ISRAËL
COUPDEBLUFF
COUPPOLITIQUE
LAVISDUNANCIEN
AMBASSADEURD'ISRAËL
ENFRANCE
Source : huffingtonpost.fr en ligne
le 12 mai 2012
Un coup bien politicien en Israël
Mobilisation exemplaire au service de la nation ou comble de la magouille politique? C'est entre ces deux extrêmes que balance le cœur de l'Israélien étonné et perplexe face a l'accord surprise de Shaul Mofaz, fraichement élu à la tete de Kadima, premier parti d'opposition du pays, de rejoindre le gouvernement de Benyamin Netanyahu. D'un coup, plutôt que de provoquer la chute du gouvernement et des élections anticipées, il assure au Premier Ministre une majorité en beton de 94 députés sur 120.
En réalité les deux positions reposent sur des arguments de poids.
Pour les uns, il s'agirait d'un acte de responsabilité face a une situation difficile du pays. Certains choix primordiaux attendent ce gouvernement, allant d'une crise économique et sociale qui s'annonce (avec retard) à notre horizon jusqu'à la question du nucléaire iranien, passant par la volonté d'imposer le service national (militaire ou civil) à la population ultraorthodoxe, la question des implantations sauvages et - pourquoi pas? - une reprise du processus de paix. Quoi de mieux que de les affronter avec un sens d'unité nationale? Et qui a besoin d'une longue campagne électorale qui donnerait sans doute Netanyahu gagnant une nouvelle fois?
De l'autre côté, on crie au scandale. Comment croire à l'angélisme de Mofaz qui publiait le 3 mars, pendant sa campagne des primaires, sur sa page Facebook la déclaration suivante: "écoutez-moi bien: je ne rejoindrai pas le gouvernement de Bibi. Ni aujourd'hui. Ni demain. Ni quand je serai à la tête de Kadima. C'est suffisamment clair?", et qui hier, en conférence de presse disait l'inverse ("ne pas rejoindre le gouvernement était une faute historique de Kadima, faute que je corrige maintenant")? Il aurait simplement tiré le frein de secours alors que les sondages le donnaient en chute libre, pour gagner du temps en espérant se refaire une beauté avant l'échéance electorale prevue en octobre 2013.
Ceux dans Kadima qui, comme moi, avaient soutenu Tzipi Livni et son choix de ne pas rejoindre à tout prix un gouvernement qui ne compte pas faire avancer la paix avec les Palestiniens, ne peuvent que rester bouche bée devant ce volte-face. Nombreux commentateurs pensent que Mofaz a peut-être gagné 18 mois de vie politique, mais qu'à terme ce choix aura été le début de sa disparition de la scène. Ils estiment aussi qu'au-delà de la situation malsaine d'une majorité des trois quarts de la Knesset et l'impossibilité pour les dernières bribes de l'opposition de jouer son rôle, la stabilite inébranlable que le Premier Ministre aurait obtenu pour terminer un mandat de longueur record à la tête du pays pourrait s'avérer factice. Le dégoût par rapport au monde politique qu'aura suscité cette combine politicienne au regard de beaucoup d'Israéliens, notamment des jeunes, risque de réveiller de plus bel le mouvement de protestation qui agitait les rues des villes israéliennes l'été dernier. Si l'opposition ne peut exister dans l'hémicycle, elle se manifestera dans les rues.
Tout de même, on peut y voire deux réels avantages. D'une part, l'objectif déclaré de cette grande union est de régler quelques grands dilemmes et surtout celui du système électoral israélien. Si ce nouveau gouvernement arriver a réaliser ce miracle auquel depuis des décennies beaucoup se déclarent favorables mais dont personne n'a le courage de réellement tenter de le réaliser, cela vaudra la mauvaise odeur qui plane au dessus du monde politique de mon pays ces jours-ci. Deuxièmement, avec une telle majorité, et avec la dilution de l'influence des partis religieux ou d'extrême droite, le premier ministre Netanyahu n'a plus aucune excuse en ce qui concerne le processus de paix, les implantations ou les questions de laïcité. Comme le disait l'editorial du journal Haaretz, on ne pourra plus dire autour de Bibi qu'il souhaite faire avancer la paix, mais qu'il ne peut pas pour cause de contraintes politiques. Maintenant il le peut.
Et finalement, l'Iran. Certains voient dans cette operation politique une volonté de responsabiliser une aussi grande partie de l'échiquier politique que possible autour d'une éventuelle opération militaire contre les installations nucléaires. Certes, Shaul Mofaz s'est déclaré maintes fois fermement opposé à une telle opération, mais... bon, vous aurez compris...
Daniel Shek
Ambassadeur d'Israel en France
de 2006 a 2010
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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