait de David. Peut-être représente-t-il le profil et le nom du commanditaire», suppose Éliane Roos, spécialiste de paléographie hébraïque. Ce manuscrit l'enthousiasme: «Écrit entre bleu et rouge et or après une étoile à six branche, Le magen David (le bouclier de David symbolisé par cette étoile) aurait donc déjà cette signification, alors que l'on pensait l'avoir vu naître à Prague un peu plus tard, remarque-t-elle. Sans parler des nus illustrant les prières du coucher, que le judaïsme traditionnel ashkénaze n'aurait pas acceptés. Exubérance et réalisme italien!».
Épargné par la censure
Ses pages sont remarquablement conservées. Sans doute grâce à sa reliure, épaisse, datant de la seconde moitié du XVIe siècle, aux entrelacs peints à la cire. Au centre de la reliure, «les deux lions affrontés de part et d'autres d'un palmier, sont une association assez fréquente chez bon nombre de familles juives de l'Italie de l'époque, dont les toscanes Tedeschi et Uzielli», précise Philippine de Sailly, autre spécialiste chez Christie's. En 1611, les censeurs validèrent le manuscrit. Leur signature figure sur le dernier feuillet.
Christie's l'a reçu des descendants du banquier et collectionneur français Edmond Bickard-Sée, qui le détenait depuis 1930. Entre l'Italie au XVIIe siècle et la France au XXe, un trou de mémoire de trois cents ans nimbe de mystère l'histoire de ce manuscrit. «On en a une trace à Francfort en 1908, puis en 1930, dans une publication de l'Adler Jewish Travellers», relève Christoph Auvermann. Mais, précise Eliane Roos, «avant d'être acquis par Edmond Bickard-Sée, le Mazhor a appartenu à un Monsieur Merzbach, de Munich». L'expert de la maison de vente le rapproche du Mahzor Rothschild, aujourd'hui conservé au Jewish Theological Seminary of America de New York, et réalisé au cours des mêmes années à Florence.
Montré à New York puis à Londres depuis la mi avril, le Mahzor est exposé à Paris les 9 et 10 mai de 10h à 18h, avant sa vente prévue le 11 mai à 14h.
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